STILLS, Stephen : chanteur, guitariste et multi-instrumentiste de folk, country et rock américain, 1970. Né le 03.01.1945 à Dallas (Texas).
Après avoir été successivement le leader de Buffalo Springfield puis la figure principale de Crosby, Stills & Nash (avec et sans Neil Young) et du groupe Manassas il reste avant tout le compositeur de classiques du rock californien comme « For What's It's Worth », « Rock'n' Roll Woman », « Bluebird », « Suite : Judy Blue Eyes », « Love The One You're With » ou « Wooden Ships ». Passant avec une dextérité exceptionnelle du folk au blues, du rock à la country et au bluegrass, du gospel à la musique latine, il a contribué de manière décisive à l'histoire du rock américain en collaborant avec Jimi Hendrix, Jefferson Airplane, Neil Young, Al Kooper, Eric Clapton mais aussi avec les Bee Gees sans oublier sa femme Véronique Sanson.
Né dans une famille du sud des Etats-Unis, Stephen Stills est ballotté durant toute son enfance au gré des affectations de ses parents, passant du Texas à la Floride via l'Illinois, la Louisiane et l'Amérique centrale, Panama et le Costa Rica. Il considère néanmoins La Nouvelle-Orléans comme « chez lui », perce que, comme il le déclarera au journaliste Irwin Stambler, « au moins je peux me rappeler les noms de certaines des rues de là-bas ». Après avoir appris le piano, il se met à la batterie au cours de son passage à l'Académie militaire de Floride Amiral Farragut où il étudie les sciences politiques. A Gainesville, il se joint comme batteur à son premier groupe, les Radards, avant de passer à la guitare au sein des Continentals où il côtoie le futur guitariste des Eagles Don Felder. Après s'être fait renvoyer de plusieurs lycées, il se fixe à La Nouvelle-Orléans en mars 1964. Fou de Bob Dylan, il y forme un duo de folk avec Chris Sarns, avant de tenter sa chance à New York, à Greenwich Village, où il forme un nouveau duo avec le futur guitariste des Monkkes Peter Thorkelson, alias Peter Tork. Sans le sou, il se retrouve bientôt membre des Au Go-Go Singers, une chorale de folk de neuf membres, où il fait la connaissance de Richie Furay. La formation enregistre un album, They Call Us Au Go-Go Singers, où Stills chante de sa voix rauque « High Flying Bird » et « Miss Nellie », révélant dans le break de « Lonesome Traveller » qu'il est déjà un guitariste de qualité.
Au cours d'une tournée de The Company, un avatar des Au Go-Go Singers, il fait la connaissance de Neil Young dans un club de Fort Williams, dans l'Ontario. Ils ne vont pas immédiatement s'allier, mais savent déjà combien ils sont complémentaires. « Il ne jouait encore que d'une grosse Guild rouge acoustique, se souviendra le canadien, mais sa voix était déjà phénoménale. » En août 1965, Stills débarque à Los Angeles, suivant la migration de bon nombre de chanteurs de folk new yorkais cet été-là, attirés par le succès des Byrds. Là-bas, il forme bientôt Buffalo Springfield avec Richie Furay et Neil Young, écrivant avec eux une des pages les plus importantes de l'histoire du rock californien et de la musique des années 60 en général. Il signe le classique « For What It's Worth » et des chefs d'œuvre comme « Rock'n' Roll Woman », « Bluebird » et « Four Days Gone », ainsi qu'un tube pour les Mojo Men, « Sit Down, I Think I love You ».
Dès le début de l'année 1968 qui voit les derniers soubresauts de Buffalo Springfield, Stephen Stills improvise avec tous les musiciens qu'il admire, souvent noirs, comme Jimi Hendrix et Buddy Miles. Il brille à la guitare sur une face entière de Super Session , l'album d'Al Kooper dont il partage les honneurs avec Mike Bloomfield, se montrant particulièrement convaincant à la pédale wah-wah pour le « Season Of The Witch » de Donovan. Début mai 1968, après avoir tenté de monter une formation avec le batteur Dallas Taylor, il est sollicité par David Crosby pour jouer dans « Night In The City » à l'occasion du premier album de Joni Mitchell, comme il le fait alors aussi pour Joan Baez, Judy Collins et les Monkees. Il devient le leader musical, le producteur et l'homme à tout faire de Crosby, Stills & Nash : pour le premier album du trio, il est présent à la guitare, à la basse, à l'orgue et au piano, signant quelques-unes des plus belles interprétations du genre, vocales ou instrumentales. A la guitare sèche, il se révèle un virtuose ; à l'électrique, il montre une délicatesse et une fluidité inégalées. Aussitôt après le triomphe de Crosby, Stills & Nash (1968), il recrute une section rythmique pour renforcer le trio, et fait venir Neil Young sur scène, puis en studio. C'est lui qui signe et chante « Suite : Judy Blue Eyes », « Helplessly Hoping », « You Don't Have To Cry », « Wooden Ships » avec David Crosby et Paul Kantner de Jefferson Airplane, puis « Find The Cost Of Freedom », « Carry on », « 4 + 20 » et le « Woodstock » de Joni Mitchell, pour ne citer que les classiques.
Dès février 1970, Stephen Stills achète le manoir de Ringo Starr dans le Surrey, où il prépare entre deux tournées, son premier album solo. Il participe alors aux enregistrements du même Ringo Starr (« It Don't Come Easy ») et d'Eric Clapton (« Let I train »), ces derniers apparaissant à leur tour son album solo, tout comme John Sebastian et Jimi Hendrix, qui mourra quelques mois plus tard, laissant sans suite le possibilité d'un album commun. Stephen Stills, qui paraît en novembre 1970, impressionne beaucoup. L'album contient un hymne, « Love To The One You're With », ainsi qu'un tour de force à la guitare avec Clapton, « Go Back Home » et un blues acoustique qui a la force d'une hallucination, « Black Queen ». Combinat de ballades, gospel et blues-rock, cet album est un sommet qui impose définitivement Stephen Stills comme l'un des plus grands talents de sa génération. C'est alors que Rita Coolidge, qui avait remplacé dans sa vie Judy Collins, le quitte pour Graham Nash, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la carrière de Crosby, Stills, Nash (& Young). Après avoir participé à deux disques clés de l'époque (le 45 tours « Ain't No Sunshine » de Bill Withers et Blue de Joni Mitchell), il enchaîne aussitôt avec Stills 2 en juin 1971, montant une tournée en compagnie des Memphis Horns, omniprésents dans cet album quelque peu décevant, dont on retiendra surtout un tube, « Change Partners ».
En novembre 1971, Stills a déjà formé son prochain groupe, Manassas, en compagnie de Chris Hillman, l'ancien musicien des Byrds et des Flying Burrito Brothers, du batteur Dallas Taylor et du bassiste Calvin Samuels, du pianiste Paul Harris, du joueur de pedal steel guitar Al Perkins et du percussionniste Joe Lala. Tous ces musiciens enregistrent un remarquable double album début 1972 dans le manoir du Surrey Divisé en quatre faces bien distinctes, Manassas (1972) est un tour de force, qui voit « Captain Manyhands » (surnom de Stephen Stills) s'attaquer à tous les styles, à la tête d'une formation virtuose qui épouse chacune de ses aventures : « It's Doesn't Matter », coécrite avec Hillman, « Bound To Fall », « Bluesman » (dédiée à trois morts, Jimi Hendrix, Al Wilson de Canned Heat et Duane Allman), « Johnny's Garden » figurent parmi ses plus belles réussites, tout comme le puissant « The Treasure » et l'enlevé « Fallen Eagle ». Tous ceux qui ont alors la chance de voir Manassas sur scène à l'Olympia, s'en souviennent avec émotion. Le groupe, sorte de bible du rock californien à lui tout seul, ajoute à son propre répertoire celui des Byrds, de Buffalo Springfield, de Crosby, Stills & Nash et des Flying Burrito Brothers.
Lors de ce passage à Paris, Stephen Stills rencontre pour la première fois Véronique Sanson à la sortie du bureau de Bernard De Bosson, président de WEA. Quelques mois plus tard, ils se marient. Stills est à nouveau sur la scène de l'Olympia, jouant à la basse pour « On m'attend là-bas », avant la naissance de leur fils Christopher. Le second album de Manassas, Down The Road (1974), sera, hélas, manqué : Ahmet Ertegun, le patron d'Atlantic, en a retiré tous les morceaux qui ne sont pas de Stills. Le groupe se sépare début 1974, laissant la place à la reformation de Crosby, Stills, Nash & Young pour une tournée qui connaîtra un succès phénoménal, ne laissant d'autre trace discographique qu'une multitude de disques pirates. Cette réunion fera pour tant pas long feu, vu l'incapacité des musiciens à s'entendre. En proie à de sérieux démêlés avec l'alcool, Stills n'en poursuit pas moins les tournées, publiant en juin 1975 un album de bonne qualité, Stills, dont le sommet est l'excellent « Cold Cold World ». Il vient de singer avec Columbia et, parallèlement, de rejoindre le parti démocrate. Il entame une nouvelle collaboration avec Neil Young, qui, après un nouveau raté de Crosby, Stills, Nash &Young, se terminera par le fiasco de la tournée avortée et d'un album décevant attribué au Stills-Young Band, Long May You Run (1976), qui suit le fiable Illegal Stills (1976).
Cette période marque le début du déclin pour ce musicien exceptionnel. Stephen Stills se reprendra le temps d'un excellent album de retour de Crosby, Stills, Nash, CSN (1977), pour lequel il reprend le rôle de directeur musical et signe notamment le très beau « See The Changes ». Fin 1978, après l'échec d'une nouvelle tentative du trio en studio, Stills publie l'indigent Thoroughfare Gap, qui, par ses penchants disco, reste un objet d'opprobre pour ses fans. Dès lors, malgré des concerts où, les bons soirs, le musicien recouvre la totalité de ses talents, la carrière de Stephen Stills épousera presque complètement celle de Crosby, Stills & Nash, pour lesquels il écrit encore plusieurs succès, comme l'excellent « Southern Cross » en 1982 ou « Dark Star » et « War Games » que Ronald Reagan en personne, choqué, fera d'ailleurs retirer du générique du film du même nom. Dépendant de la cocaïne et toujours aussi porté sur la bouteille, Stills, qui ne publie que l'album Right By You (1984), va vivre une véritable déchéance à la fin des années 80, devenant presque bouffi et invalide que son partenaire David Crosby. Le 5 décembre 1987, il se remarie avec le mannequin Pamela Jordan, et ne publiera plus en solo que le discret Stills Alone, en 1991. Il faudra attendre 1998 pour le revoir autrement qu'entre ses deux compères, ressuscité par les rappeurs de Public Enemy qui font appel à lui pour leur version de « For What It's Worth », un titre relancé par sa présence dans la BO de Forrest Gump. Le fils qu'il a eu avec Véronique Sanson, Christopher Stills, a publié son premier album solo en 1998.
Si Stephen Stills avait par malheur disparu au début des années 70, on le révérait sans doute aujourd'hui comme son idole et ami Jimi Hendrix. A ce moment-là, le guitariste blond apparaissait comme l'un des musiciens les plus accomplis de sa génération, aux côtés de Paul McCartney, Steve Winwood et Stevie Wonder. Capable de rivaliser, seul au piano ou à la guitare sèche, avec n'importe quel autre auteur-compositeur de sa génération, il peut aussi, penché sur le manche de sa guitare électrique, être comparé aux guitaristes les plus incisifs du rock.