MOTOWN : compagnie de disques américaine, 1959, née à Detroit (Michigan).
Le nom de cette maison de disques, abréviation de Motor Town, c'est-à-dire Detroit ‘Michigan), « ville de moteur », est inséparable d'une forme de musique noire commerciale, mélange de pop et de rhythm'n' blues, qui a dominé les années 60, inspirant fortement les Beatles, les Rolling Stones et bien d'autres. Entièrement gérée par des noirs, elle a révélé Stevie Wonder, Marvin Gaye, Diana Ross, Smokey Robinson, les Four Tops, les Temptations et (le petit) Michael Jackson.
Ancien ouvrier des usines Chrysler et passionné de musique, Berry Gordy Jr., passe son temps libre à écrire des chansons. Il a vite la chance de voir plusieurs d'entre elles, notamment les classiques « Reet Petite » et « Lonely Teardrops », interprétés par Jackie Wilson. Avec l'argent ainsi gagné et 700 dollars empruntés à sa sœur, il fonde en 1959 le label Gordy, puis Tamla et Motown. Quelques années plus tard, il sera à la tête de la plus grande maison de disques indépendante des Etats-Unis.
Sorti chez Tamla en 1959, le désormais classique « Money » de Barrett Strong atteint le n°23 des classements pop, mais surtout le n°2 rhythm'n' blues ; malheureusement, dépassé par ce succès, Gordy a dû concéder les droits de ce disque à Anna, le label de sa sœur. Le premier simple sorti sous l'étiquette Motown est « My Beloved » des Satintones, paru en juin 1960. Cet enregistrement considéré aujourd'hui comme historique passe alors largement inaperçu. Six mois plus tard paraît chez Tamla « Shop Around » des Miracles de Smokey Robinson, n° 2 au Top 100, et accroché huit semaines durant au n° 1 des classements rhythm'n' blues. Publié le même mois, « Bye Bye baby » donne parallèlement à Motown son premier succès. Enfin, sorti chez Tamla au mois d'août 1961, « Please Mr. Postman » des Marvelettes offre à la firme de Gordy son premier n° 1 pop. Dès lors, la machine est lancée, et Tamla Motown va devenir une extraordinaire usine à tubes, gardant la tête haute devant les Beatles eux-mêmes, les Supremes de Diana Ross ayant été le deuxième groupe après des derniers en terme d'occupation des classements des meilleures ventes tout au long des années 60, devançant les Four Seasons, les Beach Boys et les Rolling Stones. Ce qui permet à Motown d'afficher fièrement sur la devanture de son immeuble du 2648 West Grand Boulevard « Hitsville USA » et d'imprimer sur les pochettes « The Sound Of Young America ».
On notera d'ailleurs que les groupes de la British invasion ont pour la plupart repris des titres d'artistes de la Tamla Motown , à commencer justement par les Beatles qui proposaient leurs propres versions de « Money » et de « Please Mr. Postman », ainsi que de « You've Really Got A Hold On Me » des Miracles dans leur deuxième album : de fait, les groupes britanniques de cette génération ont une très lourde dette envers Motown, qui les a aidés à sortir du carcan que représentait pour eux l'héritage du rock'n' roll des années 50. Inversement, leur caution permettra à Motown de mieux se faire connaître en Grande-Bretagne et dans le reste du monde. En grande partie parce que les différents artistes de la compagnie bénéficient des mêmes auteurs-compositeurs (les plus prestigieux étant Smokey Robinson et le trio Holland-Dozier-Holland), des mêmes producteurs et des mêmes musiciens, il y a dès les origines un son Tamla Motown spécifique, immédiatement reconnaissable. L'importance de la mélodie, que l'on avait envie de fredonner dès le premier couplet, les claquement de mains, la tonalité très gospel du chant avec le dialogue caractéristique entre la première voix et le chœur, sans oublier un emploi particulier des cuivres et des cordes, voilà autant d'éléments qui permettent d'identifier tel morceau entendu à la radio comme le dernier disque Motown. Bien entendu, la production efficace et sophistiques de tous ces disques, la recherche de l'effet instantané, l'évidente conception de chaque titre comme un tube radio potentiel font relever le son Tamla aussi bien de la pop que du rhythym'n' blues. De fait, on peut y voir un exemple particulièrement réussi de crossover, c'est-à-dire d'ouverture à tous les publics d'une musique originellement destinée à un marché minoritaire.
Outre les artistes déjà cités, il faut encore mentionner, parmi ceux qui ont fait les grandes heures de Motown, Martha And The Vandellas, les Contours, Gladys Knight & The Pips, Mary Wells, les Temptations, les Four Tops, Junior Walker And The All-Stars, Stevie Wonder, Ashford & Simpson, Edwin Start et, sans doute le plus grand d'entre tous, Marvin Gaye. Au début des années 70, alors que la carrière de certaines des valeurs les plus sûres de son écurie s'essouffle, Motown parvient à conserver son rang grâce au succès phénoménal des Jackson Five, puis du plus jeune d'entre eux, Michael Jackson. Il est regrettable évidemment que la compagnie n'ait pas pu garder ce dernier sous contrat dans les années 80. On peut dire qu'à quelques timides tentatives près (Chris Clark, Kiki Dee, Teena Marie) Motown, pour préserver son identité, a finalement opté pour un catalogue exclusivement constitué d'artistes noirs ; elle a même publié sur disque certains discours de Martin Luther King.
Dès 1971, Motown ne fut plus Motown. La firme perdit tour à tour Stevie Wonder et Marvin Gaye et quitta Detroit pour Los Angeles, où son identité se dilua rapidement. A partir du milieu des années 70, Motown n'a assurément plus la même stature que par le passé : à leur tour, Martha Reeves, Gladys Knight, les Jackson Five et les Four Tops sont partis. Si les ventes sont plus que satisfaisantes, ses nouvelles signatures (les Commodores Thelma Houston…) ne peuvent rivaliser en prestige avec les vedettes de la génération précédente. L'originalité et l'unité stylistique de ses productions se sont perdues, et la compagnie Tamla Motown est devenue un label de musique noire parmi les autres, juste un peu plus important. Une aura de légende en nimbe cependant toujours le nom, et la fidélité de certains artistes (Smokey Robinson, Stevie Wonder…) lui permet de garder encore aujourd'hui le contact avec son glorieux passé. Le souvenir de Motown sera également assombri par les procès qui opposèrent Gordy, particulièrement gourmand pour s'attribuer les droits d'édition de chansons qu'il n'avait pas écrite, à plusieurs de ses artistes, dont, en particulier, Marvin Gaye.
On ne saurait se dispenser des compilations des Supremes, des Four Tops ou des miracles, non plus que des disques les plus importants de Stevie Wonder ou de Marvin Gaye, mais si l'on veut disposer d'un éventail de la production de Motown qui n'omette pas les succès de certains dont la carrière fut moins consistante, comme Barrett Strong ou Jimmy Ruffin, on pourra se procurer The Motown's 20th Anniversary Album, Hitsville USA : The Motown Singles Collection 1959-1971 ou The Motown Ultimate Hits Collection.