Lucinda Williams WILLIAMS, Lucinda : chanteuse et guitariste de folk-rock, blues et country américaine, 1979. Née le 26.01.1953 à Lake Charles (Louisiane).

« Comme Dylan ou Neil Young, Lucinda Williams est une remarquable raconteuse d'histoires avec une voix tranchante qui résonne comme si elle sortait de son cœur. » (New York Times).

Cette artiste auteur-compositeur-interprète de formation littéraire de country-folk-rock-blues fut la grande révélation singer-songwriter des années 80 et 90. Une puissance d'évocation, l'art de balancer la formule juste en évitant les clichés et une liberté d'expression qu'elle paiera cher : une poignée d'albums en 20 ans de carrière. Tout comme ses pairs masculins Guy Clark, Lyle Lovett, Butch Hancock et Townes Van Zandt, elle s'imposera comme un des talents majeurs de la musique traditionnelle américaine. Elle a été chantée par Emmylou Harris, Nanci Griffith et Tom Petty qui la considèrent comme une des plus grandes.

Originaire de Lake Charles donc, elle a pour père l'universitaire Miller Williams, un professeur en littérature anglaise, militant des droits civiques dans les années 60, également poète de renom et critique, ami de Charles Bukowski, grand admirateur de Hank Williams et, par ailleurs, lié à l'auteur et compositeur Tom T. Hall. Elle passe son enfance et une partie de son adolescence à sillonner le sud des Etats-Unis (Atlanta, Macon, Vicksburg, Jackson, Baton Rouge, La Nouvelle-Orléans ) et l'Amérique latine (Mexico, Santiago) au gré des affectations de son père. Eprise de la musique de Bob Dylan avant de découvrir le folk-blues traditionnel de Skip James, Bukka White et Robert Johnson, elle fait ses débuts à Fayetteville (Arkansas), chantant à la manière Joan Baez et de Mary Travers. Après avoir sillonné quelque temps les routes, elle s'installe en 1974 à Austin (Texas), où triomphent les Outlaws, puis à Houston, où Nanci Griffith et Lyle Lovett tiennent cour à Anderson Fair. « C'était un endroit vraiment particulier, où chacun venait écouter les autres, presque religieusement. Un paradis d'auteur-compositeur. », se souviendra-t-elle dans le texte imprimé sur la pochette de Happy Woman Blues (1980), le deuxième album qu'elle financera elle-même pour le légendaire label Folkways. Le premier, Ramblin' On My Mind, respire le gospel-country-blues qu'elle chante dans les clubs de folk. Paru en 1979, il est entièrement constitué de ce qu'on appellerait chez nous des chansons du patrimoine : « Make Me A Pallet Down On Your Floor », « Jambalaya », « Motherless Children », « Satisfied Mind », « You're Gonna Need That Pure Religion »… Elle continuera régulièrement par la suite à revenir sur scène à ce répertoire des origines, abordant même Howlin' Wolf, Memphis Minnie ou Taj Mahal. Le suivant, enregistré à Houston en 1980 après un séjour de huit mois dans les clubs de New York, est entièrement composé de chansons originales, alliant cajun, bluegrass et pur country, avec un phrasé prometteur, enjoué et déluré à la fois. « Très jeune, j'ai été influencée par Hank Williams et Loretta Lynn, et plus tard, par les plus grands bluesmen du Delta, Robert Johnson et Skip James. Des gens dont le son a quelque chose de hanté, râpeux et brut. »

Jusqu'en 1984, Lucinda Williams continue à se partager entre Houston et Austin, avant de s'établir à Los Angeles, où elle part à la recherche d'un contrat discographique. Celui-ci lui sera apporté par le label Rough Trade (plutôt associé au rock indépendant) en 1988, avec un album éponyme qui contient la majeure partie des chansons qui vont établir sa remarquable réputation et séduire d'autres interprètes : « The Night's Too Long » (Patty Loveless), Abandoned (Linda Thompson), « Passionate Kisses » (Mary-Chapin Carpenter), « Changed The Locks » (Tom Petty, « Crescent City » (Emmylou Harris). Cet album est l'un de ces rares disques à mériter la qualification de classique, comme l' Old N°.1 de Guy Clark, dans lequel non seulement un interprète s'est entièrement coulé, mais aussi un art, un style. En 1992, cette grande blonde aux lignes scandinaves, à l'expression insatisfaite, enregistre pour Elektra Sweet Old World , dont Emmylou Harris reprendra la chanson-titre. Accompagnée par Jim Lauderdale aux chœurs, Benmont Tench des Heartbreakers de Tom Petty à l'orgue et du virtuose du bluegrass Byron Berline au violon, elle signe un album très mélodieux, excellemment produit, qui ne convient pourtant ni à Nashville, où elle réside provisoirement, ni au format des radios country, où les auteurs ne sont qu'exceptionnellement les bienvenus. « Something About What Happens When We Talk », « Pineola », « Lines Around Your Eyes », « Memphis Pearl » contribuent à étendre encore un peu plus sa réputation de Guy Clark féminin, un compliment rare et mérité. L'album comprend une reprise du merveilleux « Which Will » de Nick Drake.

Lucinda Williams devient alors l'objet d'une admiration unanime auprès des meilleurs artistes et spécialiste du genre : Mary-Chapin Carpenter déclare que « Lucinda est son héroïne » et Emmylou Harris, chez laquelle elle passe une partie de son temps à Nashville, estime qu'« alors qu'on croit qu'il n'est plus de secret dans l'âme humaine, Lucinda y perce une nouvelle galerie. » Nanci Griffith reprend fréquemment ses chansons, faisant également appel à elle pour chanter des chœurs. Lucinda Williams mettra pourtant six années avant d'être finalement satisfaite de son album suivant, Car Wheels On A Gravel Road, incandescent, bluesy, produit successivement par Steve Earle puis Roy Bittan de l'E Street Band de Bruce Springsteen. Cet album sera acclamé par la critique américaine : élu « album de l'année » par le magazine américain Spin, « chef-d'œuvre » pour Rolling Stone, il sera pourtant largement ignoré du public. Grâce à des réussites comme « Right In Time », « Lake Charles », « Concrete and Barbed Wire », « Greenville » ou « Metal Firecracker » qui appellent les reprises, il établit Lucinda Williams comme l'auteur country-folk féminin numéro un de sa génération, comme une Joni Mitchell du Sud qui n'aurait pas tout à fait trouvé ses Crosby, Stills, Nash (& Young). Comme l'a dit joliment la chanteuse de country Patty Loveless : « Lucinda Williams écrit depuis le cœur même de la vie quotidienne. Ce sont d'authentiques existences qui se jouent dans ses paroles et ses histoires captent l'essence de la vérité. » On attend un homme pour succéder à Bob Dylan. C'est une femme.