Linda Ronstadt RONSTADT, Linda : chanteuse de country, rock et pop américaine, 1966. Née le 15.07.1946 à Tucson (Arizona).

Star du country-rock californien au milieu des années 70, cette chanteuse a déployé une palette musicale d'une rare étendue, allant des standards du jazz vocal à la musique cubaine, en passant par les chansons de mariachis.

« Nous chantions toujours dans ma famille, se souvenait Linda Ronstadt, 1995, interrogée par le magazine Mojo : beaucoup de musique mexicaine, des chansons de cow-boy et des harmonies à trois voix que nous entendions à la radio. Je m'aperçois aujourd'hui que tout ce que j'ai aimé chanter pendant ma vie tend à refléter un mode de vie agraire. » Dans les années 40, ses parents tiennent une quincaillerie à Tucson, non loin de la frontière mexicaine : d'ascendance allemande et mexicaine mêlée, ils pratiquent la musique depuis au moins deux générations. Le grand-père de Linda Ronstadt animait un orchestre dans les années 1880, et c'est sur sa guitare que la jeune fille commence à s'exercer. Son père chante aussi des mélodies mexicaines à ses heures perdues. Encore collégienne, elle forme un trio vocal avec son frère aîné Mike et sa sœur Suzi, les Three Ronstadts, bientôt les New Union Ramblers. Rêvant de New York, de Greenwich Village et de Bob Dylan, elle opte pour Los Angeles, plus accessible, louant une maison à Santa Monica avec un ami, le guitariste Bobby Kimmel et son compère Kenny Edwards. Ensemble, ils se produisent sous le nom des Stone Poneys, sorte de version locale de Peter, Paul & Mary aux relents country-hippie, passant régulièrement au Troubadour, où ils attirent l'attention de l'agent Herb Cohen : celui-ci persuade Nik Venet, chercheur de talents pour Capitol, de leur offrir un contrat. Il ne sait trop que faire d'eux, essayant d'abord de les lancer dans un style surf. En 1967, il les convainc de créer, ce que le trio accepte à contrecoeur, « Different Drum », une composition de Michael Nesmith des Monkees : cette chanson qui rappelle The Mamas And The Papas restera classée quatre mois dans les meilleures ventes, montant au n°13. Les Stone Poneys accompagnent alors les Doors en tournée. Linda Ronstadt découvre avec effarement Jim Morrison : « Nous trouvions que le groupe était bon mais nous n'aimions pas ce chanteur. Il portait toujours les mêmes pantalons en peau de serpent qui sentaient vraiment fort parce qu'il ne se lavait jamais. » Le succès de « Different Drum » fait long feu, et les Stone Poneys se séparent dès 1968, laissant deux albums.

La carrière solo de Linda Ronstadt sera lente à démarrer. Elle fréquente la bohème de Laurel Canyon, côtoyant Gram Parsons, tout en refusant de se mêler à un style de vie qu'elle réprouve : « J'ai jamais été fana de drogues, j'en ai pris de temps en temps. Elles rendaient les gens sourds, elles les faisaient mourir ou elles les rendaient carrément odieux. Personnellement, on m'a élevée dans l'idée de devenir quelqu'un responsable. » Ses deux premiers albums pour Capitol, Hand Sown, Home Grown (1969) et Silk Purse (1970), orientés vers une country traditionnelle, la font remarquer, surtout grâce au succès « Long Long Time », cité pour un Grammy. Son album sans titre de 1971 marque un tournant : elle y est accompagnée par son groupe de scène, les futurs Eagles, bientôt appelés à incarner le style naissant du country-rock, auquel Linda Ronstadt restera en partie assimilée. Elle y reprend des titres de Jackson Browne et Neil Young, qui l'invite à chanter les chœurs de Harvest et à l'accompagner en tournée. L'album Don't Cry Now (1973) sera une œuvre charnière dans sa carrière : premier disque à être enregistré pour Asylum, la nouvelle compagnie créée par David Geffen, il marque surtout l'arrivée de l'anglais Peter Asher, ami des Beatles, ancien du duo Peter & Gordon, reconverti comme agent de Hollywood. Alors que ce disque, produit par le fiancé de la chanteuse J.D. Shouter, a coûté une fortune et semble condamné à rester inachevé, Asher reprend les choses en main. Son empreinte est plus profonde sur Heart Like A Wheel (1974) qu'il produit intégralement. Ce disque introduit la formule qui sera la clé du succès de Linda Ronstadt auprès du grand public : des reprises de succès anciens, bien connus, de rock'n' roll ou de soul des années 50 et 60, voisinant avec des airs de country-rock contemporain composés par James Taylor, Karla Bonoff, J.D. Shouter ou Warren Zevon. Last but not least, une image de femme enfant, faussement ingénue, qui lui vaudra nombre de couvertures de magazines. Réclamé à l'origine par Capitol pour libérer la chanteuse de son contrat, cet album se classe au n°1 et se vend à 2 millions d'exemplaires. Diffusée en 45 tours, une reprise de « You're no Good », un titre de Betty Everett popularisé dix ans auparavant par les Swinging Blue Jeans, se classe n°1, bientôt suivie par une autre des Everly Brothers, « When Will I Be Loved ? ». La formule se répétera, à peu de choses près, avec les quatre albums suivants : Prisoner In Disguise (1975), Hasten Down The Wind (1976), Simple Dreams (1977) et Living In The USA (1978). Simple Dreams , diffusé à 3 millions d'exemplaires et n°1 cinq semaines d'affilée, offre à Linda Ronstadt deux tubes : une excellente reprise du « Blue Bayou » de Roy Orbison et une autre d' « It's So Easy » de Buddy Holly ; il comporte aussi sa reprise du « Turnbling Dice » des Rolling Stones. Living In The USA marque un léger tournant, courageux vu le contexte de l'époque : frappée par l'émergence de la new wave, elle décide d'y reprendre « Alison » d'Elvis Costello. Enhardie, elle publiera en 1980 Mad Love, accompagnée par un obscur groupe new wave de Los Angeles, ne reprenant pas moins de trois autres chansons de Costello arrangées avec des sonorités de synthétiseurs alors qualifiées de « modernes ». Boudée par son public, malgré le succès de deux 45 tours tirés de l'album, dont « Hurt So Bad », une reprise de Little Anthony & The Imperials, Linda Ronstadt se détournera de manière spectaculaire du rock, décidant de chanter à Broadway le rôle de Mabel dans une opérette de Gilbert et Sullivan, The Pirates Of Penzance .

Après que son dernier album dans la lignée des précédents, Get Closer (1982), a connu un relatif échec, elle accepte une proposition de Jerry Wexler venu la voir à Broadway : graver un album de classiques du music-hall. Pour enregistrer What's New (1983), elle s'associe à Nelson Riddle, l'arrangeur de Frank Sinatra, qui orchestre pour elle « What'll I Do » d'Irving Berlin et « I Don't Stand A Ghost Of A Chance With You » de Victor Young. A la surprise générale, cet album sera un de ses plus grands succès, couronné d'un disque de triple platine. La chanteuse répétera la même formule avec Lush Life (1984) où elle s'attaque cette fois, entre autres, au « Sophisticated Lady » de Duke Ellington, puis, avec For Sentimental Reasons (1986), moins bien accueilli, à « My Funny Valentine » et « Round Midnight ». Lassée, tout comme son public, de cette formule, Linda Ronstadt relancée par son duo à succès, « Somewhere Out There » avec le chanteur soul James Ingram, réalise alors un projet vieux de dix ans : s'associer avec deux autres chanteuses de country-pop de premier plan, Dolly Parton et Emmylou Harris. L'album qu'elles publient sous le nom de Trio, un disque de country traditionaliste, sans amplification, comprenant une reprise de « To Know Him Is To Love Him », permet à la chanteuse de retrouver ses racines : il est le meilleur auquel elle ait associé son nom depuis les années 70. Elle plonge plus profondément encore dans ses origines en enregistrant Canciones De Mi Padre (1987), un recueil de chansons traditionnelles mexicaines que son père lui chantait quand elle était petite, qui sera suivi de Mas Canciones (1990) et Frenesi (1992), plus proche de la musique afro-cubaine et du jazz. Entre-temps, elle connaîtra un franc succès avec un disque grand public, Cry Like A Rainstrom (1989) qui contient quatre duos avec Aaron Neville et d'autres avec Brian Wilson et Jimmy Webb. Elle poursuivra dans cette ligne mais obtenant moins de succès avec Winter Light (1994) qui compte des reprises de Burt Bacharach et Hal David, et toujours de Brain Wilson et Jimmy Webb, puis Feels Like Home (1995). Dedicated To The One I Love (1996) est un album où elle réinterprète certains classiques du rock, comme « Be My Baby » ou même « We Will Rock You » à la manière de berceuses ou de comptines.

Dotée d'une oreille remarquable, Linda Ronstadt a produit dans les années 90 des albums pour David Lindley et Aaron Neville, réalisant en 1993 un projet qui lui tenait particulièrement à cœur : l'album de retour de Jimmy Webb, Suspending Disbelief, hélas soldé par un gros échec. Victime de photos un peu dénudées diffusées complaisamment par le magazine Rolling Stone dans les années 70, Linda Ronstadt a été vite jugée par les esprits superficiels. Elle est en réalité une des musiciennes populaires américaines les plus libres et indépendantes qui soient, ayant toujours décidé quoi chanter et comment le chanter. Linda Ronstadt a publié en 1998 un album marquant un retour inattendu au rock, We Ran, produit par Glyn Johns, un ancien collaborateur des Rolling Stones et de Led Zeppelin. Elle y reprend Bruce Springsteen, John Hiatt et Bob Dylan, accompagnée par les Heartbreakers de Tom Petty. Elle a retrouvé en 1999 Dolly Parton et Emmylou Harris pour Trio II. Toujours avec Emmylou Harris, elle a enregistré fin 1999 Western Wall : The Tucson Cessions, un album publié par Asylum.