The Neville Brothers NEVILLE BROTHERS (The) : groupe de rhythm'n' blues, soul, funk, reggae, rock, country et cajun américain, 1978.

- Aaron Neville
: chanteur, claviériste et percussionniste. Né le 24.01.1941 à La Nouvelle-Orléans (Louisiane).
- Art Neville
: claviériste et chanteur. Né le 17.12.1937 à La Nouvelle-Orléans.
- Charles Neville
: saxophoniste, flûtiste et percussionniste. Né le 28.12.1938 à La Nouvelle-Orléans.
- Cyril Neville
: chanteur et percussionniste. Né le 10.10.1948 à La Nouvelle-Orléans.

D'origine martiniquaise, cette tribu incarne depuis le fin des années 50 la musique de La Nouvelle-Orléans, creuset où se sont mêlées toutes les traditions américaines : jazz, rhythm'n' blues, soul, rock'n' roll, funk et même country et cajun. Sa musicalité, comme la voix éthérée et incantatoire du chanteur Aaron Neville, a suscité l'admiration de toute la communauté des musiciens, des Rolling Stones et Bob Dylan, jusqu'à Frank Sinatra, qui considéra un jour celui-ci comme " le plus grand chanteur de la planète ".

D'origine martiniquaise, le père des quatre frères Neville est capitaine dans la marine marchande : la mère est danseuse. Agé de seize ans, en 1954, Art Neville décroche son premier tube, " Mardi Gras Mambo ", qui deviendra bine plus tard l'hymne officiel des fêtes du Mardi gras à La Nouvelle-Orléans. Leader des Hawketts, un groupe de lycée déjà recruté par Chess, il participe à de nombreuses séances d'enregistrements auprès du producteur et pianiste Allen Toussaint. En 1957, il singe un contrat solo chez Speciality, le label de La Nouvelle-Orléans qui a lancé Little Richard (il accompagnera celui-ci un temps à l'orgue, son instrument de prédilection depuis l'âge de quatre ans.) Charles est parfois au saxophone, et Aaron participe aux chœurs : en tournée comme en studio, les frères accompagnent sur des centaines de plages Allen Toussaint comme Dr. John. Marié à quatorze ans, Charles, quoique tenté par le jazz et membre, avec son frère Art tout comme Dave Bartholomew, Edgard Blanchard, Allen Toussaint, Earl King et Guitar Slim, de l'orchestre du Dew Drop Inn, tourne régulièrement avec Little Walter, Jimmy Reed, B.B. King, Bobby " Blue " Bland et Ray Charles. IL se retrouve bientôt à New York, au célèbre Peppermint Lounge, où il fait se déhancher les stars sur le twist de Joey Dee And The Starliters. Aaron, lui, ne se contente plus des chœurs, ni de sa première formation doo-wop, les Avalons : après avoir remplacé à la tête des Hawketts son frère Art, parti servir en 1958 dans l'US Navy, puis fait un séjour de six mois en prison à la suite d'une rixe, il obtient en 1960 son premier tube pour le label Minit : " Over You ".

Malgré ces succès individuels, la mode des groupes, venue d'Angleterre, décide Aaron, Art et Charles à unir leurs forces au sein des Neville Sounds. C'est alors, à la fin 1966, qu'Aaron, avec sa voix d'ange, décroche un tube mondial : " Tell It Like It Is ", une ballade soul sui sera reprise à travers les années par Otis Redding et Carla Thomas, comme Heart, UB 40 et, vingt ans plus tard, par les Neville Brothers eux-mêmes pour les besoins du film The Big Easy (Jim McBride, 1987). Frank Sinatra en personne désire alors s'occuper de la destinée d'Aaron, qu'il proclame " le plus grand chanteur de la planète ". Tout est prêt pour l'intronisation à Hollywood de ce gentil colosse tatoué, lorsque les avocats de Sinatra soulèvent un détail. " Bien sûr, disent-ils, nous allons gommer cette tache de naissance qui entoure le sourcil droit d'Aaron. - C'est la marque de Dieu, répond aussitôt ce dernier, pas question. " C'en est aussitôt fini de la gloire : Aaron rentre à La Nouvelle-Orléans où il tentera vainement de ranimer sa carrière, brisée par sa superstition. A partir des cendres de Neville Sounds, Art rejoint Cyril, forme en 1968 les Meters, qui vont devenir le groupe de funk le plus efficace de leur temps, chaînon manquant entre Booker T. & The MG's, les J.B.'s et Sly And The Family Stone, triomphant dans les hit-parades avec " Sophisticated Cissy " et " Cissy Strut ", s'illustrant derrière Dr. John, LaBelle, Paul McCartney et les Wings, Robert Palmer, Lee Dorsey et Frankie Miller, accompagnant en tournée les Rolling Stones, leurs fans numéro un.

A nouveau réunis à l'initiative de leur oncle, George Landry, connu sous le nom de " Big Chief Jolly ", pour un album en hommage à la tribu indienne des fêtes du Mardi gras, les quatre frères Neville mettent enfin en place leur groupe familial courant 1977. Les Meters sont alors essoufflés, et Charles en a terminé avec trois ans de prison après s'être fait arrêter en possession de deux joints d'herbe. Sous la protection des Rolling Stones, les Neville Brothers enregistrent pour Capitol un excellent album (sans titre) en 1978 produit par Jack Nitzsche, alliant le funk-rock des Meters (" Dancing Jones ") aux ballades exceptionnelles d'Aaron (où sa splendide voix haut perchée illumine " Arianne "). Leur mélange détonnant de funk, soul, rock et rhythm'n' blues, typiquement Nouvelle-Orléans, enflamme me musiciens et la critique, mais déroute le grand public. Avec Fiyo On The Bayou (1981), les Neville Brothers s'attaquent au reggae sous l'influence de Cyril, rasta à la dégaine de pirate en dreadlocks, et recyclent l'hymne des Meters, " Hey Pocky Way ". Une nouvelle fois, la qualité est là, mais pas le succès commercial. Ainsi, au milieu des années 80, " le meilleur groupe de scène du monde ", selon Claude Nobs, dont l'efficace Bill Graham est l'imprésario, a beau triompher sur la scène du festival New Orleans Jazz And Heritage, être invité par Peter Gabriel en 1986 sur la tournée " A Conspiracy Of Hope " d'Amnesty International : les Neville Brothers en sont à graver pour des petits labels des albums live enregistrés chez eux, sur la scène de Tipitina's, à quelques encablures seulement de Valence Street, où les frères habitent tous, dans le quartier St Charles de La Nouvelle-Orléans. L'album Neville-ization (1984), enregistrement d'un concert de 1982, figure au rang des meilleurs albums en public de l'histoire, contenant la plus impressionnante version du classique " Fever " jamais enregistrée et un " Tell It Like It Is " inégalé.

" Cet Aaron ressemble à un pet foireux, mais il chante comme un ange. Ce groupe, cette tribu, les Neville, ont la musique dans le sang, comme si c'était Dieu lui-même qui jouait à travers eux ", déclare alors Keith Richards à l'émission de télévision " Rapido ". Il participera, tout comme Carlos Santana, Brandford Marsalis et Jerry Garcia à l'album Uptown (1987). Un peu plus tard, Richards engagera le fils d'Aaron, Ivan Neville, dans son propre groupe, les X' Pensive Winos. Huey Lewis les emmène en tournée avec lui autour du monde et Linda Ronstadt enregistre plusieurs duos avec Aaron : elle parvient à leur faire obtenir un contrat, ensemble, ainsi qu'Aaron en solo, chez A & M. Bob Dylan recommande alors les Neville Brothers à son producteur Daniel Lanois. Yellow Moon sera un des meilleurs albums de 1989 : Daniel Lanois a su capter, enfin, le cœur de cet ensemble hors du commun. Nimbé de ce halo presque mystique propre aux productions de Lanois et de Brian Eno, cet album réunit tout ce qui fait la magie exceptionnelle de la formation : le vaudou (" My Blood ", " Yellow Moon "), le mysticisme typique de La Nouvelle-Orléans (" Wake Up "), le reggae introduit par Cyril, le folk humanitaire propre à Aaron, qui reprend magnifiquement deux vieilles chansons de son admirateur Bob Dylan (" The Ballad Of Hollis Brown " et " With God On Our Side "), la soul (" A Change Is Gonna Come "), un brin de jazz (" Healing Chant ") et même de la country (le classique " Will The Circle Be Unbroken "). Enfin reconnus à leur juste valeur, les Neville Brothers apparaissent sur toutes les scènes de la planète. Ils y laisseront sans doute un peu de leur concentration, d'autant qu'Aaron a relancé sa carrière solo, décrochant tubes et Grammy Awards pour ses duos avec Linda Ronstadt comme "Don't Know Much". Brothers's Keeper (1990) leur permet d'être élus meilleur groupe de l'année par le magasine Rolling Stone. Family Groove (1992) ne suscitera pas le même écho.

Aaron Neville a tiré le plus grand bénéfice de cette notoriété nouvelle dans les années 90, cumulant tubes et disques d'or. De leur côté, les Neville n'ont publié durant cette période qu'un album live, Live On Planet Earth (1994). Art, depuis a remonté les Meters, Charles a continué à jouer au jazz, et Cyril diriger ses Uptown All Stars. En 1993, les Neville Brothers se sont retrouvés en studio, en publiant Mitakuye Oyasin Oyasin - All My Relations, un disque aussi excellent qu'ignoré, où ils ont repris le " Fire Of The Mountain " du Grateful Dead, groupe auquel longévité et leur puissance hypnotique et incantatoire ont fini par les apparenter. Rhino a publié la compilation de deux volumes Treacherous : A History Of The Neville Brothers, qui regroupe leurs meilleurs enregistrements, ensemble et séparément, jusqu'à la fin des années 80, tandis que Very Best Of The Neville Brothers (1997) se concentre sur les dernières années. Ils sont revenus début 1999 avec Valence Street, un album publié chez Columbia qu'ils ont produit eux-mêmes.