Elvis Presley PRESLEY, Elvis : chanteur et guitariste de rock'n' roll, country et pop américain, 1954-1977. Né le 08.01.1935 à East Tupelo (Mississippi). Mort le 16.08.1977 à Memphis (Tennessee).

Plus encore que le « roi » ou la plus grande star de rock'n' roll, il est avant tout celui par qui cette musique a été annoncée et révélée au monde entier. Elevé dans le Mississippi, puis à Memphis, ville centrale pour la rencontre des cultures musicales au sud des Etats-Unis, il n'a pas été le premier à marier les musiques blanche et noire (Jimmie Rodgers, Hank Williams, Bill Haley et bien d'autres l'ont précédé dans cette démarche) mais il apparaît au milieu des années 50 avec un style original, un charme et une fraîcheur qui bouleversent les habitudes. Génie intuitif, héros traversé par une force qui le dépasse, personnage fragile, marqué par James Dean de La Fureur de vivre et le Marlon Brando de L'équipée sauvage , il reste aujourd'hui encore le plus important phénomène de l'histoire de la musique enregistrée. En diffusant le rock'n' roll dans tous les Etats-Unis, grâce à la télévision, il a servi de catalyseur à une reconnaissance mutuelle des cultures noire et blanche américaines, offrant une perspective bien plus vaste au rôle joué par la musique populaire. Malgré le temps écoulé, son influence demeure profonde et universelle. Il fait l'objet d'un véritable culte et ses disques continuent à se vendre par millions.

« Le rock'n' roll, c'était le sexe, le style et la subversion. Presley possédait les trois. » (Malcolm McLaren, manager des Sex Pistols.)

« Les Beatles ont été des compositeurs géniaux. Mais, sur scène, ce n'était pas terrible, loin de là. Tandis qu'Elvis a vraiment été un showman génial. Le King sur scène, cela allait des chaussures en daim bleu et du jeu de hanches au cirque Médrano, en passant par Bing Crosby, Frank Sinatra et Luis Mariano… » (Eddy Mitchell, décembre 77).

« Pour moi, il avait la même dimension que ce pays, que son rêve. Il était ce rêve mais en même temps luttait sans espoir contre » (Bruce Springsteen).

Elvis Aaron Presley naît à Tupelo d'un père ouvrier agricole, Vernon, et d'une mère couturière, Gladys ; son frère jumeau Jesse Garon meurt à la naissance. Bercé par les chants d'élise, les chanteurs de charme et la country, la musique de la campagne américaine entendue à la radio, il chante dans les chœurs de la First Assembly Of God Church protestante, fréquentée par ses parents. Le jeune camionneur commence sa carrière le lundi 05.07.1954, dans le petit studio Sun au 760 Union Avenue de Memphis où, pour 3 dollars, il enregistre, pour l'anniversaire de sa mère, « That's Alright Mama », titre de rhythm'n' blues d'Arthur Cudrup. Le propriétaire e$du studio et producteur Sam Phillips est heureux : il a enfin trouvé « un blanc avec une voix et un feeling noirs… » Le mercredi 07.07.1954, le DJ de la station WHPQ de Memphis, Dewey Phillips passe ce vieux blues e la campagne revu et corrigé. Puis il diffuse sa version endiablée d'un vieux titre bluegrass rural, « Blue Moon ». Le standard de la station saute. L'énergie du jeune Elvis va droit au cœur du nouveau public adolescent en voie d'émancipation. Elvis s'est réfugié dans un cinéma. Pourtant, il vient d'entrer dans l'histoire, en rapprochant instinctivement musique blanche et musique noire, blues et country. Ce style irrésistible que tout le monde attendait, va s'appeler rockabilly, puis rock'n' roll lorsqu'il fait part belle aux accents noirs. En juillet 1954 et juillet 1955, Elvis grave les Sun Sessions et des titres considérés depuis comme ses meilleurs : « That's Alright Mama », « Blue Moon » de Bill Monroe, adapté du hillbilly où il inaugure littéralement le rockabilly, « Goodrockin' Tonight », « I Don't Care If The Sun Don't Shine », « Milk Cow Blues Boogie », « You're A Heartbreaker », « Baby, Let's Play House », « I'm Left, You're Right, She's Gone », « Mystery Train » et « I Forgot To Remember To Forget ».

PARKER. La nouvelle génération d'Américains, en particulier les 13 millions d'adolescents qui veulent rompre avec les habitudes de leurs parents, se reconnaît en lui. Thomas Andrews Parker le remarque et fait racheter son contrat en novembre 1955 par RCA pour la somme considérable à l'époque de 35 000 dollars. Tom Parker, surnommé le « Colonel », ancien promoteur de fêtes foraines, est un manipulateur de génie. Entré illégalement aux USA à la fin des années 20, il fera d'Elvis une norme vedette, l'une des plus grandes du XXe siècle, tous genres confondus. Et il lui prend 30% de ses gains sur le disque et 50% sur la vente des produits et des droits dérivés, en déclarant d'emblée : « Quand j'ai rencontré Elvis, il valait un million de dollars, maintenant il possède un million de dollars… » Le 10.01.1956, Elvis Presley enregistre à Nashville, avec Scotty Moore, premier véritable guitariste du rock, le batteur DJ Fontana, le bassiste Bill Black, Chet Atkins, et le groupe vocal les Jordanaires, « Heartbreak Hotel » qui fait découvrir le rock'n' roll à l'Amérique, puis au monde. En 1956, il grave huit titres qui vont devenir les classiques de la première partie de sa carrière et se vendre à plus d'un million d'exemplaires chacun : « Hound Dog », titre écrit en 1953 par le duo Leiber & Stoller pour Big Mama Thornton, « I Was The One », « I Want You, I Need You, I Love You », « Don't Be Cruel », « Love Me Much », « Playin' For Heeps ». Ses apparitions télé, filmées au-dessus de la taille à cause d'un jeu de jambes et de hanches jugé provocant, révolutionnent l'Amérique puritaine : première le 28.01.1956 sur CBS dans le Stage Show, des frères Jimmy et Tommy Dorsey. Pour multiplier l'impact de son poulain, Parker fait tourner un film à celui qui est déjà surnommé le « Hillbilly Cat », « King of Western Bop, « Pelvis », « Tupelo Mississippi Flash ». Love Me Tender rembourse ses coûts de production (un million de dollars) en trois jours. Ce « formidable chanteur et bombe sexuelle » met en péril l'industrie traditionnelle de la chansons et du spectacle ; déjà désigné comme le King, il rêve de devenir un grand acteur de cinéma ; il apparaît en 1957 dans Loving You , accompagné par ses musiciens de l'époque Sun, et joue un personnage de camionneur nommé Deke Rivers. Dans Jailhouse Rock , succès critiqué, il interprète « Jailhouse Rock », « Treat Me Nice », « Young And Beautiful », « I Don't Care ». En 1958, Michael Curtiz le met en scène dans King Creole , peut-être son meilleur film, où il reprend un rôle prévu pour James Dean, et chante les mémorables « Hard-Headed Woman » et « Trouble-King Creole », deux chansons de Leiber & Stoller qui lui avaient déjà écrit pour Jailhouse Rock « Lover Doll » et « Crawfish ». Elvis est à son apogée ; en une vingtaine de titres déjà classés, il a imposé une nouvelle musique et une nouvelle manière de vivre. Le 04.12.1956, il retrouve les studios Sun. Deux autres pionniers du rock blanc, Carl Perkins et Jerry Lee Lewis, et la star country Johnny Cash l'attendent pour un enregistrement mythique resté inédit pendant trente ans. Cette plongée dans les racines du rock'n' roll est un document indispensable, même si, on e sait maintenant, Cash ne fut finalement présent que sur la photo. En 1957, Elvis Presley est n°1 dans le monde avec « Jailhouse Rock » du film du même nom.

L'ARMEE. Le 24.03.1958, il part pour l'armée en Allemagne sous le matricule US53310761. Le Beatle John Lennon qui avait coutume de dire : « Avant Elvis, il n'y avait rien », ajoutera : « Elvis est mort ce jour-là », ce que depuis tous les puristes du rock admettent. Après un bref séjour à Paris en permission en juin 1959, il est démobilisé le 05.03.1960. Parker décide de reconquérir le grand public en mettant dans une cage dorée le rocker-rebelle des années 50. Sa carrière prend un virage conservateur : il apparaît à la télé avec Frank Sinatra. A de rares exceptions près comme les bluesy et provocants « Dirty Dirty Feeling », « Such A Night » et « Reconsider Baby », blues extraordinaire de Lowell Fulson, ses chansons se font plus calmes : sa version de « Sole Moi », « It's Now Or Never », « Fame And Fortune », « Are You Lomesone Tonight ? », « Surrender », titre écrits par Schuman-Pomus. La stratégie du colonel Parker est d'occulter le rocker devenu crooner, dont la présence publique, de 1961 à 1968, va être presque exclusivement discographique et filmographique. Après GI Blues et Flaming Star , Elvis Presley enchaîne film su film : Blue Hawaï , succès financier sans précédent, Viva Las Vegas avec Ann Margaret… Il tournera au total 31 comédies musicales, chacune lui rapportant un million de dollars de garantie et 33% des bénéfices, contrat unique à Hollywood. Ces films faciles tendent à le banaliser. Les teenagers américains découvrent la vague pop-beat anglaise : Beatles, Rolling Stones, Dave Clark Five, Elvis fait savoir qu'il n'apprécie pas le rock anglo-saxon mais il reçoit les Beatles le 27.08.1965 et enregistre un titre de Bob Dylan, « Tomorrow Is a Long Time ».

LE RETOUR DU TALENT. Il se marie le 01.05.1967 et entame une nouvelle étape de sa carrière en 1967-1968 en enregistrant trois grands titres, « Big Boss Man », « US Male » et « Guitar Man » ; il se produit à la télé sur NBC avec Scotty Moore, DJ Fontana et Charlie Hodge. Le King rocker chante ses classiques et rallume l'idolâtrie de ses fans. En 1969, il enregistre, avec le Memphis House Band, 35 titres passablement soul dont « Suspicious Mind », chanson d'amour adulte, touchante et « In The Ghetto » sur l'univers des quartiers pauvres du rêve américain. Sa fille naît en mai 1969. Le 31 juillet, il retrouve l'International Hotel de Las Vegas où il interprète ses meilleurs morceaux, « Hey Jude » des Beatles et « Suspicious Mind ». Son nouveau groupe fait merveille : le guitariste James Burton, le bassiste Jerry Scheff, le batteur Ronnie Tutt et, après janvier 70, l'ex-Cricket Glen D. Hardin. Son premier album en public, In Person At The Internationl Hotel , immortalise l'événement. Après le documentaire Elvis On Tour , il fait son retour à New York au Madison Square Garden où il atterrit en hélicoptère devant David Bowie, John Lennon et George Harrison ; ses quatre concerts font l'objet d'un enregistrement en public. Elvis demeure un formidable chanteur, une phénoménale bête de scène. Le public lui revient et sa maison de disques n'hésite pas en 1970 à commercialiser six albums de lui. L'année suivant, elle surpassera avec huit albums, dont un country. Son show télé en mondovision, retransmis par satellite le 14.11.1973, est vu par un milliard de téléspectateurs ; le double album tiré du concert, compilation en public du maître est publié : Aloha From Hawaï Via Satellite est classé n°1 aux USA, Elvis Presley va donner près de 300 concerts de 1970 à 1977, et enregistrer d'innombrables standards pop des Beatles, de Simon and Garfunkel, des Righteous Brothers, et quelques grands rocks : « Polk Salad Annie » de Tony Joe White et « See See Rider ». Mais le sex-symbol des années 50 a grossi et le niveau de sa production, de son énergie et de sa santé baisse. Il a perdu ses illusions et divorcé le 09.10.1973.

DERNIERE. En février 1976, il enregistre chez lui son dernier album, recueil sombre de ballades country. Et il part en tournée dans le Middle West en avril 1977. Il donne son dernier concert, le 26.06.1977 à Indiana polis. Il n'est plus que l'ombre de lui-même mais le public ne voit rien de ses trous de mémoire et de son état physique lamentable, et ne s'émeut pas de ses kilos en trop. Le 16.08.1977 à 14h30, il est trouvé inconscient dans la salle de bains du premier étage de sa maison. Transporté au Baptist Memorial Hospital, le roi du rock'n' roll meurt, une heure plus tard, victime de l'un de ses légendaires cocktails pharmaceutiques. Comme celles de J.F.Kennedy et de Martin Luther King, sa mort bouleverse l'Amérique et le monde occidental. 76 000 personnes assistent à ses obsèques le 18. Il est statufié. Parker annonce laconiquement : « Ce que je vais faire après son enterrement ? Eh bien, continuer à manager Elvis Presley. » Les punks anglais Clash chantent, la même année « No Elvis No Beatles No Stone ». Sa maison Graceland devient un lieu de pèlerinage ; et comme à la fin de tous ses shows on insiste auprès des visiteurs pour dire qu'Elvis a déjà quitté le building !

ETERNEL. En 1998, seuls 16% des Américains voulaient croire qu'il était mort. En tout cas, le chanteur est toujours là dans les films de Jim Jarmusch et de David Lynch. Malgré une carrière galvaudée depuis 60 et surtout 70 et d'innombrables navets, Elvis, l'un des mythes du XXe siècle, est la première rock star parce que le premier grand chanteur (instinctif et sauvage) de cette musique dont il personnifiait les excès et les vertus. Une voix souple de ténor à l'aise dans le rhythm'n' blues, la country, le gospel et le blues ; une faculté unique de changer de rythme ; une présence qui savait spontanément « célébrer la passion d'un moment » (Sam Phillips) ; une influence sur scène et sur disque déterminante sur David Bowie, les Beatles, Mick Jagger, Paul Simon… Une saga à l'américaine qui fit d'un petit blanc religieux du Sud un multimillionnaire mal dans sa peau. Le 31.07.1981, l'attorney Blanchard Tual annonçait que le colonel Parker l'avait effectivement volé Elvis depuis 1956 ; au même moment, la biographie d'Albert Goldman Elvis révélait que Parker n'avait jamais permis à son chanteur de se produire en Europe parce qu'il s'appelait en réalité Andreas Van Kujik et ne pouvait retourner de l'autre côté de l'Atlantique… Et la presse révélait que le docteur George Nichopoulos aurait prescrit 19 000 pilules à Elvis Presley dans les deux dernières années et demie de sa vie.

Classé plus de 140 fois en Angleterre, le King enregistra plus de 700 titres et, à sa mort, avait vendu près de 600 millions de disques, chiffre qui aurait doublé aujourd'hui. 45 de ses titres ont dépassé le million d'exemplaires ; « Hound Dog » et « Don't Be Cruel » se sont vendus à pus de 8millions d'exemplaires chacun et « Heartbreak Hotel, les cinq premières années de sa mise en vente à 38 millions.