John Lee Hooker HOOKER, John Lee : chanteur, harmoniciste et guitariste de blues américain, années 40. Né le 17.08.1917 ou 1920) à Clarksdale (Mississippi).

Originaire, comme B.B. King, des champs de coton du nord du Mississippi, monté au début des années 40 à Detroit (Michigan), ce musicien est l'un des plus grands créateurs du blues de l'après-guerre. Sa voix rugueuse et son style de guitare inimitable, à l'aspect sauvage et rudimentaire, inspiré du blues rural, lié à une frénésie rythmique, ont contribué, dès la fin des années 40, à façonner le rock'n' roll. Redécouvert, au début des années 60, dans un style folk-blues non électrifié, il a influencé en profondeur le blues britannique des Animals (qui ont repris son fameux « Boom Boom ») à Van Morrison puis, en tant que « père du boogie », le blues-rock américain de la fin des années 60, de Canned Heat (avec qui il a joué) à Steve Miller et Johnny Winter. De plus en plus célébré, au début des années 90, les plus grands artistes de rock, ce bluesman toujours actif ne cesse d'être découvert par de nouvelles générations.

John Lee Hooker naît dans une ferme importante des environs de Clarksdale, non loin du fleuve Mississippi. Il a dix frères et sœurs. Son père meurt quand il a six ans. Ile st élevé par son beau-père, Will Moore, un guitariste lié au premier maître du blues du Delta, Charley Patton. Faute d'instrument, il s'exerce avec un bout de caoutchouc cloué au mur d'une grange. « Le blues venait des gens qui travaillaient dans les champs, mais ça ne l'intéressait pas beaucoup, je ne passais pas mon temps à les observer. J'ai appris à jouer de la guitare à quatorze ans pour échapper à cette vie-là. », déclarait-il au NME en 1990. Son enfance est également marquée par le gospel, puisqu'il chante à l'église avec sa famille. Son beau-père lui enseigne le style de guitare qu'il conservera toujours : « un style percussif, avec des accords martelés et très découpés, souvent liés à des lignes de basse réglées sur un rythme de pas. » A l'âge de 14 ans, il fugue avec sa première guitare pour la ville voisine de Memphis, chantant au coin des rues et gagnant sa vie comme ouvreur dans un cinéma. Son beau-père le ramène à la maison. La Dépression le pousse à repartir vers le nord. Il remonte le Mississippi, puis le fleuve Ohio, et s'arrête à Cincinnati, où il s'exerce plusieurs petits métiers, dont ceux de bûcheron et de garagiste. Il y reste à peu près trois ans, participant à une petite formation vocale de gospel, les Fairfield Four. Il y aurait également accompagné le maître de la slide (un style qui n'a jamais été le sien Robert Nighthawk. Une légende veut qu'il y ait reçu sa première guitare électrique des mains de T-Bone Walker.

Pourtant, rien ne démarre pour lui. En 1943, il émigre à Detroit, où il trouve un travail de concierge à l'usine Chrysler. Il s'y marie (il deviendra père de quatre enfants). Il se produit au sein d'une petite formation qui anime des soirées, publiques ou privées, dans les quartiers noirs de la ville. Un juif de Detroit, Bernie Besman, le repère et le fait enregistrer. Le style de John Lee Hooker est unique : sa guitare est électrifiée, dans le style urbain alors en vigueur, mais il en joue assis, frappant violemment des pieds, son instrument réglé sur un seul accord qu'il répète avec une intensité rythmique. Cette technique, d'autant plus suggestive qu'elle est sobre et parcimonieuse, renvoie au blues rural des origines. Sa voix basse, ondulante, aux accents calmes et menaçants, accentue une impression d'incantation sauvage, parfois proche de l'hypnose. Le premier titre enregistré par Hooker est, historiquement, « Guess I'm Alone » pour le label Staff en 1948. Mais le premier connu est le célèbre « Boogie Chillen », pour Sensation, vite reprise en licence par Modern, le label des trois frères Bihari, basés à Los Angeles, qui enregistreront B.B. King et Howlin' Wolf. Le succès est immense dans le marché de la race music. Besman a les rôles de producteur et d'arrangeur, mais s'arroge aussi celui de coauteur, ce qui occasionnera, bien des années plus tard, un procès dont Hooker sortira vainqueur. Pour contourner le contrat d'exclusivité qui le lie à Modern et multiplier les disques, Hooker, enregistre une demi-douzaine de labels différents sous les pseudonymes de Texas Slim, Birmingham Sam, Delta John, The Boogie Man, Little Pork Chops. Après « Hobo Blues », « Crawlin' King Snake » (1949), un futur standard du blues électrique, repris par les Doors, et « I'm In The Mood » (1951), qui se vendra à des millions d'exemplaires, Hooker travaillera avec des musiciens de Chicago, s'associant avec les labels Chess puis, surtout, Vee-Jay, à partir de 1955. Ses disques pour Vee-Jay, dont « Dimples » (1956) et surtout le fameux « Boom Boom » (1962), seul succès (relatif) de Hooker sur le marché tous publics, bénéficient de productions plus soignées, avec la participation de musiciens exceptionnels comme le guitariste Jimmy Reed, le guitariste rythmique Eddie Taylor et le batteur Tom Whitehead. Cette période (celle de ses meilleurs enregistrements) aura une influence directe sur l'émergence du rhythm'n' blues britannique : le Spencer Davis Group reprendra « Dimples » en 1963 et, surtout, les Animals. John Lee Hooker influera beaucoup sur le style de Van Morrison au sein de Them.

Au début des années 60, le renouveau du folk offre à John Lee Hooker un nouveau public, celui des étudiants blancs. Armé de sa seule guitare, sans électrification, John Lee Hooker se produit en 1960 au festival de Newport et joue en 1961 à la célèbre boîte folk de Greenwich Village, le Gerde's, parrainant les débuts de Bob Dylan. C'est sous cette forme que l'Europe le découvre en 1962. Il enregistre une série d'albums imprégnés de l'ambiance rurale du Mississippi pour le label folk Riverside, comme The Folk Blues Of John Lee Hooker (1959), mais aussi Vee-Jay, comme The Folklore Of John Lee Hooker (1961). C'est de cette poque que date son fameux « Shake It Baby ». A partir du milieu des années 60, Hooker suivra une pente des musiciens blancs de folk et électrifiera à nouveau sa musique, participant à la création du blues-rock. Il donne à partir de 1966 des albums pour les sous-marques Impulse et Bluesways de ABC, comme Live At The Café A-Go-Go (1967) avec le groupe de Muddy Waters. En 1970, il s'installe sur la Côté Ouest , à Oakland, travaillant de plus en plus fréquemment avec des musiciens de rock blanc amoureux du blues. Il enregistre avec le groupe Canned Heat l'album Hooker'n Heat (1970). L'Allman Brothers Band comme le J. Geils reprennent ses morceaux. George Thorogood reprend avec succès, en 1978, son « One Bourbon, One Scotch, One Beer ».

Le déclin du blues le faut un peu oublier en tant qu'interprète dans la seconde moitié des années 70. La chanteuse californienne Bonnie Raitt ne ménage pas ses efforts pour le soutenir, le faisant souvent monter sur scène avec elle. En 1980, Hooker fait une apparition mémorable dans le film Les Blues Brothers . Les labels anglais Ace et Charly rééditent d'excellentes compilations au début des années 80, une période où il continue à se produire avec succès à travers l'Europe. En 1986, Hooker participe à la musique de film de Steven Spielberg La Couleur Pourpre. En 1989, il fait un retour au premier plan avec l'album The Healer auquel participent Carlos Santana, Robert Cray et George Thorogood et qui devient son plus grand succès de tous les temps aux Etats-Unis. La reprise en duo avec Bonnie Raitt de son « I'm In Mood » obtient un Grammy l'année suivante. Une pléiade encore plus prestigieuse l'accompagne dans Mr. Lucky (1991) : outre Santana et Cray, on retrouve Van Morrison, Ry Coder, Keith Richards et Johnny Winter. Utilisé pour illustrer une publicité pour les jeans Lee en 1992, « Boom Boom » connaît une seconde jeunesse : un nouvel album du même année, cette fois sans vedettes, sort cette année-là avec des reprises de vieux morceaux comme « Bottle Up And Go » et « I'm Bad Like Jesse James ». En 1993, une reprise de « Gloria » sur scène avec Van Morrison sort en simple avec succès. En 1995, Morrison lui rend la politesse en reprenant avec lui son « Back-Biters And Syndicators » pour l'album Chill Out, marqué par la présence de l'éternel Santana. Toujours actif et fixé à Oakland, John Lee Hooker donne des cours de guitare, surtout à des jeunes filles.