Allman Brothers Band ALLMAN BROTHERS BAND, The : groupe de rock sudiste américain, 1969.

- Duane (Howard Duane) Allman : guitariste solo et slide. Né le 20.12.1946 à Nashville (Tennessee). Mort le 29.10.1971 à Macon (Géorgie).
- Gregg (Gregory) Allman : organiste et chanteur. Né le 18.12.1947 à Nashville.
- Dickey (Foreste Richard) Betts : guitariste et solo et chanteur. Né le 12.12.1943 à West Palm Beach (Floride).
- Chuck (Charles) Leavell : claviériste. Né le 28.04.1952 à Tuscaloosa (Floride).
- Berry (Raymond Berry) Oakley III : bassiste et chanteur. Né le 04.04.1948 à Chicago (Illinois). Mort le 11.11.1972 à Macon.

Puis :
- Lamar Williams : bassiste. Né le 14.01.1949 à Gulfport (Floride). Mort le 21.01.1983 à Los Angeles (Californie).
- Butch Trucks (Claude Hudson) : batteur. Né le 11.05.1947 à Jacksonville (Floride).
J- aimoe Johanny Johanson (Johnny Lee Johanson : batteur. Né le 08.07.1944 à Ocean Springs (Mississippi).

Etabli en Géorgie, ce groupe a inventé au début des années 70 le rock sudiste, creuset où se sont fondus blues, rock, rhythm'n' blues, country et jazz à coups de doubles batterie, d'orgue Hammond et de « duels » de guitares. Bande de motards rebelles, adeptes d'improvisations influencées par John Coltrane et Miles Davis autant que T-Bone Walker et Muddy Waters, ces fiers hippies sudistes ont apporté à la musique une contribution aussi aventureuse que généreuse.

« C'était un style de vie, une religion, une famille », résuma le batteur Butch Trucks en se confiant à Scott Freeman, l'auteur de la biographie du groupe Midnight Riders. Elevés près de Nashville, les frères Allman ne faisaient pas partie d'une famille sans histoires. Durant une permission lors de la guerre de Corée, leur père lieutenant avait été assassiné par un soldat ivre. Mère et enfants émigrent en 1958 à Daytona Beach. Là, Gregg et Duane reçoivent leur première guitare et leur première moto, écoutant des programmes de blues et de rhythm'n' blues à la radio et formant leur premier orchestre en 1961. A la tête des Allman Joys, ils sillonnent le circuit des bars de la région, fréquentant des musiciens noirs, ce qui est très mal vu dans leur milieu blanc et sudiste. Lors d'un passage à Decatur, près d'Atlanta, ils forment Hour Glass. A la mi-1967, ce groupe se voit proposer un contrat avec Liberty à Los Angeles. Après deux albums en 1968 où la compagnie leur impose les titres de son catalogue, ils rentrent chez eux, dégoûtés. A Jacksonville, ils jouent avec le 31st Of February du batteur Butch Trucks.

Pourtant, l'aventure du groupe naît de cette période de découragement. Les talents de Duane Allman, jeune guitariste prodige, sont repérés par Rick Hall. Fin 1968, il est recruté comme soliste de la fameuse Muscle Shoals Rhythm Section : son solo de Fender Telecaster sur la reprise de « Hey Jude » par Wilson Pickett sidère Jerry Wexler. Il joue avec Clarence Carter (« The Road Of Love »), Aretha Franklin (« The Weight »), King Curtis (« Games People Play ») et Boz Scaggs (l'extraordinaire « Loan Me A Dime »). Après avoir tenté d'enregistrer un album solo à Muscle Shoals avec Jaimoe, le batteur d'Otis Redding, Duane rappelle son frère Gregg, repartir chercher fortune en Californie et, avec Trucks et deux membres de Second Coming (Berry Oakley et Dickey Betts), il fonde l'Allman Brothers Band. A l'image du Grateful Dead, cette ample formation est dotée de deux batteurs, de deux solistes d'exception et d'un excellent bassiste. Gregg Allman est un chanteur timide, mais son timbre rauque et plaintif donne de l'authenticité à ses reprises de standards du blues comme « Stormy Monday » et « Statesboro Blues ». Phil Walden, le manager du défunt Otis, prend Duane sous son aile. Au printemps 1969, il entraîne le groupe à Macon, ouvrant pour lui les studios Capricorn qui donneront naissance au label pionnier du rock sudiste. Les musiciens vivent en communauté dans The Big House avec compagnes, enfants, roadies, groupies, perpétuant le mythe d'Easy Rider, roulant en choppers Harley avec leurs barbes et leurs cheveux invraisemblablement longs. Là, champigons magiques aidant, ils composent les classiques de leur répertoire : « Whipping Post », « Midnight Rider », « Little Martha » et dans une allée du cimétière Rose Hill adjacent, l'instrumental « In Memory Of Elisabeth Reed » que Dickey Betts, inspiré par l' « All Blues » de Miles Davis, écrit pour la compagne de Boz Scaggs dont il est secrètement amoureux.

Pendant l'enregistrement de leur deuxième et meilleur album en studio, Idlewild South (1970), Eric Clapton invite leur producteur Tom Dowd à réaliser l'album de Derek & The Dominos. Celui-ci amène Duane Allman, dont l'apport illuminera Layla & Other Assorted Love Songs (1970), le chef d'œuvre de son idole : le dialogue entre leurs deux guitares est remarquable, et il est bon de savoir distinguers une Gibson (Duane) d'une Fender (Eric) pour en apprécier toute la saveur. C'est Duane qui crée la célèbre suite de sept notes transperçantes qui constitue l'introduction de « Layla », la plus mémorable depuis celle du « Johnny B. Goode » de Chuck Berry. Au sommet de sont art, Duane entraîne son groupe sur la scène du Filmore East, à New York, pour y enregistrer, les 12 et 13 mars 1971, un autre double album historique, Live At Fillmore East, qui atteste d'un sens inné de l'improvisation et d'une complémentarité téléphatique entre les musiciens. Leurs blues est pénétré de sens mélodique, fécondé par le jazz, la country et le rhythm'n' blues britannique. Groupe n°1 aux Etats-Unis, l'Allman Brothers Band donne plus de deux cent cinquante concerts durant cetta année. Un drame survient alors : en octobre 1971, Duane Allman percute de plein fouet un camion sur sa Harley Davidson Sportser. Ironie de l'histoire : un an plus tard, à quelques ceintaines de mètres de là, son meilleur ami, Berry Oakley, lui aussi motard, s'encastre dans un autocar. Tous deux avaient 24 ans. Ils reposent au Rose Hill Cemetry voisin, là où Gregg écrivit le fameux break de « Whipping Post ».

Ces deux drames consécutifs éprouvent durement les musiciens, qui s'enfoncent dans l'alcool et la drogue. Dickey Betts remplit désormais un rôle de premier plan, composant et chantant le tube « Ramblin' Man », extrait de Brothers And Sisters (1973), un album plus country, fluide, où le claviériste Chuck Leavell occupe au mieux la place laissé vacante par Duane Allman (il brille tout particulièrement dans le remarquable instrumental « Jessica »). Lamar Williams, un ami d'enfance de Jaimoe, reprend la basse. L'album reste n°1 plus d'un mois d'affilée et le groupe, qui s'était produit en été 1970 avec Jimi Hendrix à l'Atlanta Pop Festival, attire en juillet 1973 à Watkins Glen, près de New York, plus de six cent mille personnes : la plus vaste concentration de l'histoire du rock.

La suite sera plus difficile. Gregg Allman et Dickey Betts tentent sans grand succès leur chance en solo, mais les chansons manquent, la cohésion aussi. En 1975, Gregg est exclu par le reste du groupe pour avoir prononcé un témoignage à charge, dans une affaire de drogue, contre son road manager. Il est alors lui-même drogué. En juin 1975, il épouse la chanteuse Cher dont il divorcera rapidement. Enregistré la même année, un dernier album, Win, Lose Or Draw, précède la séparation du groupe. Chuck, Lamar et Jaimoe fondent Sea Level. Phil Walden, Capricorn et Allman soutiennent financièrement la candidature de Jimmy Carter, gouverneur de Géorgie, à la présidence des Etats-Unis.

En 1979, le groupe (sans Leavell et Williams) se réunit pour enregistrer avec le producteur Tom Dowd le correct Elightened Rogues, qui renoue avec le succès, mais coïncide avec la faillite de Capricorn. La signature chez Arista occasionnera deux albums sans intérêt ni succès, ce qui conduira à une nouvelle séparation.
Il faudra attendre 1989, et la sortie du magnifique coffret d'anthologie Dreams pour relancer une nouvelle fois le groupe : les quatre survivants (Gregg, Dickey, Butch, Jaimoe), complétés par le guitariste Warren Haynes et le bassiste Allen Woody, successeur de Lamar, mort d'un cancer en 1983. Quoique dignes, les derniers albums sont strictement réservés aux inconditionnels. En 1992, le groupe se produit lors de l'investiture de Bill Clinton à la Maison-Blanche, puis en 1994 au second festival de Woodstock, entrant logiquement dans la foulée dans le Rock'n' Roll Hall of Fame.