Eric Clapton CLAPTON, Eric (Eric Clapp): guitariste et chanteur de blues, rhythm'n' blues et rock britannique, 1963. Né le 30.03.1945 à Ripley (Angleterre).

Successivement soliste des Yardbirds puis des Bluesbreakers de John Mayall avant de fonder Cream avec Jack Bruce et Ginger Baker, Blind Faith et Derek & The Dominos, ce guitariste londonien qui fut d'abord le premier et plus prestigieux guitar hero de l'histoire du rock a abordé lors de sa carrière solo des styles aussi divers que le reggae et la country, ne s'éloignant jalmais longtemps du blues qu'il vénère.

Sur les murs du Swinging London en 1966, les graffiti proclament : "Clapton is God". L'orphelin, de père inconnu, que sa mère laisse à partir de l'âge de deux ans à ses grand-parents qu'il croit être père et mère vient de quitter les Yardbirds, qui s'éloignent trop du blues à son goût, et a rejoint John Mayall, John McVie et Hughie Fint au sein des Bluesbreakers. Déjà surnommé par antiphrase Slowhand en vertu de sa dextérité sur le manche, il devient alors le premier instrumentiste de rock à égaler la popularité des chanteurs. Lui, pourtant, ne souhaite que l'anonymat et se consacrer à la musique à laquelle il s'est voué comme à une religion : le blues. "J'ai d'abord entendu Josh White, puis Sonny Terry et Brownie McGhee. Mais le morceau qui m'a vraiment converti ce fut "Hey Hey" par Big Bill Broonzy. Puis Muddy Waters et Howlin' Wolf, et de là, je suis remonté à Robert Johnson. Je n'avais jamais entendu de cri humain aussi prenant." Ses Grands-parents lui offrent sa première guitare à 9 ans. Après un passage au Kingston College of Arts, le voilà, à 16 ans, accompagnant différents chanteurs dnas les cafés de Londres, dnas un répertoire folk-blues qui va de Ramblin" Jack Elliott à Blind Boy Fuller. Converti à l'électricité, il rejoint un groupe de rhythm'n' blues, les Roosters, de mars à octobre 1963. Avec eux, il joue pour la première foirs le répertoire de Muddy Waters et de John Lee Hooker. Le bassiste Tom McGuinness lui enseigne "Hideaway", l'instrumental de Freddie King qui deviendra bientôt son cheval de bataille. Après un passage éclair chez Casey Jones And The Engineers, Clapton accède à la notoriété nationale en rejoignant les Yardbirds en octobre 1963.

Au sein du groupe de Mayall, Clapton va révolutionner le blues, le rock et la guitare lors de la sortie de l'album Bluesbreakers With Eric Clapton en juillet 1966, créant une impression phénoménale dans les clubs londoniens. L'attaque de son jeu de guitare, sa richesse harmonique, sa fluidiité sont inouïes. "Hideaway" qui ouvre l'album, sert de manifeste ; pour "Rambling on my Mind", il s'aventure timidement à chanter pour la première fois. S'inspirant à la fois d'Otis Rush, de Freddie King et de Buddy Guy, Clapton est alors le guitariste le plus original de sa génération. Devenu pop star malgré lui, il fugue alors à plusieurs reprises de chez Mayall, et finit très vite par s'en aller fonder le trio Cream avec le nouveau bassiste des Bluesbreakers, Jack Bruce, et le batteur Ginger Baker. Ce groupe sera à l'origine d'un genre musical à part entière, le blues-rock, bientôt hard-rock, ouvrant la voie à Led Zeppelin.

A la séparation de Cream fin 1968, Eric Clapton est devenu un dieu en Amérique, et l'une des icônes de la culture rock. Lassé par la folie psychédélique des longues improvisations débridées qui en ont fait le seul guitariste au monde capable de tenir la dragée haute à Jimi Hendrix, il décide de s'allier à Steve Winwood, le chanteur prodige de Traffic au sein de Blind Faith, supergroupe mort-né après un album et une tournée unique, victime d'une trop forte attente du public. Clapton ne se lance plus dans des "Crossroads" d'anthologie, ni dans des "Sunshine on Your Love" tonitruants, mais chante "Presence of the Lord", un gospel humble et intimiste dont il est l'auteur. Il a entre-temps découvert le premier album du Band, et développé une solide amitié avec George Harrison et Bob Dylan, ambitionnant désormais de composer des chansons et de les chanter. De guitar hero, Clapton se métamorphose progressivement en chanteur et guitariste, ouvert à toutes les traditions de la musique noire américaine. Au cours de la tournée Blind Faith aux Etats-Unis, las des excès de la route et de l'amplification, Clapton se lie d'amitié avec le duo de première partie, Delaney & Bonnie. Il l'accompagne à son tour le temps d'un simple et d'une tournée qui donnera lieu à un album live. Mais surtout, Delaney Bramlett, un bon gars du Sud, va convaincre Eric Clapton de se lancer enfin en solo. Enregistré avec une équipe de musiciens tous américains qu'il recrute, l'album Eric Clapton (1970) voit le jour : pour les admirateurs du guitariste, la déception est immense. A de rares exceptions près, il ne se lance plus dans de longs solos, se concentrant sur les chansons, gorgées de soul, de blues et de gospel, comme si elles venaient directement de Memphis. On y trouve pourtant deux des futurs classiques du répertoire du guitariste "Blues Power" et "Let It Rain" et un tube, la reprise d' "After Midnight" de J.J. Cale dont la bande de musiciens de Tulsa entoure Clapton sur ce disque : Leon Russell, Bobby Keyes, Jim Price, Delaney And Bonnie, Carl Radle, Bobby Whitlock et Jim Gordon.

La vie d'Eric Clapton est alors en état de choc. L'association avec Winwood, dont il attendait beaucoup, a été un échec, comme son premier album solo. Il n'est toujours pas convaincu de ses talents de chanteur, ni même de compositeur. Il ne sait plus qu'il doit rester en Angleterre ou s'exiler définitivement aux Etats-Unis. Brian Jones est mort, les Beatles viennent de se séparer, Jimi Hendrix meurt à son tour. Tous étaient très proches de lui. Mais surtout, il est tombé éperdument amoureux de Patti Boyd, la femme de son meilleur ami, George Harrison. Sous la pression, l'orphelin qui ne sait pas qui il est et cherche sa voie s'adonne à l'héroïne. C'est donc dans des conditions extrêmes que sera enregistré à Miami ce que beaucoup tiennent pour son chef d'oeuvre, le double Layla and Other Assorted Love Songs (1971). Après quelques jours de studio, le producteur Tom Dowd emmène Eric à un concert de l'Allman Brothers Band qu'il produit également. Suffoqué, Clapton invite Duane Allman à venir jouer de la guitare slide pour l'album. La magie commence là. En moins d'un mois, à cheval sur septembre et octobre 1970, les deux guitaristes vont embraser des morceaux comme "Bell Bottom Blues", "Key to the Highway", "Little Wing" et l'immense "Layla" supplique à Patti et adaptation d'un conte persan, Layla and Majnun, qui s'ouvre sur la plus célèbre séquence de sept notes de l'histoire du rock et demeurera un classique inaltérable.

A sa sortie, en décembre, Layla ne sera pourtant pas particulièrement apprécié, et les Dominos se sépareront après un second album avorté. Transi, déçu, déserté par le succès, Clapton se cloître alors dans son manoir du Surrey, s'abandonnant à l'héroïne, vendant toutes ses guitares pour se payer ses quatre grammes de poudre quotidienne et finissant même par mendier l'aide du système social anglais. Après dix-huit mois de solitude quasi absolue, qu'il ne rompra que pour participer dans un état lamentable au "Concert For Nagla Desh" de son ami et rival George Harrison, il se produit au Rainbow de Londres, à l'intisgation de Pete Townshend des Who, qui tient aboslument à le sauver et bat le rappel des amis : Steve Winwood, Ron Wood, Jim Capaldi, Ric Grech. Le traitement révolutionnaire par électrodes du docteur Meg Patterson aidera alors Clapton à retrouver le goût de la vie et de la musique. Et finalement, en août 1974, 461 Ocean Boulevard (l'adresse du studio Criteria à Miami) est salué comme l'album de la renaissance. "I Shot the Sheriff" donne à Clapton son premier n°1. Entre reggae et country-blues, accompagné de dobros, guitares slide et sèches, c'est un album chaleureux, communicatif et intimiste à la fois, autobiographique, très mélodieux, qui présente pour la première fois un Clapton adulte, qui a fait des progrès vocaux remarquables. Le succès est au rendez-vous, et même le bonheur, puisque Patti Harrison Boyd le rejoint sur la tournée pour finalement devenir Patti Clapton.

Cette nouvelle phase de la carrière d'Eric Clapton va décdevoir bien des fans du guitariste par son manque d'ambition, son conformisme, si on veut, son acceptation par tous les publics. Son jeu est restreint, subtil, place est faite à la voix, devenue remarquable, et à la mélodie. Cela n'empêche pas les albums suivants de regorger des moments magnifiques, même si la direction est moins aventureuse. There's One In Every Crowd (1975) poursuit dans ce chemin : il y reprend "Knockin' on Heaven's Door" de Dylan en reggae. No Reason to Cry (1976) bénéficie de la participation du Band qui l'invitera en retour à participer à The Last Waltz, et de "Sign Language", en duo avec son auteur, Bob Dylan, ainsi que d'un tube signé Clapton, "Hello Old Friend". Enregistré sur scène, E.C. Was Here (1977) rappellera au cours des envolées de "Farther on up the Road" et de "Have You Ever Loved a Woman" que Slowhand reste, même au coeur de sa période laid-back des années 70, l'un des meilleurs guitarites de sa génération. Son sobriquet intial donnera d'ailleurs son titre à l'album studio paru la même année, serti de trois nouveaux tubes : "Lay Down Sally", la délicate ballade "Wonderful Tonight", toujours dédiée à Patti, et sa version du "Cocaine" de J.J. Cale, qui lui doit décidément beaucoup. Avec Backless (1978), cependant, la formule est usée, et il est grand temps de changer. Un nouveau live, double, Just One Night (1980), un nouveau groupe, anglais, avec Chris Stainton aux claviers et l'excellent Albert Lee à la seconde guitare, ne déparent pas sa discographique avec notamment un "Double Trouble" et un "Cocaine" d'anthologie.

Les annes 80 seront pourtant celles de l'errance. Hors de scène, Clapton ne sait pas trop quoi jouer, ni comment s'intégrer au marché des rock stars vidéo qui va se développer avec l'arrivée de MTV. Another Ticket (1981) bénéficie de la présence de Gary Brooker de Procol Harum au piano, et c'est bien le mieux qu'on puisse en dire. Malgré Ry Cooder et Albert Lee, Money and Cigarettes (1983) n'a rien de bine remarquable, pas plus que Behind the Sun (1985) et August (1986), tous produits par le nouvel ami et voisin d'Eric en Angleterre, Phil Collins. Une nouvelle résurrection scénique aura bien lieu, après Live Aid, en juillet 1986, au festival de Montreux, lorsque, accompagné de Collins, Greg Philinganes et Nathan East, Clapton reprendre pour la première fois à son compte les classiques de Cream, y compris "White Room" de Jack Bruce, et retrouvera toute la fluidité et les vrilles de sa grande période de soliste. La sacralisation, elle, date de 1988, avec la parution du coffret Crossroads, une rétrospective en quatre CD de toute sa carrière, avec des inédits, dont ceux du second album abandonné de Derek & The Dominos, qui met Clapton à sa juste place, celle, peut-être, d'un géant de la musique du siècle, en tout cas l'un des plus grands interprètes du blues contemporain. On le demande alors partout, et le guitariste du "While my Guitar Gently Weeps" des Beatles, du Plastic Ono Band de John Lennon, des albums solo de George Harrison, de la version alternative du "Brown Sugar" des Rolling Stones, du supergroupe du "Rock'n' Roll Circus", du "Lady Soul" d'Aretha Franklin, le fils spirituel de Muddy Waters, devient aussi le musicien préfére de Dire Straits, avec qui il part en tournée. Il est aussi sollicité par Tina Turner, Lionel Richie, Phil Collins, Elton John, Sting, Roger Waters et d'autres encore. Quelques-uns d'entre eux collaboreront à Journeyman (1989). Au printemps 1991, il lui faudra affronter un drame; âgé de 4 ans, Connor, le fils que lui a donné le mannequin italien Lory Del Santo, tombe par la fénêtre du 49ème étage de l'immeuble new-yorkais où sa mère possède un appartement. Dévasté, Clapton, qui s'était tourné vers les musiques de films et avait même donné un Concerto pour guitare dans le cadre de ses installations annuelles au Royal Albert Hall, tire une force nouvelle de cette épreuve : "Depuis la mort de mon fils, je me sens tellement dans ma peau. Il ne pourra jamais rien m'arriver de pire. Je prends la vie du bon côté." "Tears in Heaven", la bossa-nova qu'il a écrite pour Connor, sera n°1 dans le monde entier et après une tournée au Japon avec George Harrison, son indéfectible ami, il participe à l'émission "Unplugged de MTV. L'album résultant, bluesy et calfeutré, qu'il rechigne pour tant à voir paraître, sera l'un des succès de la décennie, lui valant pas moins de 7 Grammy Awards début 1993. La voie est alors libre : Clapton peut revenir à ses amours et enregistrer l'album 100% blues qu'on lui déconseillait de faire depuis 25 ans, From The Cradle (1994). Il est revenu en 1998 avec Pilgrim, un album magnifique, inexplicablement passé inaerçu, pour la première fois constitué en majorité de titres composés par lui-même, dont deux à la mémoire de son enfant disparu, "Ly Father's Eyes" et "Circus". Malgré la présence d'une trame synthétique omniprésente, la musique et surtout le chant de Clapton sont remarquablement sentis.