La radio au Royaume-Uni  :

De l'autre côté de l'Atlantique, la situation juridique des stations de radio, pour la plupart des services publics dépendant de l'Etat, est bien différente. Pour les passionnés de cette musique, néanmoins, l'impact de la radio ne sera pas moindre qu'aux Etats-Unis. Dans les années 50, la BBC de Londres, qui bénéficie d'un monopole d'Etat, ne diffuse pas de rock'n' roll. D'après le témoignage de Paul McCartney, le seul moyen d'en entendre est alors d'écouter Radio Luxembourg 208, qui n'émet en anglais sur ondes moyennes que tard le soir. Jusqu'en 1959, le principal rendez-vous de Radio Luxembourg reste le « Top 20 » des meilleures ventes de partitions. Avec l'arrivée de Bill Haley et d'Elvis Presley en 1956 et la mode du skiffle, la meilleure émission devient « Teen And Twenty Disc Club » avec Jimmy Saville. Munis de casques de bakélite reliés par des rallonges artisanales fabriquées par leur père, Paul McCartney et son jeune frère Mike écoutent dans leur lit les classiques qui composeront bientôt le répertoire des futurs Beatles (« Roll Over Beethoven » de Chuck Berry, « Ain't That A Shame » de Fats Domino et le skiffle de Lonnie Donegan.) Dépassée, la BBC va devoir réagir face à la menace de Radio Luxembourg et offrir autre chose que son « Light Programme » (programme de musique légère) au cours duquel on peut parfois entendre Cliff Richard ou Buddy Holly. En 1957, elle lance le samedi matin, de dix heures à midi, son « Saturday Club » qui touche près de vingt millions d'auditeurs chaque semaine.

Dès mars 1962, le service de la BBC de Manchester enregistre les Beatles, qui n'ont encore aucun contrat d'enregistrement. A partir du 24 mai 1963, ceux-ci ont leur propre programme le mardi après-midi à cinq heures : « Pop Go The Beatles », quinze émissions d'une demi-heure, qui dureront jusqu'en septembre. En tout, quatre-vingt-huit chansons, dont l'indicatif « From Us To You », seront interprétées au cours des cinquante-deux émissions. La BBC permet ainsi aux Beatles de jouer en public pour y tester différents titres et s'exercer sur quelques reprises, comme en témoigne l'album Live At The BBC , qui réunira en 1994 ces enregistrements (de fait largement piratés avant leur publication officielle). Ce disque sera le premier d'une série d'albums d'archives des principaux groupes des années 60 auxquels l'antenne est ouvertes de façon semblable (Rolling Stones, Yardbirds, The Who, The Jimi Hendrix Experience, Fleetwood Mac, Manfred Mann…jusqu'aux Stranglers). En mai 1965 débute « Top Gear », un programme nocturne de trois heures et demie lancé par Brian Matthews (« Saturday Club », « Top Of The Pops »). Le musicien Alexis Korner anime sur la BBC World Service son propre « Rhythm And Blues Show » en 1967, qui accueillera notamment les Rolling Stones et un Jimi Hendrix débutant.

Au milieu des années 60, la BBC doit affronter une concurrence de taille : les radios pirates. Le 28 mars 1964 est diffusée la première émission de Radio Caroline depuis un bateau ancré dans la Mer du Nord, en dehors des eaux territoriales britanniques. Ancien patron du Scene Club, lieu de rassemblement des Mods à Londres dans le quartier de Soho, l'irlandais Rohan O'Rahilly a convaincu des hommes d'affaires d'investir 500 000 livres dans le projet d'une radio qui diffuse du rock vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Quelques mois plus tard, Radio Caroline absorbe sa jeune concurrence Radio Atlanta et connaît bientôt un succès immense. La populaire Radio London, dont les Who utiliseront les jingles dans The Who Sell Out, naît peu de temps après. Ces deux radios ont un ton libre en prise avec le Swinging London et la révolution psychédélique. Début 1967, un sondage annonce que Radio Caroline a sept millions d'auditeurs, soit plus que la BBC. La contre-offensive de l'Etat ne tardera pas : le 14 août 1967, les Chambres votent le Marine Broadcasting Offences Act qui rend illégale l'existence des radios pirates. Le 30 septembre 1967, deuxième salve : la BBC lance Radio One pour concurrencer les radios pirates sur leur propre terrain. « Radio One/ You're the one for me/ Just turn that dial/ Make your music worthwhile/Radio One/ You stole my gal/But I love you just the same », chantera Jimi Hendrix pour son lancement. (« Radio One/ Tu es faite pour moi/ Tourne le bouton/ Et tu auras une musique qui vaut le coup/ Radio One/ Tu m'as pris ma copine/ Mais je t'aime pareil ») De son côté, O'Rahilly, dont le bateau est arraisonné par les forces de l'ordre, malgré les protestations du public, jette l'ancre au large d'Amsterdam, d'où il continuera à narguer les autorités britanniques. Soumis à des pressions, ses DJ le quitteront peu à peu et il sera contraint d'arrêter d'émettre le 3 mars 1968, quand l'assurance de son bateau expire. Radio Caroline connaîtra une brève résurrection au milieu des années 70, profitant cette fois de la vogue de la musique progressive.

Jusqu'à l'arrivée de Capital Radio en 1973, la BBC jouit du monopole de diffusion au Royaume-Uni. John Peel, le roi des DJ de l'underground (il se produit sur scène avec Tyrannosaurus Rex et mime de David Jones, bientôt David Bowie), a rejoint depuis 1967 radio one où il reprend l'émission « Top Gear » du dimanche après-midi. Il va sa faire champion successif des nouveaux groupes hippies (Pink Floyd, Soft Machine), animant même un temps le label Dandelion (qui publie notamment les disques de Medecine Head), puis de la musique progressive et de l'underground (King Crimson, Family, Jethro Tull, Robert Wyatt, Can) avant d'embrasser la cause du punk-rock (son 45 tours favori de tous les temps reste « Teenage Kicks » des Undertones). A 60 ans passés, son enthousiasme est resté intact : institution des week-ends de la BBC , il reste le défricheur de toutes les musiques alternatives et de ceux, en général, qui poussent leur premier cri. Depuis la fin des années 80, il publie conjointement avec la BBC ses fameuses Peel Sessions enregistrées depuis la fin des années 60, dans lesquelles des chanteurs ou des groupes débutants, dont certains, comme Marc Bolan de T. Rex ou Syd Barrett, sont restés légendaires, jouent en direct dans un studio, sans public.