Jackie DeShannon DeSHANNON, Jackie (Sharon Myers) : chanteuse et compositrice de pop américaine, 1961. Née le 21.10.1944 à Hazel (Kentucky).

Amie d'Eddie Cochran, première collaboratrice de Randy Newman, auteur de plus de 600 chansons (dont au moins une « Bette Davis Eyes » a fait le tour du monde), interprète exceptionnelle, cette musicienne californienne a souvent été ignorée de beaucoup d'histoire du rock. Son indépendance d'esprit en a fait une pionnière du féminisme.

La petite Sharon Myers vit une enfance idyllique dans une ferme du Kentucky, partagée entre le désir de devenir une musicienne et son goût pour les peintures sensuelles de Georgia O'Keefe. Mais une rencontre avec son idole Eddie Cochran la convainc de prendre le chemin de la Californie alors qu'elle n'a pas encore seize ans. Ses premières maquettes (et une poignée de simples pour le petit label Glenn) font assez d'impression sur Liberty pour que l'adolescente produise un premier album (Jackie DeShannon) qui, pour reprendre ses propres mots, « construirait un pont entre le folk (qu'elle avait découvert en écoutant Bob Dylan au Greenwich Village) et l'espèce de gospel que j'avais chanté jusqu'alors ». Autrement dit, un album folk-rock avant la lettre, quatre ans avant que les Byrds n'électrifient les chansons de Pete Seeger. Cette direction inhabituelle est encore plus évidente avec un deuxième LP, In The Wind, pour lequel DeShannon prend le chemin de Londres, s'assurant au passage la collaboration d'un tout jeune Jimmy Page pour un titre exceptionnel, « Don't Turn Your Back On Me », propulsé par un riff de guitare douze cordes typique de cette première période. Parallèlement à ses efforts en solitaire, elle fait la connaissance d'un jeune compositeur, Randy Newman, avec lequel elle écrit des dizaines de titres pour divers artistes de Liberty, ainsi que la majeure partie de son troisième album, Breakin' It Up. Le a également l'oreille assez fine pour s'attirer les services de l'un des meilleurs arrangeurs de l'époque ; Jack Nitzsche, avec qui elle grave deux titres qui vont enfin lui ouvrir les portes du succès. Le premier, « Needles And Pins » est dû à la plume de Sonny Bono, l'un des assistants de Phil Spector, et est ensuite repris par les Searchers avec un immense succès. Le second, « When You Walk In The Room », compos »é par ses soins, connaît la même réussite, devenant lui aussi un énorme tube pour les Searchers, ravis de mordre à pleines dents dans un riff de Rickenbacker douze cordes sur lequel Roger McGuinn devait bâtir sa carrière. 196 voit DeShannon accompagner les Beatles dans leur première tournée américaine et entamer une carrière d'actrice sans grande distinction dans des films comme Surf Party et Hide And Seek.

Côté musique, le temps est venu de prendre un nouveau virage. La voix rauque de Jackie DeShannon devait plus à Brenda Lee qu'au gospel de ses racines ; mais elle prouvera l'étendue de son registre lorsque Bacharach et David lui feront l'offrande de plusieurs de leurs plus belles chansons, dont le sublime « What The World Needs Now », de l'aveu de Bacharach, la plus belle interprétation de ses compositions. En mai 1965, ce titre impérissable donne à DeShannon son premier goût du Top

Elle e pouvait pourtant se contenter des chansons des autres. Elle retrouve le chemin du studio pour un album For You, qui, vingt ans avant que Linda Ronstadt ne travaille avec Gordon Jenkins l'associe à un orchestre symphonique pour un programme de standards de Broadway Un éclectisme admirable mais, qui, sans nul doute, explique pourquoi elle ne devint jamais tout fait la déesse pop qu'elle avait le potentiel de devenir En 1968, elle réalise l'une de ses ambitions les plus chères en enregistrant, avec l'aide du producteur Russ Titleman, un album d'auteur-compositeur intitulé Laurel Canyon, là aussi, avec bine des années d'avance sur Carole King, Carly Simon et autres superstars des années 70. Laurel Canyon, enrichi qu'il est par l'apport de musiciens comme Dr. John et Barry White, demeure le plus beau témoignage de l'été doré dans lequel la communauté musicale californienne vécut la fin des années 60. Un an plus tard, l'une de ses compositions les plus accrocheuses, « Put A Little Love In Your Heart » lui donnait son premier disque d'or, son dernier coup d'éclat avant de quitter Liberty pour Capitol, un passage concrétisé par un autre classique, l'album Songs (1972), enregistré à Memphis avec les accompagnateurs d'Elvis Presley. Trois ans plus tard, DeShannon enregistrait un titre qu'elle avait écrit avec Donna Weiss et dont Kim Carnes devait faire un tube planétaire au printemps 1981, « Bette Davis Eyes ». Depuis, DeShannon a pris une semi-retraite interrompue, à des intervalles de plus en plus longues, par des albums qui, s'ils n'égalent pas le sommet de Laurel Canyon, témoignent toujours d'une personnalité farouchement indépendante. Mariée au compositeur Randy Edelman, et forte des droits d'auteur considérables de ses titres les plus populaires, elle pet goûter à l'idylle californienne dans une magnifique propriété qui domine Los Angeles, la source de son inspiration.