BEACH BOYS : groupe de pop-rock américain, 1961.

- Brian Wilson : compositeur, bassiste, pianiste et chanteur. Né le 20.06.1942 à Hawthorne (Californie).
- Alan Jardine : guitariste et chanteur. Né le 03.09.1942 à Lma (Ohio).
- Mike Love : chanteur. Né le 15.03.1941 à Los Angeles (Californie).
- Carl Wilson : guitariste et chanteur. Né le 21.12.1946 à Hawthorne. Mort le 06.02.1998 à Los Angeles.
- Dennis Wilson : batteur et chanteur . Né le 04.12.1944 à Hawthorne. Mort le 28.12.1983 à Marina del Rey (Californie).

Aucun groupe américain n'a connu, dans le courant des années 60, de plus grand succès. Sous la houlette du compositeur, arrangeur et producteur Brian Wilson, cette formation essentiellement vocale connut l'apogée de sa popularité vers la fin de l'année 1966 avec sa chanson "Good Vibrations". Longtemps méprisés pour avoir incarné une certaine niaiserie californienne associée aux plaisirs de la mer, les Beach Boys commencent enfin à être placés au rang qu'ils méritent : celui des plus grands créateurs du rock des années 60, à égalité avec les Beatles, grâce à leur fraîcheur, leur sens de l'invention et leur musicalité inégalée. Même si le groupe, à partir du début des années 70, a décliné jusqu'à devenir l'ombre de lui-même, victime des troubles mentaux de son leader Brian Wilson, il a su évoquer, à travers des chansons qui touchent au sublime, la joie explosive comme la tristesse suicidaire propres à la jeunesse.

Les trois frères Wilson grandisent à Hawthorne, une banlieue de Los Angeles, où leur père dirige une entreprise de vente de matériel aéronautique.L'aîné des trois frères Wilson, Brian, quoique sourd d'une oreille, présente depuis l'enfance des dispositions exceptionnelles pour la musique. Il imagine, dès 1961, la formule très simple sur laquelle repose la musique des Beach Boys : la superposition, sur un rythme de rock'n' roll inspiré sur les chansons de Chuck Berry et Little Richard, d'harmonies vocales puisées chez un groupe très populaire du début des années 50, les Four Freshmen. Cette année-là, la mode du surf fait rage sur les plages de la côte Pacifique. Dennis, l'athlète et play-boy de la famille, s'enthousiasme pour ce sport. Il souffle à son frère Brian l'idée de la première chanson des Beach Boys, « Surfin' ». Celle-ci est enregistrée en octobre 1961 dans la maison familiale avec les moyens du bord. Les membres du groupe sont encore des enfants : Brian, qui joue au piano et de la basse, composant et arrangeant les chansons, a 19 ans ; Dennis, qui deviendra le batteur, 17 ; Carl, le guitariste, moins de 15 ; Mike Love ; leur cousin, avec ses 20 ans, est le plus âgé, et Al Jardine, copain de lycée de Brian, guitariste déjà accompli, en a comme lui 19 ans. Tous chantent ensemble, selon une habitude contractée depuis l'enfance.

Pressé par une petite compagnie de disques locale, Candix, en décembre 1961, « Surfin' » devient rapidement un succès en Californie. Brian Wilson compose un deuxième morceau à la gloire du surf, « Surfin' Safari », qu'il parvient à enregistrer dans un vrai studio. La maquette est présentée au très jeune responsable du rock'n' roll de la maison Capitol, Nik Venet, qui, selon la légende, saute au plafond après l'avoir entendue : « c'est un tube ! C'est une chanson qui révolutionner la musique de la Côte Ouest.  » C'est exactement ce qui arrive : le succès est instantané. Le groupe enregistre son premier album en été 1962. Dès la fin de cette année, se répand aux Etats-Unis, bien avant la Beatlemania , une Beachboymania : les filles hurlent sans discontinuer pendant les concerts et assiègent la maison familiale.

Persuadé que le surf est une mode passagère et qu'il faut vite ramasser la mise, la maison de disques Capitol place le groupe sous une très forte pression : le deuxième album, Surfin' USA, est enregistré en moins d'un mois, et dès qu'un album sort, Brian Wilson est déjà censé avoir écrit le suivant qu'il doit enregistre aussitôt la tournée finie. Brian Wilson découvre alors la musique de producteur, compositeur et arrangeur new-yorkais Phil Spector, dont les hymnes fougueux et puissamment orchestrés, interprétés par les Ronettes, les Crystals et autres, produisent sur lui un effet phénoménal. Cherchant à égaler son maître, il se passionne pour les séances de studio, travaillant à un rythme trépidant. Ce n'est qu'à contrecoeur qu'il s'embarque pour des tournées qui l'épuisent nerveusement et le distraient de sa quête musicale. Il compose l'une des plus belles ballades, « Don't Worry, Baby » sous l'influence du « Be My Baby » des Ronettes.

Déjà fortement miné par les critiques d'un père abusif qui s'est imposé manager du groupe et qui ne cesse de lui répéter que ses chansons ne valent rien, il sent son travail remis en question par la musique des Beatles, dont la chanson « I Want To Hold Your Hand » se classe au sommet du hit-parade en hiver 1964. Après s'être affronté à Phil Spector, c'est désormais avec les Beatles qu'il va chercher à rivaliser. Grâce à cette émulation, les Beach Boys et leur leader franchissent un nouveau palier artistique. Les nouvelles chansons de Brian Wilson, comme « I Get Around », « All Summer Long », « Girls on The Beach », ou « Wendy », sont moins naïves que par le passé, plus élaborées. Le succès s'amplifie : « I GetA round » en été 1964, devient le premier n°1, et des chansons comme « California Girls » ou « Help Me Rhonda » connaissent en 1965 une immense popularité.

C'est alors que surgissent les premiers signes de déséquilibre mental chez Brian Wilson. Contraint de partir en tournée pour l'Europe à la fin 1964, il s'enferme dans sa chambre d'hôtel où il se met à boire. Peu de temps après, dans un avion qui le transporte vers le sud-ouest des Etats-Unis pour une série de concerts, il est en proie à une crise de nerfs : il exige du pilote de retourner immédiatement à Los Angeles, et doit être maîtrisé par le personnel. Arrivé à destination, il est conduit à l'hôpital et mis sous calmants .C'est la première dépression nerveuse de sa vie, mais hélas pas la dernière. A partir de cet épisode, il renonce une fois pour toutes à suivre les Beach Boys en tournée. Le chanteur californien Glen Campbell le remplace au pied levé, avant de céder la place au pianiste, chanteur et compositeur canadien Bruce Johnston qui dès lors participer régulièrement aux enregistrements du groupe. Brian Wilson reste enfermé chez lui. C'est durant cette période extrêmement brève, qui culmine au milieu de l'année 1966 avec l'enregistrement de l'album Pet Sounds et de « Good Vibrations », que la musique des Beach Boys atteindra son apogée. Les deux albums de l'année 1965, The Beach Boys Today et Summer Days (And Summer Nights), sont déjà musicalement étonnants. Sur ces ballades au tempo alangui et au harmonies douces-amères, Brian Wilson s'éloigne de la plage, des filles et des voitures, thèmes de prédilection du groupe, pour s'aventurer vers des rivages plus désolés. Il chante « Please Let Me Wonder », « She Knows Me Too Well », « Let Him Run Wild » d'une voix écorchée, comme fêlée. Il plane déjà sur ces chansons une étrange impression d'abattement, annonçant les climats suicidaires du chef d'oeuvre de 1966, Pet Sounds.

Sous l'influence de drogues diverses, de la marijuana au LSD, que des amis lui font « expérimenter », Brian Wilson a changé sa façon de composer. « California Girls » qu'il déclarait, en 1992, avoir composé sous l'influence du LSD, débute par une curieuse introduction instrumentale : un motif hésitant, comme onirique, se fige quelques instants, avant de céder la place à l'attaque de la chanson. Impressionné par l'album Rubber Soul des Beatles qui sort fin 1965, il prépare, au début 1966, sa risposte : ce sera Pet Sounds , enregistré, avec les musiciens de Phil Spector ainsi qu'une section de cordes et de cuivres, durant l'absence des Beach Boys partis en tournée. Pour la première fois, ceux-ci ne jouent pas d'instruments et n'apparaissent que comme vocalistes, devant se contenter de superposer leurs voix une fois l'album enregistré. Des instruments inattendus font leur apparition, tels que le ukulélé, ou des percussions à la sonorité subaquatique, sans compter divers effets sonores, comme un klaxon ou des clochettes. Déconcertant au premier abord, Pet Sounds ne dévoile sa beauté luxuriante qu'après plusieurs écoutes. Le climat du disque est plus que mélancolique : le tempo des chansons semble pris dans la vase, les harmonies sont implorantes. Chant de l'enfance qui meurt, ce disque est l'un des plus beaux de la musique des années 60 et de toute l'histoire du rock. Des chansons comme « God Only Knows », « Caroline, No » ou « Don't Talk (Put Your Head On My Shoulder) » produisent un envoûtement dont il est impossible de sa défaire. Rien de plus déchirant que le refrain de « Caroline, No » chanté d'une voix si haute et si plaintive qu'on la dirait prête à se briser d'un moment à l'autre. Et, à la fin du disque, on entend un train qui s'en va, la cloche d'un passage à niveau, un chien qui aboie, évoquant la banalité désespérante des plus beaux souvenirs d'enfance, vous rappelant que cet âge, précisément parce qu'il ne s'y passait rien, ouvrait une prote vers le merveilleux.

Le disque sort en mai 1966. L'accueil critique a beau être excellent, les responsables de la maison de disques comme, d'ailleurs, la majorité des autres membres du groupe, ne cachent pas leur scepticisme : cette musique introspective est jugée trop éloignée de la formule habituelle pour contenter les fans. Leurs doutes se vérifient : Pet Sounds, sans être un désastre, ne connaît pas un grand succès. Furieux contre sa maison de disques qui a préféré porter ses efforts de promotion sur un album qui reprend les plus fameux tubes du groupe, Brian Wilson est également mortifié. Mais il n'a pas dit son dernier mot. En été 1966, à l'heure où la « drug culture » influence la musique de la Côte Ouest , où naissent des formations comme les Doors où Jefferson Airplane, il met les Beach Boys entre les mains d'un spécialiste anglais des relations publiques, chargé de rectifier leur image de collégiens, parfaitement démodée. L'anglais a une idée : présenter Brian Wilson comme un « génie », un créateur reclus, perfectionniste, et les Beach Boys comme l'instrument de sa musique géniale. Des photos commencent à circuler, représentant Wilson, avec sa coupe au bol, son visage un peu bouffi, les yeux plissés, rêvant à son piano, photographié au studio dans des poses concentrées. Invité dans des interviews à s'exprimer sur la drogue, la religion, grands sujets de l'époque, et aussi sur son fameux « génie », il avoue pourtant avec candeur : « Je ne suis pas un génie. Je suis juste un type qui travaille dur. » Ce mythe permet cependant à la musique des Beach Boys d'être prise pendant une courte durée très au sérieux.
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