The Shirelles SHIRELLES, The : groupe vocal féminin de doo-wop, rhythm'n' blues, soul et pop américain, 1957.

- Shirley Owens-Alston : chanteuse principale. Née le 10.06.1941 à Passaic (New Jersey).
- Beverly Lee : chanteuse. Née le 03.08.1941 à Passaic.
- Doris Coley-Kenner : chanteuse. Née le 02.08.1941 à Passaic.
- Addie « Micki » Harris : chanteuse. Née le 22.01.1940 à Passaic. Morte le 10.06.1982 à Los Angeles (Californie).

De tous les girl groups du début des années 60, aucun n'a connu le succès de ce quatuor de chanteuses noires du New Jersey, pas même les Shangri-Las. Entre pop et rhythm'n' blues, on peut aussi considérer les Shirelles ont annonce l'arrivée de la soul. Elle son servi de modèle aux groupes féminins dirigés par Phil Spector mais aussi aux Beatles.

Ces quatre camarades de classe du lycée de Passaic prennent l'habitude d'harmoniser dans les vestiaires de leur gymnase. Elles interprètent une de leurs propres compositions, « I Met Him On A Sunday » à l'occasion d'un concert de fin d'année et remportent un tel succès qu'une autres de leurs condisciples, Mary Jane Greenberg, les présente à sa mère Florence, qui dirige alors une minuscule maison de disques, Tiara. « I Met Him On A Sunday » sort en mars 1958 et, avec le soutien de Decca, qui en a acquis la distribution, perce le Top 50. Rebaptisées les Shirelles par Greenberg, les quatre adolescentes rejoignent alors le chitlin circuit, ce réseau d'anciens théâtres de vaudeville réservés au public noir, mais sans pouvoir capitaliser sur le succès d' « I Met Him On A Sunday ». Leurs 45 tours suivants pour Decca (« My Love Is A Charm ») et « I Got A Message ») ne rentrent même pas dans le Top 100, et les Shirelles doivent attendre que Florence Greenberg mette en place son propre label, Scepter, pour avoir une seconde chance.

Le cofondateur de Scepter est un guitariste-arrangeur-producteur nommé Luther Dixon qui, deux ans plus tôt (en 1958) a coécrit le « Sixteen Candles » pour les Crests ; c'est lui qui supervisera les enregistrements des Shirelles jusqu'à son départ pour Capitol en 1963. Après deux succès limités (« Dedicated The One I Love » et « Tonight's The Night ») et deux échecs, Dixon, trouve la formule idéale à la fin de l'été 1960 grâce à deux jeunes compositeurs du Brill Building, Carole King et Gerry Goffin, qui lui ont présenté une de leurs compositions, « Will You Still Love Me Tomorrow ? », écrite à l'origine pour le crooner Johnny Matis. Habillé d'un magnifique arrangement de cordes, « Will You Still Love Me Tomorrow ? » devient le premier 45 tours d'un girl group à pointer au sommet du hit-parade américian. L'un des plus grands classiques de la pop américaine de la décennie, « Will You Still Love Me Tomorrow ? » faillit bien ne jamais être enregistré par les Shirelles, qui jugeaient la chanson trop blanche pour leurs voix. Grâce à dieu, le point de vue de Dixon finit par l'emporter.

« Will You Still Love Me Tomorrow ? » ne devait pas seulement son extraordinaire puissance émotionnelle à la mélodie lumineuse de Carole King et aux paroles audacieuses (pour l'époque) de Gerry Goffin. Bien que loin d'être au point techniquement (de fausses notes en témoignent), les Shirelles ne perdirent jamais leur innocence de collégiennes, qui contrastait délicieusement avec l'ampleur des productions de Dixon. Dans ce titre, comme dans ces chefs-d'œuvre ultérieurs que sont « Baby It's You » et « It's Love That Really Counts », la voix d'Owens est souvent près de se briser, et les chœurs des autres Shirelles, aussi peu assurés soient-ils, respirent une sincérité que peu d'autres girl groups ont su égaler. D'octobre 1960 à décembre 1962, Dixon et ses Shirelles ont placé dix chansons dans le Top 40, une série d'autant plus exceptionnelle que le groupe n'a pas accès aux grands programmes télévisés du type « Ed Sullivan Show », alors réservés aux seuls artistes blancs. « Dedicated To The One I love » (ressorti en janvier 1961 et plus tard un énorme tube pour The Mamas And The Papas), « Mama Said » et « Soldier Boy » se classent dans le Top 5. Fait significatif, les Shirelles seront capables de modifier leur « son » sans que leur popularité en souffre ; une de leurs veines annonce que « les petite symphonies pour adolescent(e)s » de Spector : « « Will You Still Love Me Tomorrow ? » ou « A Thing From The Past » ; une autre les party songs chantées à l'unisson et avec claquements de mains comme « Big John » ; une autres enfin la sophistication des Compositions de Burt Bacharach et Hal David. L'élite des compositeurs new yorkais fait alors la queue pour offrir aux Shirelles ses meilleures chansons, que celles-ci auront parfois la mauvaise idée d'ignorer comme « The Shoop Shoop Song » (pour Bobby Everett en 1964) et « He's A Rebel » (pour Gene Pitney et les Crystals plus tard). Mais sans conséquences trop fâcheuses jusqu'à Dixon décide de faire bande à part et de partir pour la Californie au tout début de 1963.

Dans un premier temps, ce départ ne semble pas affecter la destinée des Shirelles, qui enchaînent avec un autre titre classé dans le Top 5, « Foolish Little Girl », une ravissante composition de Helen Miller et Howard Greenfield. Mais la force de Dixon a été de ne jamais se reposer sur ses lauriers, et d'imposer un rythme de production constant, en qualité comme en quantité. Privées de leur mentor, les Shirelles auront trop souvent recours à des chansons au pedigree plus douteux et, faute de munitions, la belle machine aura des ratés. Après « Don't Say Goodnight And Mean Goodbye », le puits à tubes s'assèche totalement, en dépit de quelques 45 tours superbes, mais trop isolés, comme « Sha La La  » et le tardif « Don't Go Home » en 1967. Scepter fera moins confiance aux Shirelles jusqu'en 1968, après quoi le trio va de label en label : Blue Rock, Bel, United Artists, RCA…jusqu'en 1973, date de son ultime 45 tours, « Touch The Wind ». Les Shirelles gravent au passage quelques chansons remarquables qui, hélas, n'obtiennent guère qu'un succès estime (« Look You've Done To My Heart », un mini-classique de Northern Soul en 1969). Shirley Owens-Alston enregistre un album solo en 1975, Shirley Alston With A Little Help From Her Friends avant de nouveau faire front commun avec les autres Shirelles, y compris Doris Jackson. Depuis cette date, de nombreuses incarnations plus ou moins complètes du groupe continuent de se produire sur le circuit nostalgie américain. Côté studio, c'est presque le désert : un ultime album, Let's Give Each Other Love pour RCA, en 1976, et une participation à l'album de Dionne Warwick, How Many Times Can We Say Goodbye, en 1983, un an après la mort de « Micki » Harris d'une crise cardiaque après un spectacle. Les Shirelles seront citées pour le Rock'n' Roll Hall of Fame en 1996.

Les chansons des Shirelles sont le plus souvent demeurées fidèles au style des compositeurs du Brill Building ; les voix, elles, ont toujours conservé le tranchant et la signature de leur origine noire ; et, en Shirley Owens-Alston, le quatuor disposait d'une soliste qui aurait pu devenir l'une des plus grandes chanteuse de soul des années 60. En quatre ans, les Shirelles ont bâti une discographie dont la qualité constante est unique dans l'histoire des girl groupes et dont l'influence s'est fait sentir bien au-delà de son impact commercial immédiat. Les Beatles n'ont jamais cessé de répéter combien, de tous les groupes américain de l'époque, les Shirelles étaient celui qui les avait le plus marqués au point de reprendre leur « Boys » et « Baby It's You » pour leur premier album. Et il ne fait aucun doute que leurs disques ont servi de point de comparaison à Phil Spector lorsqu'il entreprit de bâtir son « mur de son » avec les girl groups comme les Ronettes set les Crystals.