ZEVON, Warren : chanteur, pianiste, guitariste et compositeur de country-rock américain, 1969. Né le 24.01.1947 à Chicago (Illinois). Mort le 07.09.2003 à Los Angeles (Californie).
Révélé en 1976 avec un excellent album solo à la tonalité sarcastique, ce musicien fut la coqueluche de Los Angeles. Il connut un grand succès pendant quelques années, avant de disparaître des feux de l'actualité sous l'action conjuguée de l'alcool, de la cocaïne et, peut-être, d'une trop grande sincérité, malgré le soutien que lui ont témoigné Bob Dylan, son Jackson Browne, Neil Young et REM.
A treize ans, ce phénomène multi-instrumentiste, issu de parents russes immigrés en Arizona puis en Californie, étudie la musique sérielle, se passionne pour Webern et rencontre même Stravinski. Chef d'orchestre converti par l'exemple de Bob Dylan à l'écriture de chansons au milieu des années 60, il compose des musiques de feuilletons télévisés, puis place se premiers morceaux auprès de Nino Tempo et d'Aprilo Stevens, ainsi que des Turtles, qui reprennent son « Like The Seasons » en face B de leur tube « Happy Together ». Il passe à la confection de jingles publicitaires pour Chevrolet et Gallo Wine, avant de devenir directeur musical des Everly Brothers, en souvenir desquels il écrira « Frank And Jesse James ». En leur compagnie il se forge cette réputation d'alcoolique extrémiste digne de Keith Moon des Who qui lui colle à la peau, et qu'il relate lui-même dans une sorte d'hymne à la drogue intitulé « I'll Sleep When I'm Dead ». Il place alors « She Quit Me » dans la bande originale de Macadam Cow Boy, et enregistre en 1969 pour Imperial un premier album inattendu, inspiré par Jimi Hendrix, où il se prend pour un guitar hero : Wanted – Dead Or Alive, produit par Kim Fowley.
Sa rencontre avec Jackson Browne s'avère déterminante. Ce dernier devient son meilleur ami et mentor, et l'impose à David Geffen, alors que Warren Zevon s'est déjà reconverti comme barman en Espagne, sur la Costa Brava. Son premier album éponyme pour Asylum, produit par Browne, l'impose en 1976 auprès de la critique, qui crie au génie. Accompagné par l'élite du rock californien (Carl Wilson des Beach Boys, Lindsey Buckingham et Stevie Nicks de Fleetwood Mac, Bonnie Raitt, Phil Everly), Zevon combine un regard ironique et désespéré sur le mode de vie californien (« Desperadoes Under The Eaves », « The French Inhaler », « Carmelita ») digne d'un Ray Davies (Kinks), avec des ballades bouleversantes qui rivalisent avec celles de Jackson Browne lui-même et de Joni Mitchell. Linda Ronsdatd lui apporte aussitôt notoriété et prospérité en faisant un tube de « Poor, Poor, Pitful Me », et en enregistrant également, au plus fort de sa popularité, « Mohammed's Radio », « Carmelita » et « Hasten Down The Wind ». L'album suivant de Warren Zevon, Excitable Boy , en 1978, l'impose véritablement auprès du public, notamment grâce à « Wereloves Of London », que reprendra le Grateful Dead sur scène.
En s'intéressant à l'histoire et à la politique des Etats-Unis et au-delà, Warren Zevon crée dans des titres comme « Roland The Headless Thompson Gunner » et « Vera Cruz » un style de chanson proche du roman noir. Le tout aussi excellent Bad Luck Streak In Dancing School (1980), pour lequel il compose « Jeannie Needs A Shooter », en compagnie d'un de ses admirateurs, Bruce Springsteen, fait définitivement de Warren Zevon le héros hollywoodien d'une chanson qu'on pourrait qualifier de « noire ». Le comédien et cinéaste Clint Eastwood, l'acteur Richard Gere et le journaliste et écrivain Hunter S. Thompson chantent ses louanges : Zevon semble alors parti pour devenir un des grands auteurs-compositeurs de la décennie. Ce ne sera pourtant pas le cas : sa tournée en 1980 à la suite de l'album Stand In The Fire, où il se fait accompagner d'un groupe punk, prend ses fans à rebrousse-poil. Après la sortie ignorée de The Envoy , en 1982, il se retrouve en proie à la dépression, dans sa variante typiquement hollywoodienne, entraînant son cortège de vodka, Valium et drogues, suivie d'une longue cure de désintoxication et d'une psychanalyse.
Warren Zevon passera cinq longues années à émerger. Sentimental Hyguene révèle que Zevon n'a rien perdu de sa verve ni de sa réputation. REM l'accompagne dans la moitié de l'album : Neil Young est à la guitare solo, Bob Dylan à l'harmonica, différents membres de l'E Street Band de Bruce Springsteen et des Heartbreakers de Tom Petty complètent l'orchestre ; même Flea de Red Hot Chili Peppers et George Clinton apparaissent. Et les chansons ont toujours le même punch : « Boom-Boom Mancini », « Detox Mansion », « Bad Karma ». Le succès critique est là, mais le public ne réagit guère. Même constat pour Transverse City (1989), un disque inférieur malgré les présence de David Gilmour de Pink Floyd, des musiciens de Little Feat, de Neil Young encore. En 1990, Warren Zevon for me pour s'amuser les Hindu Love Gods avec Peter Buck, Mike Mills et Billy Berry de REM : ce projet enthousiasme tant les protagonistes que leurs reprises pour rire en répétition deviendront un album, et leur version de « Raspberry Beret », un objet de culte.
Ses albums des années 90 (Learning To Flinch en 1993 et Mutineer en 1995) avaient trouvé une audience discrète, toujours fidèle à se histoires de baroudeurs et de cœurs brisés qui continuaient de séduire nombre de scénaristes, réalisateurs et romanciers qui ne manquaient jamais une occasion de mentionner ses chansons dans leurs pages, ou de les placer dans leurs films. La disproportion qui existait entre sa réputation, immense, auprès de ses pairs ainsi que de la critique, et l'ignorance du grand public peuvent rapprocher son cas de celui d'un Elvis Costello. Se sachant par une forme de cancer incurable, il décida d'enregistrer un dernier opus, le magnifique « The Wind » où Bruce Springsteen a entre autres participé. Il est mort à l'âge 59 ans.