JEFFERSON
AIRPLANE : groupe de rock américain, 1965-1972.
- Grace Slick (Grace Wing) : chanteuse. Née le 30.10.1939 à Chicago (Illinois).
- Paul Kantner : chanteur et guitariste. Né le 17.03.1941 à San Francisco (Californie).
- Marty Balin (Martyn Buchwald). Né le 30.01.1942 à Cincinnati (Ohio).
- Jorma Kaukonen : guitariste. Né le 23.12.1940 à Washington.
- Jack Casady : bassiste. Né le 13.04.1944 à Washington.
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Spencer Dryden : batteur. Né le 07.04.1938 à New York City (New York).
Pionnier de l'acid rock (ou rock psychédélique), ce groupe reste associé à l'explosion hippie de San Francisco avec le Grateful Dead chantant avec « Somebody To Love » et « White Rabbit », l'amour communautaire et le LSD.
En 1965, Marty Balin s'associe avec Paul Kantner au Drinking Gourd de San Francisco. Il a déjà enregistré plusieurs 45 tours et dansé dans West Side Story ; Kantner est un chanteur folk beatnik spécialiste de banjo. Jefferson Airplane doit son nom au chien du guitariste de folk-blues Jorma Kaukonen qui s'est joint à eux, tout comme la chanteuse Signe Anderson, chez le batteur Jerry Peloquin à Haight-Ashbury. Pour lancer son groupe, Balin fonde et décore lui-même The Matrix, le premier ballroom de San Francisco, où Jefferson Airplane fait ses débuts officiels le vendredi 13 août 1965. Le quartier est inondé de badges proclamant : « Jefferson Airplane Loves You ». Ralph Gleason, le très respecté chroniqueur de jazz qui fondera bientôt Rolling Stone et écrira The Jefferson Airplane And The San Francisco Sound, proclame aussitôt dans le San Francisco Chronicle : « il ne s'agit pas d'un groupe de rock au sens strict. C'est une formation de folk-pop-rock moderne qui passe sans souci de Bob Dylan au blues, de Lightnin' Hopkins à « In The Midnight Hour ». Ils vont faire parler à l'échelle nationale. C'est certain. » Phil Spector est intéressé, mais c'est finalement avec RCA que le groupe signe un contrat, remplaçant aussitôt le bassiste Bob Harvey par un vieux copain de Kaukonen, Jack Casady, et Peloquin par le guitariste Skip Spence, qui s'apprêtait à rejoindre Quicksilver Messenger Service, mais à qui Balin intime de se mettre à la batterie.
Dès lors, Jefferson Airplane est de toutes les expériences san-franciscaines, se produisant quasi tous les week ends au Fillmore de Bill Graham dès mars 1966, puis au Carousel et à l'Avalon, enregistrant son premier album, Jefferson Airplane Takes Off, dans la foulée. Dominé par la voix poignante et les chansons directes de Marty Balin (l'excellent « It's No Secret » qu'il avait écrit à l'intention de son idole, Otis Redding, le mordant « Blues From An Airplane », le joli « Come Up The Years »), cet album folk joué par un groupe de rock est amputé de ce qui devait être son tube, l'exubérant « Running Round This World », censuré parce que son refrain emploie le mot « trip ». Ce disque n'est pas encore sorti que Spence est renvoyé pour être parti au Mexique sans prévenir, laissant l'Airplane sans batteur. Son remplaçant est un vieux routier des clubs de trip-stease de Los Angeles, Spencer Dryden. Mais le changement de chanteuse s'avère décisif. Signe Anderson, qui vient d'avoir un bébé, ne se sent plus disponible, et le groupe la remplace en octobre par la chanteuse de The Great Society, groupe rival sur le point d'être accueilli chez Columbia : Grace Slick. Cette ex-mannequin apporte avec elle, en plus d'une personnalité tapageuse et provocatrice, deux titres qu'elle chantait dans le groupe de son mari Jerry, « Somebody To Love » et « White Rabbit ».
Ce seront les tubes de Surrealistic Pillow (1967), un classique du rock psychédélique enregistré sous la direction de Jerry Garcia du Grateful Dead. Publié en mars 1967, c'est, avec Sgt Pepper des Beatles, l'album de référence de cet été-là, plein d'énergie, de lumière et de romantisme. Marty Balin y offre trois chansons exceptionnelle : le nerveux « Plastic Fantastic Lover » et deux délicates ballades, « Today » et l'onirique « Comin' Back To Me » (qu'on entendra dans le film Indian Runner de Sean Penn) ; Balin forme avec Grace Slick et Paul Kantner un trio vocal d'une force et d'une passion inégalées. Avec sa flûte à bec et son piano hésitant, sa voix orgasmique et son histoire d'Alice au pays des merveilles sous LSD adaptée à une variation du Boléro de Ravel, elle devient l'égérie des hippies du monde entier. Jorma Kaukonen s'impose comme un soliste impressionnant aussi doué à la guitare électrique qu'acoustique ; Jack Casady n'est pas encore le Jimi Hendrix de la basse qu'il deviendra, mais il impressionne déjà Paul McCartney par la richesse de son jeu ; Spencer Dryden possède un son mat et plat qui complète à merveille la section rythmique ; quant à Paul Kantner, il assure le lien entre les chanteurs et les instrumentistes. Dans l'esprit de l'époque, même Skip Spence, qui vient de fonder Moby Grape, est présent, jouant de la guitare pour sa chanson « My Best Friend ».
Immense succès, Surrealistic Pillow fait de Jefferson Airplane le groupe phare de San Francisco, sur laquelle les yeux du monde entier sont alors braqués. Aussitôt après son triomphe au festival de Monterey, il s'installe pendant sept mois dans un gigantesque manoir de Hollywood pour y enregistrer After Bathing At Baxter's , album dont l'enregistrement eut alors la réputation d'être le plus cher de l'histoire. Entre-temps, la cocaïne et les amphétamines ont rejoint le LSD et la fumette : l'alchimie idéale de Surrealistic Pillow a disparu. Kaukonen et Casady, tendus comme des arcs, imposent leurs improvisations, qui rencontrent un immense succès sur scène : Balin, qui voit ses ballades rejetées, est mis sur la touche, comme Grace Slick, alors accapare par sa romance avec Dryden. Du coup, Kantner devient le principal pourvoyeur de chansons d'un album qui profite de son excellent « Ballad Of You and Me And Pooneil ». Après une tournée mouvementée en Europe en compagnie de Doors, ambassadeurs de mouvement hippie à Amsterdam comme à la Roadhouse de Londres, la formation enregistre Crown Of Creation (1968), un album où l'apport de chaque membre est rééquilibré. Centré sur un thème de science-fiction (la pochette représente un champignon nucléaire), il contient le délicieux « Lather » de Grace Slick, composé pour les trente de Spencer Dryden. Marty Balin est de retour au premier plan, et tous brillent, que ce soit avec le sulfureux « Triad » (histoire d'un ménage à trois) de David Crosby, chanson écartée par les Byrds, ou encore le psychédélique « House At Pooneil's Corner ».
Après avoir enregistré un remarquable album live au Fillmore (Bless It Pointed Little Head), où les instrumentistes donnent leur pleine mesure, Jefferson Airplane rencontre de nouvelles difficultés : Balin est dépressif, Kaukonen et Casady lancent leur formation parallèle de blues-orck, Hot Tuna, et Grace Slick quitte Dryden pour Kantner. Résultat, Volunteers (1969), premier album enregistré au studio Wally Heider de San Francisco, est dominé par Kantner, qui en signe les trois titres majeurs : les manifestes politiques radicaux « We Can Be Together » et « Volunteers » (avec Balin) et le sommet de science-fiction apocalyptique qu'est « Wooden Ships' (avec David Crosby et Stephen Stills) en font des porte-parole du mouvement contestataire américain. Jefferson Airplane se produit en vedette au petit matin à Woodstock, sous acide, renforcé par Nicky Hopkins au piano, puis à Atlanta en fin d'après-midi juste avant les Rolling Stones. Catastrophique, ce dernier festival entraîne la fin de la formation historique du groupe : Spencer Dryden, dépité d'avoir été abandonné par la chanteuse, se met à boire et se fait renvoyer ; Marty Balin, assommé en plein concert par les Hell's Angeles, finira par s'en aller, abattu par les disparitions de Jimi Hendrix et de Janis Joplin, après d'ultimes apparitions au festival de Bath en Angleterre et une série de concerts abondamment piratés au Winterland en octobre 1970.
Avec le batteur Joey Covington et le violoniste Papa John Creach naît en 1971 un nouveau et éphémère Jefferson Airplane qui lance son propre label, Grunt. Il est scindé en deux factions : le couple Kantner-Slick engagé à la manière de John Lennon et Yoko Ono dans des combats politiques radicaux (il enregistre un excellent album en duo, Sunfighter) et, d'autre part, la paire Kaukonen-Casady, de plus en plus accaparée par Hot Tuna et ses improvisations blues-rock psychédéliques. Bark (1971) puis Long John Silver (1972) ne sont pas de mauvais disques. Seulement, on n'y sent plus la formidable unité ni l'esprit conquérant des débuts. Pour le terne album live Thirty Seconds Over Winterland (1973), le groupe a recruté l'ancien de Quicksilver Messenger Service David Freiberg, quia accompagne par ailleurs Kantner et Slick le temps d'un bel album (Baron Von Toolbooth And The Chrome Num).
Jefferson Airplane se dissout naturellement fin 1972, laissant la place à Jefferson Starship, formation imaginée par Paul Kantner dès 1970 lorsqu'il avait publié sous ce nom son merveilleux Blows Against The Empire, album inspiré par la science-fiction qui recevra le prestigieux Hugo Award. Il s'agit à l'origine d'une nébuleuse de musiciens de San Francisco qu'on retrouve également sur le premier album solo de David Crosby, If Only I Could Remember My Name : Paul Kantner, Grace Slick et Jack Casady, David Crosby et Graham Nash, Freiberg, Jerry Garcia, Phil Lesh et Mickey hart du Grateful Dead. Jefferson Starhip se cristallisé véritablement en 1974 autour de Grace Slick et Paul Kantner avec l'album Dragonfly, qui connaît aussitôt son grand succès grâce à une ballade soul fleuve chantée et coécrite par Marty Balin, « Caroline ». Il rejoint alors définitivement la nouvelle formation, qui triomphe en 1976 avec l'album Red Octopus et un monumental n°1, « Miracles ». Jefferson Starship rivalise dès lors avec les Eagles, les Bee Gees et Fleetwood Mac au sommet des hit-parades des années 70, jouant une musique sophistiquée où la guitare de Chaquico et les voix brillent de mille feux, souvent très proches de la variété pop. Marty Balin apporte les tubes, Grace Slick alimente la polémique, Paul Kantner se charge des idées. Pourtant, au sommet de cette gloire retrouvée, Balin déclare une nouvelle fois forfait. Il est remplacé par le compétent mais moins flamboyant Mickey Thomas. Freedom At Point Zero sera encore un gros succès grâce à « Jane » en 1980, mais cette fois Kantner jette l'éponge laissant Grace Slick seule à la tête du groupe, rebaptisé Starship, qui continue d'aligner les tubes FM (« We Built This City », « Sara », « Nothing's Gonna Stop Us Nom ») jusqu'à ce qu'elle finisse, elle aussi, par se lasser.
En 1989, la formation classique de Jefferson Airplane, adoubée au Rock'n' Roll hall of Fame, s'est retrouvée pour un album manqué et une tournée prometteuse, mais sans lendemain. Jefferson Starship naît ensuite à nouveau, à l'instigation de Kantner, entouré de Jack Casady puis de Marty Balin, avec lesquels il avait déjà monté dans l'intérim le groupe KBC. Grace Slick est même revenue à l'occasion du live Deep Space – Vrigin Sky (1995). Comme le Grateful Dead, Jefferson Airplane restera pour avoir été, pour ceux qui l'ont suivi, bien plus qu'un groupe de rock : une famille mystique à laquelle chacun pouvait croire appartenir, une utopie vivante. Un coffret de trois CD, Jefferson Airplane Loves You, a été publié en 1992 par RCA.