FULLER,
Bobby :
chanteur et guitariste de rock'n'roll américain, 1961-1966. Né le 22-10-1943 à Goose Creek, Texas, mort le 18-7-1966 à Hollywood, Californie.
Comme son compatriote et modèle texan Buddy Holly, ce chanteur, disparu à vingt-trois ans, fut l'un des très rares à allier le rock'n'roll, mélodie et soin accordé au son à l'un des enthousiasmes les plus purs et communicatifs que cette musique ait jamais transmis. « I Fought The Law », repris par The Clash, reste son classique.
Il grandit dans la plus ordinaire des familles au sein de la plus ordinaire des communautés de l'Ouest du Texas : El Paso, à un jet de pierre de la frontière mexicaine. Cette ville abrite une étrange association de jeunes, les Pachucos, mi-gang mi-société secrète, qui partent en virée de l'autre côté du Rio Grande, à Ciudad Juàrez, pour y boire l'alcool banni chez eux. Le maire de la ville organise des dance parties gratuites où se produisent des groupes comme Jerry Bright & The Embers, dont le jeune Bobby, âgé de dix-sept ans, devient le batteur en 1960. Il se révèle déjà un maniaque du son. A l'arrière de la maison de ses parents, il a construit une chambre d'écho en béton ; quand il ne frappe pas sur ses peaux ou ne gratte pas sur sa guitare, il fréquente un magasin d'amplificateurs de son quartier. En 1961, il écrit ses premières chansons qu'il enregistre dans le salon de ses parents sur un magnétophone VM. Un label de Yucca presse pour lui un 45 tours, « Guess We'll Fall in Love – You're In Love », qui atteint le n°1 au classement de la radio locale KELP. En 1962, il parvient à réaliser un des ses rêves les plus fous : enregistrer dans le studio de Norman Petty, là où son modèle Buggy Holly avait gravé ses premiers titres. Déçu, pourtant, de l'expérience, ce perfectionniste se décide à construire son propre studio en se servant de la table de mixage d'une radio de la région. Son groupe a alors atteint sa formation définitive : Bobby chant et joue de la guitare, son frère Randy tient la basse, Jim Reese est à la guitare rythmique et Dalton Powell (remplacé par DeWayne Quirico en 1963) à la batterie. Le premier simple de Bobby Fuller Four, « Nervous Breakdown – Not Fade Away » est un mélange explosif de Buddy Holly et Eddie Cochran.
Le Texas s'avère bientôt trop étroit pour l'ambition de Fuller, qui met le cap sur la Californie, alors en pleine frénésie surf, un genre dont l'un des meilleurs labels, Del-Fi, est dirigé par Bob Keene, qui va changer la destinée de Fuller. Son heure, pourtant, n'est pas encore arrivée. Il reprend le chemin du Texas et, avec l'aide de ses parents, il achète son propre club à Hondo, le Rendezvous [ sic ], qui organise des tremplins pour les rockers du cru. Fuller, qui aime se promener dans sa Chevrolet Impala bleu métallisé, déclenche une émeute quand il y chante un de ses titres, « She's My Girl ». Il parvient à décrocher une distribution nationale pour ce morceau qui paraît sous le nom de Bobby Fuller & The Fanatics. De retour en Californie, Fuller retrouve Keene, qui lui fait enregistrer une ballade bien mièvre, « Those Memories Of You », un échec complet. Prêt à repartir chez lui, les poches à nouveau vides, Bobby Fuller parvient à faire engager son groupe comme formation maison pour le show télévisé « Shindig » d'ABC. Comme le studio de Del-Fi tombe en ruine, Fuller propose de faire expédier le sien du Texas. Bientôt le Bobby Fuller Four connaît un succès éclatant dans les boîtes de Hollywood, et Phil Spector vient même l'accompagner au piano.
Apportant au style de la British Invasion ses racines et son authenticité, le quatuor suscite une onde d'excitation qui se confirme avec la sortie du 45 tours « Let Her Dance », en juin 1965. Keene et Fuller ont enregistré la chanson avec un soin maniaque. Ils s'équipent pour l'occasion d'un des premiers huit pistes jamais construits. Ils arrivent à marier la clarté tex-mex des guitares (le son Fender de Buddy Holly) à l'océan de réverbération qui avait donné son identité musicale à la surf music. Le 45 tours suivant, le sublime « Never To Be Forgotten », suit le même chemin, comme « It's Love, Come What May », « The Magic Touch » et l'impérissable « I Fought The Law » (écrit par l'ex-Cricket, de Buddy Holly Sony Curtis), qui atteint le n°9 national en mars 1966, publié par Mustang, et fait de Fuller une vedette. Le début de la chanson « I miss my baby and a good fuck » (« Je regrette ma chérie et une bonne baise ») est noyé sous l'écho, et l'on est censé entendre « fun » au lieu du mot interdit. Le 45 tours suivant est une reprise de Buddy Holly, « Love's Made A Fool Of You ». Le 22 juillet 1966, Fuller meurt brutalement dans des circonstances jamais complètement éclaircies. Il aurait acheté du LSD à une prostituée, et son souteneur, lui-même soutenu par une bande nombreuse, l'aurait soupçonné de vouloir lui enlever sa protégée. On a dit que les gangsters auraient forcé le garçon à avaler de l'essence avant d'allumer un briquet. Contre toute évidence, la police conclut à un suicide. Phil Spector fut l'un des premiers à se recueillir devant la dépouille de Fuller.
« Ce que je fais ? Du rock'n'roll texan… C'est la même musique que les Beatles essaient de jouer, mais sans y arriver ? Ils y sont presque, mais ils ne viennent pas de l'Ouest du Texas », disait ingénument Bobby Fuller en 1965. S'il avait vécu, nul doute qu'il aurait été aussi grand qu'un John Fogerty, avec quelque chose, sans doute, de plus céleste et plus absolu. Durant les années 80 et 90, de nombreux enregistrements inédits ont été retrouvés. Les plus intéressants sont Shakedown !, The Texas Tape Revisited (1996), où sont réunis pratiquement tous les titres de 1961 à 1964, avant qu'il ne publie ses succès chez Mustang.