Janis Joplin JOPLIN, Janis : chanteuse de blues, soul et rock américaine, 1967-1970. Née le 19.01.1943 à Port Arthur (Texas). Morte le 04.10.1970 à Hollywood (Californie).

Disparue à 27 ans, cette chanteuse montée de son Texas natal à san francisco s'st imposée dès 1967 comme la plus grande de sa génération. Révélée au sein du groupe Big Brother & The Holding Company, cette femme rebelle et écorchée, à la voix au registre illimité, influencée par le blues et secouée par l'énergie paroxystique d'un James Brown, a laissé des interprétations bouleversantes de "Summertime", "Ball And Chain", "Me & Bobby McGee" et "Mercedes Benz". Sa mort brutale par overdose a fait d'elle l'un des grands mythes du rock, avec Jimi Hendrix et Jim Morrison.

Janis Joplin naît à Port Arthur, une ville moyenne qui borde le lac Sabine, au sud-est du Texas. La tradition du blues y est très ancrée. Fille d'un cadre de la compagnie pétrolière Texaco et de la responsable du registre des étudiants dans une école de commerce, Janis Joplin se sent très isolée dans son milieu. Complexée par son physique, mal dans sa peau, elle se réfugie dans la lecture des poètes et une musique qui n'est ni de son temps ni de sa génération : le folk-blues traditionnel de Leadbelly, issu de la même régio qu'elle, ou de la chanteuse de blues Bessie Smith, qui sera son modèle. A 17 ans, elle quitte sa famille, sans bagage, et s'installe brièvement dans la ville voisine de Houston, où elle chante des airs de folk dans des bars et des coffee houses, obtenant un premier engagement au Purple onion. En 1962, elle s'installe à Austin (Texas), où elle s'inscrit à l'université. Les marginaux du campus l'entraînent au Threadgill's Bar : avec la bénédiction du patron, un chanteur dans la veine de Jimmie Rodgers, étudiants et travailleurs locaux s'assemblent pour jouer et chanter dans tous les styles traditionnels, du bluegrass au blues. Elle y rencontre le chanteur R. Powell St. John, avec qui elle fonde le trio des Walker Creek Boys : ce musicien créera en 1965 le groupe Mother Earth avec la chanteuse Tracy Nelson et l'organiste Mark Naftalin, et composera des chansons pour un groupe légendaire d'Austin, les 13th Floor Elevators, animé par Rocky Erickson. En 1963, elle ramasse assez d'argent pour faire le voyage en auto-stop jusqu'à San Francisco. Elle fera plusieurs tentatives brouillonnes pour s'y fixer, s'inscrivant dans plusieurs universités. Elle parviendra à chanter régulièrement au North Beach Coffee gallery, accompagnée par Jorma Kaukonen, le futur guitariste de Jefferson Airplane. Elle goûte à tout ce qui lui passe sous le nez, en particulier les amphétamines, et commence à boire beaucoup. En 1965, elle retourne à Austin pour décrocher d'un style de vie qui, déjà, la détruit. Elle décide alors de reprendre ses études et songe même à se marier. Rétablie, elle envisage un temps de s'unir aux 13th Floor Elevators.

Le destin en décidera autrement. Un autre texan expatrié à San Francisco, Chet Helms, se souvient d'elle au printemps 1966. Il programme alors les concerts de l'Avalon Ballroom et s'occupe d'un groupe de blues-rock local, Big Brother & The Holding Company. Récemment fondé par le bassiste peter Albin, qui a joué avec les futurs membres du Grateful Dead dans de petits ensembles de bluegrass, Big Brother ressemble à tous ces groupes de blue-rock psychédélique qui poussent comme des champignons (son soliste est réputé avoir appris la guitare dans le désert sous l'influence d'hallucinogènes). Helms pense que l'adjonction de Janis Joplin leur donnera une forte personnalité. Elle s'intègre très bien au groupe et déploie une voix exceptionnelle dont le registre couvre trois octaves. Outre Albin, le groupe est constitué du guitariste Sam Andrew, du guitariste soliste James Gurley et du batteur David Getz. Big Brother est alors sollicité par Mainstream, un label de Chicago. Contre l'avis de son imprésario, le Big Brother passe outre et enregistre là-bas un premier disque à la va-vite. En juin 1967, le groupe est invité à se produire au fameux festival de Montereux, au sud de San Francisco, avec Jefferson Airplane, Otis redding et Jimi Hendrix. La prestation de Janis Joplin, immortalisée dans le documentaire Monterey Pop, est à couper le souffle. Agrippée au pied du micro, secouée par un tremblement incontrôlé, frappant du pied, elle hurle, pleure et gémit dans le micro avec l'intensité et la crudité d'une chanteuse de blues primitive. Albert Grossman, l'imprésario de Bob Dylan, prend aussitôt le groupe sous son aile. Il mettra plus de six mois à racheter, pour le compte de Columbia, le contrat du label Mainstream, qui a précipité la sortie du premier disques, Big Brother & The Holding Company, dont le groupe n'est pas satisfait. Marquée par le folk de ses débuts, Janis Joplin est encore loin d'y donner sa pleine mesure. Le groupe n'a rien ui le distingue particulièrement des dizaines d'autres qui jouent alors dans la régio le même mélange de folk et d'acid rock. Un simple extrait de l'album, "Down On Me", atteindra, l'année suivante, le n°48, dans la foulée d'un succès qui n'est pas encore là.

Big Brother fait ses débuts en février 1968 à New York et inaugure, le mois suivant, le Fillmore East du promoteur Bill Graham, crée sur le modèle de celui de San Francisco. Un conflit avec le producteur John Simon ralentit l'enregistrement du premier album de Big Brother & The Holding Company pour Columbia. Celui-ci sera finalement tiré des concerts du groupe : beaucoup, parmi les critiques, s'accordent à le juger insuffisant. Pourtant, Cheap Thrills (1968) sera l'un des albums les plus aimés et influents de son temps. Il restera au sommet des ventes durant deux mois. La pochette révèle le talent de Robert Crumb, dont les bandes dessinées seront massivement appréciées par le jeune public de la contre-culture. Lancé par le simple "Piece Of My Heart", qui reprend un récent succès soul d'Erma Franklin, la soeur d'Aretha Franklin, l'album est considéré comme celui de Janis Joplin plus que celui d'un groupe. Ses reprises de "Summertime" de Gershwin et le fameux "Ball And Chain" de Big Mama Thornton feront sensation. Logiquement, Grossman, son imprésario, la pousse rapidement à se dissocoer de Big Brother. Le groupe se sépare fin 1968, non sans ressentiment envers son ex-chanteuse. Seul le guitariste Sam Andrew la suivra un temps.

Janis Joplin répète alors sans suite avec d'anciens membres de The Elctric Flag, comme le guitariste Mike Bloomfield et le chanteur Nick Gravenites. Début 1969, elle se produit avec son Kozmic Blues Band, un groupe de pur soul-rhythm'n' blues d'où toutes traces d'acid rock psychédélique sont effacées. La formation comprendra un temps, outre Sam Andrew, le saxophoniste Terry Clements et le trompettiste Marcus Doubleday, mais ne sera jamais stabilisée : Janis Joplin, alcoolique chronique et accrochée à l'héroïne, est de toute façon bien incapable de diriger sa vie, sans parler de sa carrière, de façon stable. A la fin de l'année sort l'album I Got Dem Ol'Kozmic Blues Again Mama! La tonalité est très soul, dans la lignée du son Stax d'Otis Redding, avec des titres comme "Try (Just A Little Bit Harder)", une interprétation extraordinaire du " To Love Somebody" des Bee Gees et "Work Me Lord". Si elle ne trouve rien à redire à la voix de Joplin, la critique tire à boulets rouges contre l'insuffisance de son groupe. Le simple "Kozmic Blues" et l'album se vendent néanmoins très bien. Lassé par la conduite imprévisible de janis joplin, le groupe se sépare. Juste après, Big Brother réemerge : Albin, Andrew, Gurley et Getz recrutent le chanteur Nick Gravenites et le guitariste Dave Shallock. Cette formation achève d'enregistrer l'album Be A Brother (1970), commencé avec Janis Joplin (qui ne sera pas créditée sur la pochette), puis How Hard It Is (1971), avec la chanteuse Kathy McDonald.

Au début du printemps 1970, Janis Joplin paraît avoir surmonté ses problèmes personnels. Elle assemble un nouveau groupe, le Fulltit Boogie Band, gardant du précédent le bassiste Brad Campbell et le guitariste John Till, ajoutant le pianiste Richard Bell, l'organiste Ken Pearson et le batteur Clark Pierson. Plus dépouillé, orienté vers le country-rock, ce groupe est le meilleur qu'elle ait jamais eu. Elle part en tournée avec lui, accompagnant le Grateful Dead au Canada. A la fin de l'été, le groupe entre en studio à Los Angeles pour enregistrer un album. Mais, après une soirée à Santa Monica, Janis Joplin est retrouvée le matin du 4 octobre morte dans sa chambre du Landmark Hotel. On conclura, d'après les traces fraîches sur son bras, à une overdose d'héroïne, bien qu'on ait pas trouvé de seringue sur place. Elle n'était alors âgée que de 27 ans. Quelques mois plus tôt, elle avait financé la construction d'une stèle sur la tombe de son héroïne Bessie Smith, enterrée en 1937 dans un cimétière de philadelphie. Pratiquemment achevé, l'album qu'elle préparait sortita en février 1971 sous le titre Pearl (son surnom). Elle y reprend deux titres du compositeur soul philadelphien Jerry Ragavoy : "Cry baby", un tube pour garnet Mimms en 1963, et "Stay With Me, crée en 1966 par Lorraine Ellison. Surtout, deux titrse prodigieux se détachent : "Me And Bobby McGee", écrit par le compositeur Kris Kristofferson, avec son début inoubliable, "Dans la dèche à Baton Rouge, attendant un train / Je me sens presque aussi délavée que mes jeans...", et son fameux "la liberté, c'est juste un autre mot pour dire qu'on a plus rien à perder", ainsi que "Mercedes Benz", chanté comme une litanie gospel, presque sans accompagnement. L'année suivante, Columbia sort l'album Janis Joplin In Concert, où sont réunis divers enregistrements en public. En 1975, le documentaire Janis et le disque qui l'accompagne font découvrir ses débuts à Austin. En 1982, Farewell Song complète l'oeuvre par des morceaux inédits de Big Brother, enregistrés en 1968. Le label californien Rhino a publié, en 1985, Cheaper Thrills, un enregistrement live de Big Brother de 1966. Tournée en 1979 par Mark Rydell, le film The Rose, où Bette Middler a fait ses débuts, s'est fortement inspiré de la vie de Janis Joplin. Fin 1993 enfin, Janis, un coffret de trois CD publié chez Sony, sous l'étiquette legacy, offre l'intégrale de ses enregistrements.

Le destin de Janis Joplin réunit tous les éléments de la martyrologie mythique du rock. Comme Jimi Hendrix et Jim Morrison, Janis Joplin est liée à une époque flamboyante où des héros avaient pour mission d'aller là où les autres n'osaient pas s'aventurer. Comme eux, elle est censée avoir expié par une mort brutale l'intensité de sa vie et de ses audaces. La comparaison, pourtant, s'arrête là. Contrairement à Hendrix et Morrison, Janis Joplin n'a pas influencé la musique des décennies à venir. Elle reste une interprète d'exception, dans la tradition du blues, mais pas une créatrice. Sa légende tient surtout à l'authenticité de son personnage, à côté duquel toutes les chanteuses de la pop music d'alors semblent pâles et conventionnelles. Sans doute n'a-t-elle entraîné aucune révolution musicale. Mais le simple fait d'être femme, seule et désespérée, et de le chanter sans pudeur ni tabou, avec toute la violence et l'obscénité dont une blanche pouvait être capable, a été en soi une révolution dont les effets continuent à se faire sentir.