Hank Williams WILLIAMS, Hank (Hiriam King Williams) : chanteur et guitariste de musique country, 1946-1953. Né le 17.09.1923 à Garland, Alabama, mort le 01.01.1953 à Oak Hill, Virginie-Occidentale.

« Il était avant l'heure le prototype de la rock star en vivant vite, en aimant beaucoup et en mourant jeune… » (Colin Escott). L'un des grands de la musique populaire américaine du siècle et le premier sex-symbol de la country music.

Probablement le plus légendaire, le plus charismatique, le plus prolifique et le plus connu de tous les chanteurs country, Hank Williams reste, près d'un demi-siècle après sa mort, une influence essentielle pour de nombreux artistes rock et country. Célèbre à 25 ans, mort à 29, il a, pendant les quatre courtes années de sa carrière, posé les bases de la musique country contemporaine, et dans une large mesure celle du rock'n' roll. Sa vie agitée, son profil romantique, sa lente déchéance dans l'alcool et sa fin tragique, tout son parcours contribuent à poser cette imagé désormais classique du chanteur-loser rongé par tous les vices. Outre ce chromo et son cortège de caricatures, Hank Williams restera dans l'histoire de la musique populaire pour avoir signé certains des plus grands classiques de la musique américaine, comme « Move It On Over », « Hey Good Lookin' », « Cold, Cold Heart », « Jambalaya » et « Your Cheating Heart » et pour son authentique talent de poète populaire.

Né dans une communauté rurale pauvre et isolée de l'Alabama en Georginia, région affectée par la Grande Dépression, Hank Williams grandit loin de son père, un vétéran de la Première Guerre Mondiale, contraint, du fait de ses blessures, de rester immobilisé dans un hôpital du Missouri (il mourra en 1929). Hank est ainsi élevé aux côtés de sa sœur Irene par sa mère, Lillie Williams, généralement dépeinte sous les traits d'une maîtresse femme énergique et jamais à court de ressources pour élever sa progéniture dans le contexte précaire de l'Amérique de la Dépression. Parfois romancés à l'extrême (en particulier par Chet Flippo dans sa biographie de référence), le personnage de cette mère dominatrice et le décor misérable de son enfance resteront néanmoins des supports d'inspiration essentiels à l'œuvre du futur Hank Williams. La famille s'installe à Georginia puis à Greenville dans l'Alabama. Dans cette dernière localité, Hank, âgé d'une douzaine d'années, est expédié dès le matin dans les rues de la ville, avec une caisse de bois contenant un nécessaire à cirage en bandoulière. Lillie, décidément plus Folcoche que Mère Courage, attend en effet de lui qu'il ramène sa contribution aux finances de la maison. Williams s'acquitte de sa tâche à merveille, et apprend vite à expédier les affaires courantes en quelques heures afin de pouvoir déambuler à sa guise le reste de la journée. Il rencontre ainsi un vieux chanteur de blues noir, Rufus Payne, que l'on baptise Tee Tot, et qui enseigne au chanteur débutant ses premiers accords de guitare et lui transmet peu à peu son répertoire. Williams, Jimmie Rodgers, Maybelle Carter ou Bill Monroe avant lui, a donc puisé l'essentiel de son art auprès d'un musicien noir, prouvant, s'il en est encore besoin, que la musique country doit autant à ce courant musical qu'à l'héritage anglo-saxon.

En 1937, Lillie installe sa famille à Montgomery dans l'Alabama et Hank débute sa carrière en 1941 sous le nom de The Singing Kid (il a quand même 18 ans) sur la station WSFA de la ville. Il s'inspire alors grandement de Roy Acuff, et l'on retrouve dans ses tous premiers enregistrements les trémolos emphatiques et l'interprétation caricaturale qui constituaient la marque de fabrique de son illustre aîné. Hank forme également à cette époque la première version de son groupe The Drifting Cowboys (la mode est aux films de Gene Autry). En 1943, il rencontre une jeune femme, déjà mère d'une fille de deux ans, Audrey Mae Sheppard. Les deux jeunes gens deviennent inséparables, s'installent dans la pension que tient Lillie ( et qui abrite déjà tous les musiciens de son fils). Audrey s'improvise manager du chanteur et tient à l'occasion la basse au sein des Drifting Cowboys. Elle pressent l'avenir brillant de son partenaire, malgré ses moments d'égarement et ses nuits d'ébriété. Les deux jeunes gens sont mariés le 15 décembre 1944 par un gérant de station-service qui sert également d'officier de justice.

En 1946, Audrey parvient à obtenir un rendez-vous avec Fred Rose. Ce compositeur, qui a signé beaucoup de succès de Gene Autry, est désormais associé au chanteur Roy Acuff au sein d'Acuff-Rose Publishing, une maison d'édition musicale qui est en passe de devenir la première du genre. Fred Rose est tout de suite impressionné par le talent d'auteur du jeune homme. Il parvient à lui assurer un contrat d'enregistrement chez Sterling, et Williams réalise ses premiers titres pour ce label en décembre 1946. En 1947, il passe chez MGM et, la même année, Hank Williams connaît son premier succès avec « Move It On Over », qui s'installe n°5 des classements, et dont le tempo enlevé, l' afterbeat accentué et la structure harmonique annoncent déjà le rock'n' roll (il est étonnant d'ailleurs de remarquer à quel point ce titre est similaire au « Rock Around The Clock » de Bill Haley, qui, pour beaucoup d'auteurs, marque le début du rock).

La collaboration entre Fred Rose et Hank Williams fonctionne à merveille. Elle a donné lieu depuis à toutes sortes de commentaires, parfois fantaisistes. Rose, nettement plus âgé que son protégé, assure souvent un rôle de conseiller auprès de ce denier. Il guide sa carrière, prévient ses faux pas, et met sa connaissance des rouages des affaires au service du jeune chanteur. Le soutien s'arrête probablement là, et si beaucoup ont vu en Fred Rose la figure du père emblématique qui a manqué à Hank, on peut en douter lorsqu'on constate l'influence inexistante de Rose sur les chapitres les plus privés de la vie de son poulain (mariages, divorces, alcoolisme…). On a également souvent écrit que Fred Rose est l'auteur non crédité de la plupart des succès de Williams. Cette thèse ne résiste pas non plus à un simple examen des faits. Rose n'avait rien de l'artiste insouciant et ignorant de ses droits, du bluesman égaré dans les studios de Memphis, du country-boy dépouillé par un talent-scout (« chercheur de talents ») sans scrupule. C'était un homme d'expérience, madré, et bien au fait des pratiques du métier. Qu'il ait épaulé Williams dans son travail d'écriture, c'est une évidence. Il suffit de se reporter aux interviews du chanteur pour comprendre que sa connaissance de la langue anglaise était des plus limitées. Rose a donc probablement corrigé la syntaxe, suggéré des rimes plus originales, bref mis en forme le talent sauvage de son protégé. Ce travail d'éditeur était largement payé par ses droits. Mais on peut raisonnablement douter que sa collaboration ait dépassé ce degré d'assistance d'un homme cultivé à un talent brut dépourvu de toute éducation ?

Fred Rose tente de faire admettre son poulain dans l'écurie très sélective du « Grand Ole Pory », et comme tous ceux qui essuyaient un refus de la part de la vénérable institution, il porte ensuite un choix vers le Louisiana Hayride de Shreveport en Louisiane (Elvis Presley suivra le même parcours dix ans plus tard). Hank Williams enregistre deux nouveaux succès modérés en 1948 (« Honky Tonkin' » et « I'm A Long Gone Daddy »). En 1949, il décide de reprendre un vieux titre datant de 1922, dans le style de Broadway de l'époque, enregistré à l'origine par Emmett Miller : « Lovesick Blues ». La chanson se place immédiatement en tête des ventes. Cette fois, Williams est invité à la chanter au « Grand Ole Pory ». Il y est rappelé six fois, du jamais vu. Pour couronner cette année glorieuse, Hank et Audrey ont un fils, Randall Hank, qui lui-même fera une carrière superbe sous le nom de Hank Williams Jr. Le couple s'installe à Nashville, et Hank met à pied la version la plus célèbre des Drifting Cowboys, avec entre autres Don Helms à la steel guitar et Jerry Rivers au violon. Les trois années suivantes sont une succession ininterrompue de succès. Hank Williams semble être alors une source de chansons toutes aussi limpides, autant pour la simplicité et pour la redoutable efficacité de leur musique, que par l'évidence lumineuse de leur texte. On peut citer, parmi tant d'autres : « Wedding Bells », « Mind Your Own Business », « My Bucket's Got A Hole In It » en 1949, « I Just Don't Like This Kind Of Lovin' », « Long Gone Lonesome Blues », « Why Don't You Love Me », « They'll Never Take Her Love From Me », « Moning The Blues », en 1950. La même année, il se rend également célèbre avec une série de récitations philosophico-religieuses qui ont moins bien vieilli que le reste de son œuvre. Hank Williams insiste pour enregistrer ces quatrains désuets, mais Fred Rose, avisé, parvient à le convaincre de prendre un pseudonyme. Ce sera Luke The Drifter. Personne n'est dupe, même à l'époque, mis cette double identité permet aujourd'hui de faire le tri de son œuvre essentielle et ce qui reste du domaine de l'anecdote. L'année suivante est tout aussi glorieuse, avec « Howlin' At The Moon », « Hey Good Lookin' », « Crazy Heart », « Lonesome Whistle » et « Cold, Cold Heart ». Ce dernier titre, grâce aux efforts de Fred Rose, sera enregistré par le crooner Tony Bennett, une première dans le monde de la country, dont les productions étaient jusque-là boudées par les chanteurs pop. Bennett sera le premier d'une longue série et Hank Williams s'impose rapidement comme un auteur-compositeur de premier ordre.

Malheureusement, la vie personnelle de Williams se dégrade aussi rapidement que sa fortune s'amoncelle. Ses relations avec Audrey, depuis toujours orageuses, prennent un jour dramatiques. Hank s'absente de plus en plus souvent et ne réapparaît qu'au petit matin dans un état d'ébriété avancé. Pour compliquer le tout, Williams connaît un grave problème de santé : il fait une chute lors d'une expédition de chasse autour de sa ferme et se blesse au dos. Il est opéré quelque temps plus tard, mais les soins dont il est l'objet semblent laisser à désirer puisqu'il souffrira jusqu'à sa mort des séquelles de cette opération. Puis il quitte Audrey, part s'installer un moment chez sa mère, et revient vivre à Nashville chez son ami Ray Price. Tous les témoignages concordent sur un point à cette époque : Hank Williams n'a jamais été sobre durant l'année 1952. Les choses ont pourtant bien commencé avec « Honky Tonk Blues », puis « Jambalaya » qui se sont installés en tête des classements pour quatorze semaines. Mais le reste de l'année n'est qu'une descente aux enfers orchestrée par Williams lui-même et dont il exécute la partitions avec une désinvolture rétrospectivement terrifiante. En mai, il divorce officiellement d'Audrey (qui hérite de la moitié de ses royalties). En août, il est exclu du « Grand Ole Pory » pour son ébriété permanente. Il manque de plus en plus de concerts pour les mêmes raisons et sa passion grandissante pour les armes à feu lui cause des ennuis réguliers. En octobre, il épouse une de ses nombreuses conquêtes, Billie Jean Jones Eshlimar, et en décembre il commence à avoir de sérieux problèmes cardiaques probablement dus aux ordonnances de complaisance de médicaments en tout genre que des médecins lui prescrivent sans scrupule (Williams est en particulier victime d'une accoutumance à la morphine depuis son opération). Le 31 décembre 1952, Williams est à Knoxville dans le Tennessee. Il doit se rendre dans l'Ohio pour un concert, mais les conditions climatiques déplorables empêchent son avion de décoller. Il passe quelques heures dans un hôtel, où il consomme sa dose habituelle d'alcool. Un médecin vient alors lui faire une piqûre de morphine et de vitamines, après quoi Williams est transféré, inanimé, sur le siège arrière de la Cadillac flambant neuve. D'après de nombreux témoignages et d'après le rapport de police, il semble que Hank Williams était déjà décédé à ce moment. Un adolescent engagé pour l'occasion a pour mission de le conduire vers sa prochaine étape. Il est arrêté pour excès de vitesse et l'officier de police ne peut que constater le décès du passager. Williams est déclaré mort à l'hôpital d'Oak Hill le 1 er janvier 1953.

Ses obsèques à Montgomery dans l'Alabama réunissent une foule de fans et de stars du « Grand Ole Pory » ; Pour clore cette vie qui s'est déroulée comme un scénario, une semaine après sa mort sort un titre enregistré par Williams peu de temps auparavant et intitulé, comme par ironie, « I'll Never Get Out Of This World Alive ». Les succès posthumes s'enchaînent alors jusqu'en 1955, et incluent des titres aussi essentiels que « Take These Chains From My Heart », « Weary Blues From Waiting » ou « Your Cheating Heart ». Depuis, Williams est resté immensément populaire. Lorsqu'il meurt, cette légende du peuple américain à la frontière du country-blues-gospel-folk-hillbilly avait enregistré près de 120 chansons. Cet artiste simple et touchant, qui a déplacé plus de 20 000 personnes pour ses obsèques, a marqué tous les grands noms de la chansons américaine : Ray Charles, Elvis Presley, Gene Vincent, Jerry Lee Lewis, Bob Dylan, Bruce Springsteen, John Prine, John Fogerty, Little Richard, Linda Ronstadt, Tony Bennett, Pat Boone et tous les jeunes loups des décennies 80 et 90 qui se sont réclamés du « Luke The Drifter » et ont repris ses titres. Plusieurs films lui ont été consacrés, en particulier Your Cheating Heart (Gene Nelson, 1964) avec George Hamilton et Honkytonk Man (Clint Eastwood, 1982). Parmi le chapelet de distinctions posthumes, je citerai simplement son intronisation au Country Music Hall of Fame, évidente, en 1961 et plus importante encore, celle du Rock and Roll Hall of Fame en 1987, prouvant s'il en était encore besoin, que Hank Williams a joué un rôle essentiel dans la genèse de ce genre musical. Outre les innombrables compilations plus ou moins réussies, deux séries de disques sont essentielles à l'amateur de Hank Williams. La première, réunissant hit albums et publiée par Polygram en 1987, regroupe l‘essentiel de ses enregistrements de 1946 à 1952. Enfin un coffret remarquable est mis sur le marché par Mercury en 1998, rassemblant la plupart des mêmes titres, ainsi que des enregistrements radios inédits, avec plusieurs centaines de pages de livret enrichies de photos restées jusque-là ignorées.