POP : genre musical apparu dans les années 50 aux Etats-Unis.

Simple abréviation de « popular music », le terme « pop a souvent été employé à tort et à travers. C'est particulièrement vrai en France, où, pendant presque une décennie (à la fin des années 60 au milieu des années 70), toute espèce de musique rock a été affublée de l'étiquette générique « pop music ». Les anglo-saxons, eux, n'ont jamais cessé d'opposer rock et pop. Pour eux, Frank Sinatra, les Beatles ou Prince sont des chanteurs et artistes pop, tout simplement parce que leurs chansons, populaires, se sont adressés à tous, tandis que le rock suppose un style et une instrumentation particuliers. A partir du moment où, suivant l'évolution des Beatles, le rock'n' roll, mêlé à des influences mélodiques pus anciennes et d'autres courants contemporains, est devenu une nouvelle forme de musique populaire, ils se sont inextricablement mêlés l'un à l'autre ; cela n'empêche que le rock et la pop restent conçus chez eux comme deux pôles opposés ou deux ingrédients bien distincts que l'on peut marier comme en cuisine ou mélange le salé et le sucré.

S'il faut trouver un point commun à toutes les musiques pop, c'est leur caractère délibérément accessible. La pop vise une audience de masse et, pou y parvenir, multiplie les effets qui lui permettent d'accrocher immédiatement l'oreille de l'auditeur (et, autant que possible de rester dans sa mémoire) : un même riff de guitare, de cuivres ou de claviers qui se fait entendre une dizaine de fois, une pulsation régulière, deux mélodies (celle du couplet et celle du refrain) qui se succèdent pendant quelques trois minutes, une production soignée, une trouvaille musicale (un gimmick) qui attire éventuellement l'attention en créant un effet de surprise. De tous ces éléments, celui qui prédomine est assurément la mélodie. Par opposition, l'énergie, la spontanéité, l'esprit de contestation, le refus de concessions au grand public sont « rock » ; l'harmonie, le raffinement, la frivolité, l'art de toucher au cœur par des airs que chacun peut fredonner dans la rue sont « pop ». Entre Mudhoney et Abba, le spectre est large, et il va de soi que le monde regorge de groupes qui sont alternativement ou simultanément rock et pop.

Les origines de la pop remontent aussi loi que la mémoire des peuples : les mélodies folkloriques, et tout spécialement les ballades irlandaises, en sont les racines les plus profondes. Le gospel, la country et les lieder des compositeurs classiques seront d'autres sources d'inspiration pour les principaux pourvoyeurs en mélodies d'avant-guerre, comme Cole Porter et George Gershwin, avec lesquels la notion de popular music prendra tout son sens ; leur époque est en effet celle où s'impose le format du single, qui permet à la musique de devenir réellement populaire (et qui en outre impose la règle impérative de tout dire en moins de trois minutes). Dans les années 50, la fusion entre ses « formes brèves » que sont la chanson sentimentale et le rhythm'n' blues telle que la réalisent les Platters ou les Drifters (ou, de leur côté, des artistes blancs comme Pat Boone et les Teen Idols) produira la pop que nous connaissons encore de nos jours : en quelques mots, la rencontre heureuse de la tradition mélodique européenne et du rythme qui caractérise la musique noire américaine.

Il faudra cependant attendre la décennie suivante pour que la pop music arrive à maturité. Après les pionniers qu'ont été les compositeurs arrangeurs-producteurs Leiber & Stoller, la firme Tamla Motown jouera alors un rôle essentiel et les refrains des Supremes ou des Four Tops obséderont des millions d'esprits. Dans le même temps avec les Ronettes ou les Crystals, Phil Spector poussera le genre jusqu'à ses dernières limites, éloborant un son d'une profondeur de cathédrale pour habiller des mélodies simples, mais d'une efficacité sans recours. Spector servira d'ailleurs de modèle aux deux groupes qui demeureront pour la postérité les références absolues en matière de pop, les Beatles et les Beach Boys. Les premiers donneront à ce genre mineur et en quelque sorte roturier qu'est la pop ses lettres de noblesse avec Rubber Soul (1965), Revolver (1966) et Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967), trois albums où, s'éloignant de plus en plus du rock et du meyserbeat, ils pousseront toujours plus loin la précision des harmonies et la sophistication des arrangements, puisés à des sources de plus en plus variées, de la musique indienne à la musique contemporaine en passant par le baroque, tout en développant un talent mélodique sans égal. Les Beach Boys produiront leur plus belle œuvre avec Pet Sounds (1966), qui se veut une réplique à Rubber Soul et que Paul McCartney, expert en la matière, considère encore comme le meilleur album pop de tous les temps. Innombrables seront les groupes britanniques (les Searchers, les Holliers, les Zombies…) ou américians (les Byrds, les Beau Brummels, The Mamas And The Papas…) qui marcheront sur les traces de ces deux géants, tentant d'apporter quelque chose de nouveau et singulier.

A partir de 1968, le terme « pop » prendra, partout ailleurs qu'en France, une connotation péjorative et désignera une musique facile laissée aux tenagers par opposition à la musique progressive ou heavy metal, qui ont alors la faveur d'un public de lycéens et de jeunes adultes ; Elton John ou Cat Stevens sont tolérés, à l'extrême rigueur. On notera que c'est dans ce contexte défavorable que sortiront certains des disques pop les plus dignes d'intérêt, ceux de T. Rex, Badfinger, Big ou des Raspberries.

Le mouvement punk, antipop par essence, provoquera paradoxalement une renaissance du genre : en réhabilitant la chanson de trois minutes et en revenant à une exigence d'efficacité immédiate, les punks décomplexeront une nouvelle génération de mélodistes, qui, collectivement, inventeront une forme régénérée de pop music, la powerpop, dont les meilleurs représentant ont été les Shoes ou les Plimsouls. Quelques années plus tard, les ondes seront submergées de pop synthétique britannique, la techno-pop (ou synth-pop ou electropop) dont les figures de proue seront Depeche Mode, Duran Duran, Orchestral Manœuvres In The Dark, Soft Celle (Marc Almond) et Eurythmics. Au milieu des années 80, les Etats-Unis riposteront avec la jungle pop, qui reviendra aux guitares carillonnantes à la Byrds et se souviendra des années 60 (Bangles, REM…) ; cette vague avait été anticipée au début de la décennie par le succès des Go-Go's. Dans les années 90, la pop reviendra dans une large mesure une spécialité britannique : juste après l'assaut de la vague grunge américiane, la patrie des Beatles se voudra la terre d'élection d'un rock mélodieux et racé, baptisé cette fois Britpop, reposant en réalité sur une grande vague de nostalgie, dont Oasis, Blur et l'excellent Supergrass ont été les apports les plus marquants.

Le plus intéressant, en définitive, dans le courant pop né de la révolution psychédélique de la fin des années 60, est son aspect expérimental et aventureux, où l'apport des hallucinogènes psychotropes n'est pas à négliger. Même s'il fut, à ce point de vue, sobre (encore que l'alcool n'ait pas été à négliger), le groupe pop le plus remarquable que la Grande-Bretagne ait porté reste les Kinks (ce qui ne l'empêche pas d'avoir été parallèlement, comme les Who, un remarquable groupe de rock) : combinant la tradition du music-hall, un art du commentaire social et une grande élégance dans le choix des mélodies et sonorités, les Kinks ont su comme personne donner une voix personnelle et inimitable à une musique destinée au plus grand nombre. Tous les groupes d'alors, mêmes les plus purement rock comme les Rolling Stones (avec « She's A Rainbow »), ont apporté leur pierre à l'édifice pop. Cette période fut pourtant de courte durée car, dès la fin des années 60, la musique se devait d'être sérieuse et anti-commerciale, sur le modèle du jazz, avec les genres émergeant du blues-rock, de la musique progressive, du hard rock, du country-rock et du folk-rock qui allaient dominer la première moitié des années 70. La pop inventive de la période psychédélique allait dégénérer en une forme infantile et régressive.

La pop à la fois universelle et intensément créative à ses grands inventeurs, intouchables : Beatles, bien entendu, et Beach Boys, mais, à égalité souvent, les Zombies, les américains de The Left Banke et de Big Star. Et comment négliger The Lovin Spoonful, The Association, The Fifth Dimension, Nilsson et tant d'autres dont la découverte est une source d'émerveillement toujours renouvelée. Paradoxalement, la révolution du punk rock en 1977, apportant la new wave dans son sillage, a permis à de jeunes musiciens de renouer avec cette tradition, mêlant expérimentation, mélodie et art des arrangements poétiques : Elvis Costello, XTC, Prefab Sprout, Crowded House, les Nits aux Pays-Bas, et bien d'autres encore.