Marianne Faithfull FAITHFULL, Marianne : chanteuse pop britannique, 1964. Née le 29.12.1946 à Londres (Angleterre).

Lancée à l'ère du Swinging London, fiancée à Mick Jagger, cette anglaise est devenue dès 1979 une chanteuse à part, à la voix rauque et brisée. Elle a su communiquer son désespoir grinçant en s'inspirant du cabaret viennois.

Marianne Faithfull naît à Londres juste après la guerre dans le quartier de Hampstead. Son père est un major de l'armée britannique, attaché à l'Intelligence Service. Il a épousé durant la guerre Eva Erisso, une baronne autrichienne, petite-nièce de Leopold von Sacher-masoch, qui a fui Vienne après avoir été violée par des soldats russes. Pétri d'idéalisme, le major Faithfull entraîne sa famille dans une communauté agricole des environs de Reading. La jeune Marianne passe sa scolarité au couvent dont elle sort à 17 ans pour épouser le marchand d'art John Dunbar, qui lance cette jeune fille d'une beauté angélique au cœur de Londres turbulent des années 60. Ebloui par son magnétisme, Andrew « Loog » Oldham, l'imprésario des Rolling Stones, est déterminé à la lancer comme chanteuse. Elle a alors tout juste commencé à étudier le théâtre. Oldham lui fait enregistrer pour Decca la ballade « As Tears Go By », une des premières chansons écrites par Mick Jagger et Keith Richards, assez proche, par son ambiance rêveuse et baroque, des chansons de Françoise Hardy. Ce sera son premier succès en Grande-Bretagne, suivi d'une reprise du « Blowin' In The Wind » de Bob Dylan et, en 1965, de trois succès : « Come And Stay With Me », une chanson de Jackie DeShannon, « This Little Bird » de John D. Loudermilk et « Summer Night ». L'album Come My Way (1965), réunissant des reprises de chansons folk américaines, est publié simultanément avec Marianne Faithfull, où sont assemblés des titres plus commerciaux, dont ses deux premiers 45 tours et des reprises des Beatles comme « Yesterday » et de Herman's Hermits. Elle devient alors une sorte d'icône du Swinging London, acquérant une réputation scandaleuse pour avoir quitté brusquement mari et bébé afin de vivre avec Mick jagger. En février 1967, elle est présente dans la maison du Sussex où Jagger et Richards sont arrêtés par la police pour une affaire de possession d'amphétamines montée en épingle par les journaux. Son aura sulfureuse ne fera qu'augmenter avec sa fréquentation de Brian Jones et Anita Pallenberg, drogués notoires. Elle joue alors au théâtre, interprétant les Trois Sœurs de Tchekhow, et au cinéma, apparaissant en 1968 dans La Motocyclette de jack Cardiff, d'après un récit érotique d'André Pieyre de Mandiargues, aux côtés d'Alain Delon. Sa carrière de chanteuse s'est alors étiolée. 1969 sera une année noire. Après avoir perdu le bébé de Jagger dont elle devait accoucher, elle voit mourir Brian Jones. Elle se trouve alors en Australie pour tourner Ned Kelly , un film où Jagger joue le rôle principal. Elle tente de se suicider en s'administrant délibérément une surdose d'héroïne et tombe dans le coma. Quelques mois auparavant, elle sortait son dernier 45 tours, « Something Better » créant en face B le célèbre « Sister Morphine » (1969) de Jagger et Richards (on a dit, ce qui n'a jamais été confirmé, qu'elle avait participé à l'écriture des paroles de ce titre que les Rolling Stones ont crée dans l'album Sticky Fingers).

Séparée de Jagger en 1970, elle s'enfonce dans l'héroïne et la dépression. Elle apparaît épisodiquement au théâtre, se montrant en 1973 dans un show télévisé avec David Bowie. En 1975, elle amorce un retour en reprenant le « Dreaming My Dreams » du chanteur country Waylon Jennings, extrait de l'album du même nom (1976), enregistré avec les anciens accompagnateurs de Joe Cocker, The Grease Band. Ce disque, republié sous le titre de Faithless (1978), qu'elle devait à l'origine enregistrer avec Tim Hardin, a une orientation country marquée. Elle se marie alors avec Ben Brierly, basiste du groupe punk les Vibrators, et commence à envisager la musique autrement. Pour la première fois depuis ses débuts, elle se décide à écrire elle-même ses chansons. Rien ne laisse alors présager la réussite exceptionnelle de Broken English (1979), premier album d'un nouveau contrat avec les disques Island. Départ plus que retour, il révèle une voix devenue rauque et déchirée et trahit des accents nouveaux de dégoût et de désespoir. L'accompagnement, inspiré par les sons de la new wave électronique, est dépouillé et lancinant. Produit par Mark Miller, le disque présente des sommets comme le déchirant « The Ballad Of Lucy Jordan » de Shel Silverstein, une version presque menaçante du « Working Class Hero » de John Lennon ou encore le très obscène « Why D'Ya Do It », chargé d'une tension sexuelle que n'apprécieront guère les responsables d'EMI, compagnie distributrice d'Island. Dangerous Acquaintances (1981), produit par Steve Winwood, bénéficie d'un accompagnement plus rock et transmet une vision douloureuse. A Child's Aventure (1983) est produit en Jamaïque par Wally Badarou.

Avec les années, la voix de Marianne Faithfull a nettement mué : elle est devenue plus rauque encore et cuivrée, proche de celle de Marlene Dietrich ou de Lotte Lenya. C'est ainsi qu'en 1985 elle enregistre « The Soldier's Wife Song » pour Lost In The Stars , disque collectif d'hommage à Kurt Weil produit par Hal Willner. Cette nouvelle collaboration donnera naissance à un album d'une grande maturité, Strange Weather (1987), où elle reprend des airs lents et désespérés de music-hall, comme le « Yesterdays » de Jerome Kern, recrée son « As Tears Go By » et interprète la splendide chanson-titre de Tom Waits, « Strange Weather ». Elle est accompagnée par les musiciens de Lou Reed, mais aussi par des cordes et des cuivres ; on peut aussi entendre sur ce disque le piano de Dr. John et la sonorité contemplative de la guitare de Bill Frisell. On est proche du Kurt Weill de la période américaine. Elle crée d'ailleurs cette année-là ses Sept péchés capitaux avec un grand orchestre. Elle avouera en 1995 à Libération avoir « toujours été fascinée par le mélange de dureté et d'enthousiasme de sa musique. » Après l'enregistrement de Blazing Away (1990), une rétrospective de sa carrière enregistrée à la St. Ann 's Cathedral de New York (Willner a fait appel à Dr. John, Marc Ribot du groupe de Tom Waits, Garth Hudson de The Band), et la mort de sa mère, elle reprend avec succès à l'opéra de Dublin en 1992 le rôle de Jenny La Pirate dans L'Opéra de quat' sous de Weill et Brecht. Elle collabore avec le dramaturge irlandais Frank McGuinness, qui a réalisé de nouvelles traductions des textes de Brecht en anglais. Après une participation à The Bells Of Dublin (1992) des Chieftains, elle publie son autobiographie et enregistre en 1995 le remarquable A Secret Life, coécrit, arrangé et réalisé par le compositeur Angelo Badalamenti, collaborateur du cinéaste David Lynch et créateur des chansons de Julee Cruise pour le feuilleton Twin Peaks. Sombre et envoûtant, A Secret Life est un album splendide qui sonne comme un long oratorio, inauguré par la récitation de vers de La Divine Comédie. En 1997, elle publie un disque des chansons de Kurt Weill et d'autres compositeurs, 20th Century Blues enregistré à Paris lors d'un spectacle présenté au New Morning. Island a publié en 1998 The Wasted Years une anthologie en deux CD. Son dernier album s'intitule Vagabond Ways (1999).