CROSBY, David (David Van Cortland) : chanteur et guitariste de rock américain, 1964. Né le 14.08.1941 à Los Angeles (Californie). CROSBY, David (David Van Cortland) : chanteur et guitariste de rock américain, 1964. Né le 14.08.1941 à Los Angeles (Californie).
Fondateur des Byrds en 1964 puis de Crosby, Stills & Nash en 1968, ce musicien a été un des piliers du folk-rock californien pénétré des valeurs de la "contre-culture". Son trajet autodestructeur dans les années 80 puis sa miraculeuse renaissance symbolisent aussi le destin de sa génération. Il reste un des musiciens les plus originaux et méconnus de cette période.
Né dans une famille de cinéastes à Hollywood, David Crosby délaisse les cours d'art dramatique pour chanter du folk et du blues dans les cafés de New York et de Californie au début des années 60. En chemin, il croise les premiers musiciens hippies californiens, Fred Neil, Dino Valenti et David Freiberg de Quicksilver Messenger Service et Paul Kantner de Jefferson Airplane. Après un court séjour avec les Baxter Balladeers, il rentre à Los Angeles où il réalise, fin 1963, ses premiers enregistrements : des reprises de Ray Charles et de Hoyt Axton. Un album, qui aurait fait de lui le premier interprète de "Hey Joe" et de "Get Together", ne se matérialise pas. Quelques semaines plus tard, avec des musiciens de folk rencontrés au Troubadour de Los Angeles et passionnés, comme lui, par les Beatles, il forme le Jet Set qui deviendra les Beefsteaks puis les Byrds.
Il y passe de la basse à la guitare rythmique à l'arrivée de Chris Hillman. Mêlée à celle de Jim McGuinn et de Gene Clark, sa voix aérienne devient une composante de leurs harmonies vocales, influencées par le bluegrass, les Beatles et les Everly Brothers. S'il chante et compose déjà "The Airport Song" sur des premières maquettes, il ne pourra s'affirmer comme musicien et compositeur au sein du groupe qu'après le départ de Gene Clark en 1966. Il compose alors une série de chansons abordant de façon poétique les grandes questions existentielles, dont la première est "What's Happening?". Il élargit le champ de la musique des Byrds en faisant écouter à ses compagnons le jazz de Miles Davis et de son maître John Coltrane. Surtout, il se passionne pour le raga indien à travers le joueur de sitar Ravi Shankar, transmettant son engouement à George Harrison des Beatles. Pénétré de son rôle de porte-parole de la contre-culture (il tient de longs discours sur scène, exaspérant ses compagnons), il signe des chansons audacieuses comme "Everybody's Been Burned" et "Renaissance Fair", troublantes, mêmes, comme le dissonant "Mind Gardens" ou "Triad", histoire d'un ménage à trois que le groupe préfère ne pas publier. En 1967, une de ses compositions "Lady Friend" est publiée en face A d'un 45 tours des Byrds, mais sans succès. McGuinn et Hillman lui demandent de choisir entre les Byrds et ses escapades avec Buffalo Springfield, avec qui il s'est produit au festival de Monterey, ou Jefferson Airplane, qui enregistre son "Triad". Crosby est finalement renvoyé des Byrds en plein enregistrement de The Notorious Byrds Brothers, qui reste pourtant empreint de son univers onirique et de ses harmonies planantes.
Dès 1968, Crosby s'affirmera comme un des musiciens les plus importants de sa génération. Parti en voyage sur son voilier The Mayan, il découvre lors d'une escale à Miami la chanteuse canadienne Joni Mitchell, dont il va produire le premier album. Auprès d'elle, il perfectionne le jeu de guitare révolutionnaire aux accords en open tuning semblables à ceux du jazz. Miles Davis enregistrera d'ailleurs l'une de ses plus fameuses chansons d'alors, "Guinevere", dont Crosby a enregistré une maquette au printemps 1968 avec Jack Casady de Jefferson Airplane : elle figurera avec "Long Time Gone" et "Wooden Ships" dans le premier album de Crosby, Stills & Nash en 1969/ Il est à l'origine de ce trio, premier supergroupe incarnant les valeurs naissantes du rock californien, à base d'héritage folk et country et de valeurs contre-culturelles. Quittant Los Angeles pour San Francisco, il enregistre alors son premier album solo If I Could Only Remember My Name (1971), où il invite Neil Young, Graham Nash, Joni Mitchell et Rita Coolidge, quatre membres du Grateful Dead, trois de JEfferson Airplane, un de Quicksilver Messenger Service et un de Santana.
On retrouvera la plupart des mêmes, sous les noms successifs de Jefferson Starship et du Rock'n' Roll Planet Earth Orchetra pour l'album de Paul Kantner Blows Against The Empire. Malgré l'idéalisme communautaire affiché, il plane sur ce disque une tristesse insistante. D'une musicalité exceptionnelle, cet album couvre tout le domaine de David Crosby : veine épique avec "Cowboy Song" et "Laughing", romantique avec des ballades comme "Traction In The Rain", crescendo de riffs et de voix dnas "Music Is Love" et "What Are Their Names?", musique chorale spectrale d' "Orléans", "Beaugency et "I'd Swear There Was Somebody Here". Sa collaboration avec Graham Nash sera plus étroite qu'avec Stephen Stills et Neil Young. En duo avec l'anglais, il enregistre trois albums à succès : Graham Nash And David Crosby (1972), accompagné par le Grateful Dead, l'excellent Wind On The Water (1975) et Whistlin' Down The Wire (1976), qui contiennent certaines de ses meilleures compositions, comme "Page 43", "Carry Me", "Homeward Through The Haze" et "Critical Mass". Le duo entreprendra de nombreuses tournées, où la décontraction le dispute à l'excellence musicale. Seuls les enregistrements pirates lui rendent justice, que ce soit dans la période des guitares sèches du début (1971-1973) ou celle furieusement électrique (1975-1976). Un enregistrement, Live, paraîtra trop tard.
Durant les années 70, David Crosby est partout, chantant et jouant sur les disques de sa "famille" : Jefferson Airplane, Joni Mitchell, John Sebastian, The Flying Burrito Brothers, Paul Kantner et Grace Slick, Hot Tuna, Jackson Browne, l'anglais Dave Mason, Gene Clark, James Taylor, Neil Young, sans oublier les Everly Brothers, Art Garfunkel, Carole King et Elton John. En 1973, il participera en maître à une éphémère réunion des Byrds originaux. Dans les années 80, pourtant, il tombera dans un trou sans fond. En 1980, totalement dépendant de l'héroïne, il se retrouve seul, ayant épuisé la patience de ses amis les plus fidèles. Capitol refuse un album solo et on ne parle plus de Crosby qu'à la page des faits divers. Le magasine Spin titrera même "la mort de David Crosby' au plus fort de sa dépendance au crack. Hirsute, obèse, crasseux, perdant ses dents, couvert de brûlures et d'hématomes, clochardisé, se nourrissant exclusivement de pizzas et de crèmes glacées, avec une compagne partageant son hébétude, descendant sans barguigner son demi-gramme d'héroïne et ses sept grammes de cocaïne free-base quotidiens, traqué par le FBI, Crosby finira par se rendre à la police de West Palm Beach (Floride), après avoir constaté que son voilier bien-aimé, le Mayan, avec lequel il comptait gagner clandestinement le Costa Rica, était désormais dans le même état de décrépitude que lui. Incarcéré au pénitencier de Dallas, où il avait déjà purgé quatre mois de détention début 1985, risquant cette fois jusqu'à 5 ans ferme, confiné au cachot sans assistance médicale, il sera finalement libéré sur parole, le 22 août 1986, du quartier de haute sécurité de la prison de Hunstville (Texas), où il avait été transféré.
Dans la préface de son autobiographie, Long Time Gone, publiée en 1988, Crosby avertit le lecteur en ces termes : "Si vous vous demandez comment on peut être aussi con et survivre quand même, lisez ce qui suit." Il n'épargne rien au lecteur : ni la torture, morale et physique, ni l'avilissement d'un brillant esprit libertaire, ni les rapports policiers et médicaux qui accompagnent son interminable descente aux enfers. Miraculeusement remis sur pieds, malgré un diabète handicapant et une corpulence de grizzly, il reprend en 1989 sa carrière là où il l'avais laissée : avec les Byrds, d'une part, qui donnent trois concerts, enregistrent quatre nouveaux titres, pour le coffret Legacy et entrent au Rock'n' Roll Hall of Fame, et, de l'autre, avec Stills, Nash & Young, qui enregistrent un nouveau disque en 1988. Oh Yes I Can (1989) est son premier album solo depuis 18 ans : bien accueilli, il contient sa meilleure chanson depuis une décennie, "Tracks In The Dust".
L'enregistrement d'un concert donné alors sera publié en 1997 sous le titre de King Biscuit Flower Hour. Rencontré sur le plateau du film Hook, où Crosby incarne un pirate truculent, Phil Collins l'invite à faire la tierce pour "Just Another Day In Paradise". Crosby le convie à son tour pour son album Thousand Roads (1993) : "Hero", leur duo, est même un tube inattendu, qui attire l'attention sur une carrière que l'on croyait pourtant sinistrée. "Yvette In English" une autre collaboration, avec Joni Mitchell cette fois, montre que Crosby n'a rien perdu de sa vitalité. Il l'a prouvé sur scène, publiant l'année suivante un robuste It's All Coming Back To Me Now (1995) où Chris Robinson des Black Crowes chante "Almost Cut My Hair" en duo avec lui. En 1998, le label Grateful Dead publiait légalement l'enregistrement d'un concert de Crosby & Nash donné en octobre 1971 à Los Angeles, qui circulait depuis longtemps sous la forme d'un pirate. Son titre est Another Stoney Evening. Fin 1998, David Crosby a crée avec Jeff Pevar et son fils naturel James Raymond le trio CPR, dont l'album au style jazz-rock californien a été jugé excellent par Nick Kent de Libération. Fin 1995, Crosby déclarait : "Pas une seule fois de ma vie je n'ai joué une seule note de musique, je ne suis monté sur une scène, sans être auparavant complètement défoncé", après avoir subi une greffe du foie. L'histoire retiendra son intuition des harmonies atonales et son oreille exercée par le jazz moderne et le raga indien. Elle lui aura permis d'être le seul musicien à ouvrir inconsciemment un passage entre les Everly Brothers et le Mystère des Voix bulgares.
