Booker T. & The MG's BOOKER T. & The MG's : groupe de soul et de rhythm'n' blues instrumental américain, 1962.

- Booker T. Jones : pianiste et organiste. Né le 12.11.1944 à Memphis (Tennessee).
- Steve Cooper : guitariste. Né le 21.10.1941 à Willow Springs (Montana).
- Donald « Duck » Dunn : bassiste. Né le 24.11.1941 à Memphis.
- Al Jackson : batteur et percussionniste. Né le 27.10.1935 à Memphis. Mort le 01.10.1975 à Memphis.

On connaît surtout Booker T. et ses MG's pour un impérissable classique, "Green Onions", l'un de ces morceaux qui parviennent à ramener tout le monde sur la piste de danse aux petites heures du matin. Et non sans raison. Tout dans leur musique respire une joie de jouer et un naturel irrésistiblement communicatifs, que ce soit au service de voix exceptionnelles ou sur une douzaine de tubes instrumentaux qui ont redonné un coeur au rhythm'n' blues et à la soul des années 60. Avec plus de six cent disques à son actif, cette formation a été au "son" de Memphis ce que les Funk Brothers de Tamla Motown ont été à la soul plus policée de Detroit : derrière tous les succès d'Otis Redding, de Sam & Dave, de Wilson Pickett, de Rufus Thomas ou d'Eddie Floyd se trouvaient ces quatre hommes, deux blancs (Cropper et "Duck" Dunn) et deux noirs (Jones et Jackson), dont l'art, ô combient, modeste, semble aujourd'hui un secret perdu.

Cropper a déjà goûté au succès au sein des Mar-Keys lorsque Al Jackson fait appel à lui un dimanche de mai 1962 pour une séance de Billy Lee Riley, celui-là même auquel on doit le fameux "Flying Saucers Rockl'n' Roll". Jones et le bassiste Lewis Steinberg sont aussi de la partie. Comme il restait une heure de studio à « tuer », ce groupe qui n'e était pas encore vraiment un, grave deux titres dont l'un, « Behave Yourself », accroche l'oreille de Jim Stewart, le propriétaire de la compagnie Stax, qui lui donne un nom, Booker T. & The MG's et un contrat d'enregistrement. Très vite, les DJ s'emparent de la face B de ce premier simple, « Green Onions », un rhythm'n' blues sans fioritures et exécuté au millimètre, qui devient disque d'or aux Etats-Unis en septembre. Après deux autres tubes mineurs Steinberg, qui arrive régulièrement en retard aux séances, perd son « fauteuil » de bassiste au profit d'un ancien Mar-Key, Donald « Duck » Dunn, dont l'entente quasi télépathique avec Jackson sera le fondement de l'impeccable assise rythmique des enregistrements. De 1963 à 1971, les MG's partagent un emploi du temps surchargé entre une multitude de séances et de tournées pour les pus grands noms des écuries Stax et Atlantic et une dizaine d'albums sous leur propre nom, dont Hip-Hug-Her (1967) le meilleur de tous. Non que cela suffise à un Steve Cropper hyperactif, qui signe également quelques-unes des plus belles compositions soul de l'époque : « Sittin' on the Dock of the Bay » pour Otis Redding, « Soul Man » pour Sam & Dave, « Knock on Wood » pour Eddie Floyd ou ecore « In the Midnight Hour » pour Wilson Pickett. En 1967, lorsqu'ils apparaissent sur la scène de Monterey pour un concert inoubliable d'Otis Redding, Booker T. & The MG's sont au sommet de leur art. Dunn et Jackson assurent un beat métronomique, d'une simplicité extraordinairement efficace ; Cropper, guitariste de génie, le moins démonstratif des virtuoses, intervient sur sa Fender Telecaster à coups de licks et de brèves phrases mélodiques qui s'impriment aussitôt dans la mémoire ; Jones, lui, donne un parfum subtilement jazzy aux thèmes tous simples qui sont l'ordinaire du quatuor, passant de l'orgue Hammond au piano avec un égal bonheur. Et bonheur est bien le mot qui convient. Trente ans après leur sortie, « Groovin' » et « Soul Limbo », un irrésistible calypso qui sert toujours de thème aux programmes de cricket de la BBC , n'ont rien perdu de leur fraîcheur.

Bien sûr, vu les trésors d'énergie dépensés par ces musiciens, tous exceptionnels qu'ils soient, certains de leurs albums cèdent parfois à la facilité, alignant jam-sessions et reprises de succès de l'époque ; en 1969, par exemple, les MG's décrochent un énorme tube aux Etats-Unis avec leur version de la chanson-titre du film de Clint Eastwood, « Hang ‘Em High » ; leur succès suivant est signé Booker T., « Time is Tight », extrait de la BO du même film. Ils enregistrent McLemore Avenue, un album qui n'est, ni plus ni moins, qu'une reprise intégrale de l'Abbey Road des Beatles, d'un goût plutôt douteux. Bref, à prendre et à laisser. Un ultime album pour Stax, Melting Pot (1972), qui demeure quatre mois dans les classements, ne change rien à la décision de se séparer qui a déjà été prise par les quatre musiciens surmenés. Cropper ouvre son propre studio à Memphis avant de reprendre sa vie vagabonde de musicien de séances en Californie et de figurer avec Dunn dans le célébrissime Les Blues Brothers, aux côtés de Dan Aykroyd et de John Belushi (1980) ; Jones part s'installer à Los Angeles, décroche un diplôme de musicologie, épouse la sœur de Rita Coolidge et entame une double carrière de chanteur soul et de producteur dont le plus grand succès sera le Startdust de Willie Nelson, en 1978. « Duck » Dunn et Jones tentent de donner une nouvelle vie aux MG's en recrutant le claviériste Carson Whitsett et le guitariste Bobby Manuel, une entreprise qui tourne court lorsque Jackson qui a aussi rejoint le groupe d'Al Green tombe sous les balles d'un cambrioleur surpris dans son appartement, le 1 er octobre 1975.

Révérés par leurs pairs, les trois MG's survivants continuent, seuls ou ensemble, de louer leurs services à des artistes dont la célébrité est souvent moins méritée que la leur à l'exception de Neil Young, qu'ils accompagnent pour une tournée mondiale en 1990. Un album de retrouvailles, sans lendemain, vient même concrétiser des apparitions épisodiques sur le circuit « nostalgie ». Reconnus par le Rock'n' Roll Hall of Fame en 1992, Jones, Cropper et Dunn font partie de cete race d'artisans remarquablement doués dont la sovriété de l'expression ne peut inspirer que le plus grand respect, un respect conquis sans fanfare, mariage parfait de l'intelligence et du cœur. Fin 1998, un coffret de trois CD, Time is Tight, a réuni les meilleurs enregistrements du quatuor.