LA SOUL : genre musical apparu dans les années 50 aux Etats-Unis.

La musique de l'âme désigne aux Etats-Unis un style exclusif de la musique noire diffusée commercialement dès le début des années 60. Même si Ray Charles et Sam Cooke sont les premiers chanteurs noirs à qui ce terme fut réservé, la musique soul en est vite venue à désigner un genre à part entière, universellement répandu, grâce au succès de James Brown puis des productions de Tamla Motown réalisés à Detroit (Michigan) avec Marvin Gaye, Smokey Robinson, les Temptations et bien d'autres, et des studios Stax de Memphis, avec Otis Redding, Aretha Franklin, Sam & Dave, etc.

On peut considérer dans une assez large mesure la musique soul à ses origines comme une sécularisation du gospel, ou tout au moins un retour au rhythm'n' blues aux sources de la musique d'église dont il était en partie issu. Les notices consacrées dans ce site aux artistes noirs ne manquent pas de souligner qu'ils ont pour la plupart appris à chanter à l'église, dans le style particulier des spirituals noirs des cultes apostoliques, baptistes... Le terme même de soul indique cette filiation : c'est l'âme même de l'interprète qui s'exprime à travers sa voix et, au-delà de la simple expressivité, on y retrouve une part de l'émotion sacrée et de l'illumination intérieure du gospel, accommodées généralement à des thèmes profanes, et en particulier à l'amour charnel. Ajoutons que la soul a de tout temps signifié, dans l'argot des noirs américains, "sincérité" et "authenticité".


De la musique soul ainsi définie, on trouverait sans peine quantité d'illustrations remontant aussi loin que les années 20. Par commodité, on considère que ce genre émerge et gagne une identité propre au cours des années 50. Le terme de "r'n'b" ou rhythm'n' blues relègue souvent le rock'n' roll interprété par les noirs au rayon rhythm'n' blues, une forme de ségrégation qui contribue à créer une étiquette nouvelle pour la musique pop noire américaine. Le rôle de Ray Charles est alors déterminant, ses ballades plaintives pouvant assez généralement passer pour du pur gospel dont on aurait effacé le message spirituel, mais non la ferveur. Le terme soul apparaît dans le titre de deux de ses albums de 1961. Sam Cooke, lui aussi, doit être considéré comme un des grands pionniers du genre. Quant à James Brown, il sera considéré comme le "Godfather of Soul" un de ses multiples surnoms ronflants, comme "Soul Brother n°1".

Dans les années 60, la soul explose avec une pléiade d'artistes qui restent pour beaucoup des jalons dans l'histoire de la musique populaire américaine, et en tout premier lieu Otis Redding dont l'oeuvre entière peut être considérée comme le plus imposant monument du genre, et qui aura entre autres mérites celui d'achever la conversion d'un public européen qui, jusqu-là, n'était pas vraiment familiarisé qu'avec la musique de Ray Charles. Il est au centre d'une galaxie dont les plus brillantes étoiles se nomment William Bell, Ben E. King, Solomon Burke, Wilson Pickett, Carla Thomas, Sam & Dave, Joe Tex, Eddie Floyd, Arthur Conley, Percy Sledge et bien sûr l'immense Aretha Franklin. Pendant cet âge d'or, la soul se développe et se diversifie en proposant des morceaux plus cuivrés et au rythme plus soutenu, qui en deviendront bientôt une marque caractéristique ; James Brown en particulier fera beaucoup en ce sens en y incorporant des rythmes plus percussifs, avec ce qu'on appellera le funk. Ainsi, en 1966-1967, l'hymne "Sweet Soul Music" d'Arthur Conley, "Soul Man" de Sam & Dave et, dans une moindre mesure, "What Is Soul" de Ben E. King, conduisent à identifier la soul à une forme de rhythm'n' blues portée par de puissants riffs de cuivres, et l'énergie prime alors dans l'esprit du public sur le recueillement et le dolorisme des ballades de Ray Charles ou d'Otis Redding.

Par ailleurs, la firme Tamla Motown a, dès ses débuts, orienté la soul vers une formule plus pop et plus dansante, magnifiquement servie par les Miracles de Smokey Robinson, Marvin Gaye, Stevie Wonder, les Supremes, les Temptations ou les Four Tops et, accusée de dénaturer le genre pour certains puristes, elle le conduira en fait à réaliser la première l'indispensable crossover qui ouvre très largement au public blanc une musique noire qui jusque-là était dans une large mesure considérée comme réservée uniquement au réseau des salles de concerts, radios et magasins quasi exclusivement fréquentés par les noirs. A partir du moment où un artiste noir, comme Stevie Wonder, est entièrement adopté par les blancs, on aura tendance à ne plus parler de soul, mais de pop. On notera que l'on fait aux Etats-Unis une distinction entre la Southern Soul dont le berceau est Memphis, avec Otis Redding, Sam & Dave et les autres artistes de l'écurie Stax-Volt, revendiquant la proximité de ses racines, et le Northern Soul généralement de facture plus pop. Le terme Northern Soul est aussi employé en Grande-Bretagne, mais dans un sens tout différent, désignant là-bas la musique en vogue dans les clubs du nord de l'Angleterre, fréquentés par des amateurs éclairés (en fait, les Mods des années 70 et 80) qui se sont fait une spécialité de réhabiliter des morceaux généralement parfaitement inconnu du grand public et de plébisciter des enregistrements nouveaux que l'on n'a à peu près aucune chance d'entendre ailleurs. Un des succès majeurs de la Northern Soul au sens britannique du terme fut "Tainted Love" (1977) de Gloria Jones, qui de fait garda longtemps une réputation assez confidentielle, jusqu'à ce que Soft Cell en fit en 1981 une version électronique qui allait devenir une des chansons les plus populaires des années 80.

En Jamaïque, proche des côtes de Floride, après le rhythm'n' blues et le jazz, la soul fait l'unanimité et dès 1964 quantité d'artistes comme Alton Ellis ou les Techniques n'ont rien à envier aux américains. Le rock steady puis le reggae naissent de cette forte influence.

Au tournant des années 70, le terme soul était appliqué à tort et à travers à tout enregistrement de rhythm'n' blues, alors que l'évolution de plus en plus marquée de la musique noire vers la dance rendait le plus souvent illégitime l'emploi de ce mot dont le sens originel s'était perdu depuis longtemps. Al Green, Isaac Hayes et quelques groupes comme les Staple Singers et Harold Melvin perpétuent encore quelques années la tradition d'une soul authentique, mais, à dater de 1975-1976, l'existence de la musique soul comme mouvement majeur au sein de la musique noire est sujette à caution. Dans les années 90, le terme est resté très vivace pour désigner des interprètes extraordinairement populaires dans le monde comme Tina Turner, Whitney Houston, Mariah Carey, Bobby Brown ou Babyface. En général, tous les chanteurs à voix de la musique populaire britannique, Mick Jagger, David Bowie, Rod Stewart, Sting ou Phil Collins jusqu'à Paul Weller, Terence Trent D'Arby, Mick Hucknall de Simply Red ou Jamiroquai, se sont réclamés de la soul.