BEATLES,
The : groupe de pop-rock
britannique, 1961-1970.
- John Lennon : chanteur et guitariste,
né le 9-10-1940 à Liverpool, Angleterre. Mort le 8-12-1980 à New
York City, New York.
- Paul McCartney : chanteur et bassiste, né le 18-6-1942 à Liverpool.
- George Harrison : guitariste et chanteur, né le 24-2-1943 à Liverpool.
Mort le 29.11.2001 à Los Angeles (Californie)..
- Ringo Starr (Richard Starkey) : batteur et
chanteur, né le 7-7-1940 à Liverpool.
Dix ans d’existence, onze albums en tout. L’œuvre des Beatles a purement et simplement révolutionné toute l’histoire de la musique populaire internationale.
Le 9 octobre 1940, à la maternité d’Oxford
Street, on place le berceau de John Lennon sous le lit de fer de sa mère.
Les bombes du Reich tombent sur Liverpool. Riche de sept cent mille habitants,
ce port de commerce est situé sur la côte ouest du pays, juste
au-dessus du pays de Galles, au nord de l’estuaire de la rivière
Mersey. Liverpool est relié par un canal à Manchester, le centre
industriel du nord de l’Angleterre. Sa richesse, autrefois florissante,
fut d’abord liée au trafic d’esclaves, interdit au début
du XIXème siècle. Puis les premiers grands navires du commerce,
les transatlantiques, appareillèrent. L’industrie du coton fit
venir à Liverpool beaucoup d’Irlandais, comme les ancêtres
de John Lennon, et de Gallois pauvres. Dans les années 40, la ville
connut une dépression économique : le déclin de l’industrie
cotonnière entraîna une baisse du commerce, le chômage et
la pauvreté furent grands.
Les parents des Beatles sont issus de milieux modestes, exerçant des
métiers comme cuisinier dans un ferry-boat, conducteur de bus, employé à la
bourse du coton et ouvrier dans une boulangerie. Les enfants grandissent dans
une ville triste, bombardée, coupée de tout, sans perspective
d’avenir. Les habitants cultivent un humour fataliste, nourri d’autodérision.
Beaucoup de jeunes rêvent d’être comédiens ou footballeurs.
Est-ce l’influence des Irlandais, si nombreux, si proches ? A Liverpool,
jeune ou vieux, on chante et on joue partout : dans les fêtes familiales,
les kermesses, les pubs, les cercles d’ouvriers, les bateaux, les patinoires… Toutes
les occasions sont bonnes. Le ciel est si bas, l’ennui est si grand,
l’océan invite à tous les voyages. Nulle part, plus qu’ici,
la musique n’a représenté un tel espoir de délivrance.
Au début de l’année 1956, aucun jeune de Liverpool n’a
entendu parler d’Elvis Presley. Inutile non plus de rêver de Chuck
Berry, Bill Haley ou Carl Perkins, les pionniers américains du rock’n’roll
qu’on a découverts à la radio : ils sont inaccessibles.
Pour écouter la musique qu’il aime, un gamin de quinze ans n’a
pas le choix. Il lui faut prendre un bus vers une lointaine banlieue où il
apercevra dans un cinéma un chanteur de blues, coincé un quart
d’heure entre un numéro de jongleurs et un chien savant. Heureusement,
Lonnie Donegan arrive. Ce jeune Ecossais gratte du banjo dans une formation
de jazz Nouvelle-Orléans. Un soir, pendant un entracte, il a empoigné son
instrument pour chanter avec énergie de vieux airs du folklore américain.
La jeunesse britannique est folle de lui et de sa musique, le skiffle, un terme
qui, dans l’argot du jazz, désignait les petites formations du
Chicago des années 20 qui, faute de moyens, jouaient avec tout ce qui
leur tombait sous la main, soufflant sur un bout de papier plié sur
un peigne, bricolant une contrebasse avec un manche à balai et une bassine
ou grattant une planche à repasser (wash-board). John Lennon, âgé de
seize ans, attrape la fièvre. Il casse sa tirelire pour acheter le 78
tours de « Rock Island Line » et l’use jusqu’à la
trame avant de le revendre à un ami. Et il ne lâchera plus sa
tante Mimi avant qu’elle ne lui ait offert une guitare. En mars 1957,
il forme avec des amis d’école le Quarry Men Skiffle Group. Il
n’est pas le seul à assouvir cette fringale de musique. Au sommet
de la vague du skiffle, environ cinq mille groupes se lèvent à travers
l’Angleterre comme une jeune et joyeuse armée.
Les Quarry Men participent à des tremplins locaux, utilisant souvent
comme scène l’arrière d’une camionette. En juillet
1957, Paul McCartney, âgé d’à peine quinze ans, aborde
Lennon lors d’une kermesse et l’épate par son savoir-faire à la
guitare et sa connaissance approfondie des chansons de Little Richard. En février
1958, un ami de McCartney, George Harrison, un garçon de quinze ans,
alors apprenti électricien, vient alors en renfort dans le groupe qui
comptera jusqu’à sept membres. Les autres s’en iront à mesure
que Lennon et ses nouveaux amis s’écarteront du skiffle et vireront
au rock’n’roll. Ils interprètent déjà Chuck
Berry (« Roll Over Beethoven »), Gene Vincent (« Be-Bop-A-Lula »)
et Eddie Cochran (« Twenty-Fight Rock »), en plus des vieux airs
folkloriques de rigueur et des succès de la musique populaire américaine.
A New York, le 15 novembre 1956 , on fête la première du film
Love Me Tender. Ce jour-là, on dévoile une effigie de carton
d’Elvis Presley qui domine du haut de ses quinze mètres la façade
du cinéma Paramount. Quelques mois plus tard, en Angleterre, toute une
jeunesse se précipite à Southampton pour accueillir le premier
messager du rock’n’roll, Bill Haley, dont le « Rock Around
The Clock » , venu du Nouveau Monde, enflamme la vieille Europe. A son
arrivée à Londres, une foule en transe vient l’assaillir à la
sortie du train. Si ç’avait été Elvis… Mais
Elvis ne donne pas et ne donnera jamais de concert hors des Etats-Unis. Et
la télévision existe à peine. Pour le voir, il faut aller
au cinéma. Après les teenagers américains, les jeunes
anglais se prennent de folie pour ce campagnard de vingt et un ans qui explose
de joie quand il chante et bouge comme un Noir, tout en jetant, comme James
Dean, un regard de défi, mêlé de tristesse, sur le vieux
monde qui l’entoure. Loving You (1957), Jailhouse Rock (1957)… à Liverpool
comme dans d’autres villes d’Europe, on va voir ces films en bande,
pour chahuter et draguer, bien sûr, mais aussi rêver d’une
vie plus folle, plus libre, où un jeune camionneur de Memphis peut,
du jour au lendemain, gagner des millions de dollars. Bref, on imagine une
Amérique où tout est en couleur, tout est facile, tout est permis,
tout est joyeux, alors qu’en Europe tout n’est que grisaille, tristesse
et interdit.
« Thta’ll Be The Day » est le premier air de rock’n’roll
que John Lennon ait appris à jouer à la guitare. C’est aussi
la chanson que John, Paul et George, avec les éphémères,
le pianiste John Lowe et le batteur Collin Hanton, enregistrent ensemble dans
un petit appartement de Liverpool transformé en studio, en 1958. Disparu
accidentellement en 1959, le chanteur texan Buddy Holly, accompagné de
ses Crickets, fit plus qu’inspirer aux beatles leur nom d’insecte.
Son rockabilly traversé d’une tendresse et d’une finesse mélodique
uniques en leur genre ouvrit la voie à leur musique. Mais, début
1959, Lennon, McCartney et Harrison, faute d’engagements, se retrouvent
au point mort. En août, ils remettent les Quarry Men en selle grâce à un
engagement à la Casbah. Ils sont accompagnés un temps par le guitariste
Ken Brown. Réduits à un trio, Lennon, McCartney et Harrison se
rebaptisent Johnny & The Moondogs, sacrifiant à la mode américaine
des noms à rallonge, et se produisent pour la première fois hors
de Liverpool, à l’Hippodrome Theater de Manchester, dans le cadre
d’une compétition (qu’ils ne remporteront pas).
En janvier 1960, Lennon fréquente le Liverpool College Of Art. Il y
a un ami étudiant, Stu Sutcliffe, dont le talent de peintre est déjà reconnu.
Lennon le convainc de se procurer une guitare basse électrique. Sutcliffe,
qui ne maîtrisera jamais l’instrument, suggère le nom de « Beatals »,
d’après les beatniks américains dont il s’inspire.
Puis, sur le modèle des Crickets de Buddy Holly, il propose celui de « Beetles » (les
Scarabées). Peu sûrs d’eux, les autres préfèrent
ajouter, pour faire plus riche, l’adjectif « Silver ». Les
Silver Beetles sont recrutés pour accompagner en Ecosse une obscure
vedette de Liverpool, Johnny Gentle. En mai 1960, un batteur de trente-six
ans, Tommy Moore, ouvrier d’usine, se joint brièvement à eux.
En juillet 1960, Lennon tranche : le groupe s’appellera les « Beatles »,
compromis entre « Beat », qui signifie « rythme » ou « chemin
de ronde » et « Beetles ». Grâce à la débrouillardise
d’un entrepreneur local, Allan Williams, ils sont recrutés pour
animer les soirées d’une boîte à Hambourg. Paul McCartney
propose à Pete Best, le fils des propriétaires de la Casbah,
de prendre le poste de batteur. Cette formation à cinq (John, Paul,
George, Stu et Pete) durera un an.
On n’a guère l’occasion de se déchaîner à Liverpool.
Dans ces familles ouvrières où l’on vous prépare à une
vie austère mais digne, l’alcool, le sexe et la débauche
n’ont pas cours. A Hambourg, les cinq petits gars de Liverpool vont s’autoriser
tout ce qu’on leur a interdit chez eux. C’est le plus gros port
de marine marchande d’Europe continentale. La nuit, on s’y amuse,
on s’y bagarre, on s’y enivre : des hommes assistent à des
combats de catch féminin où les protagonistes s’affrontent
nues dans la boue, entrent dans les boîtes de strip-tease du quartier
de Saint Pauli et finissent la soirée avec les prostituées du
Reeperbahn. Comme d’autres groupes de Liverpool, les Beatles sont recrutés
par le patron d’une boîte locale, un ancien clown dans un cirque,
pour jouer du rock’n’roll, la musique à la mode, faute d’avoir
Presley, Cochran et Vincent. Pour un cachet de trente marks par semaine (environ
cent francs), écrasés sur la scène minuscule de l’Indra
Club, puis du Kaiserkeller, ils doivent jouer sept soirs sur sept, quatre heures
et demi d’affilée les soirs de semaine, jusqu’à six
heures les samedi et dimanche. Ils dorment entassés dans des chambres
sans fenêtres, contraints de se laver avec l’eau des urinoirs.
Pour tenir, ils boivent bière et café sur scène et avalent
des pilules d’amphétamine fournies par la dame-pipi. C’est à Hambourg
qu’il dénichent leurs tenues de cuir noir de rockers, attrapent
leurs premières blennorragies et se bagarrent avec les voyous locaux.
C’est là aussi qu’ils se transforment en un groupe exceptionnel, à l’énergie
et l’enthousiasme débordants. Outre les succès du rhythm’n’blues
et du rock américain, ils interprètent déjà leurs
propres chansons. C’est là encore, où, entre 1960 et 1962,
ils auront séjourné en tout quatre fois, finissant en apothéose
au Top Ten puis au Star Club, que les Beatles auront survécu à leur
baptême du feu. Ils en sortiront avec le moral en acier, prêts à conquérir
le monde. En été 1961, Sutcliffe préfère, à la
suite d’un second séjour, s’installer à Hambourg,
avec sa fiancée allemande pour y peindre. Juste avant, les Beatles ont
réalisé sur place leur premier disque, accompagnant le chanteur
londonien Tony Sheridan sur une version rock de « My Bonnie » sous
le nom des Beat Brothers. McCartney est parvenu à prendre la place de
Sutcliffe à la basse. Ce dernier mourra brutalement à Hambourg
d’une hémorragie cérébrale en avril 1962.
Fin 1961, plusieurs jeunes gens se succèdent dans le magasin NEMS à Liverpool,
demandant au patron s’il n’a pas un disque publié en Allemagne
: la chanson s’appelle « My Bonnie », le chanteur Tony Sheridan
et la formation qui l’accompagne les Beatles. Le disquaire en question,
Brian Epstein, n’en a jamais entendu parler. Intrigué, il découvre
que ces Beatles ont été désignés comme le groupe
le plus populaire de la ville dans un petit journal, Mersey Beat, que des jeunes
viennent acheter chez lui. Son magasin, situé dans le quartier de Whitechapel,
est à deux pas de la Cavern, une boîte où les Beatles jouent à l’heure
de la pause-déjeuner. Par curiosité, il y va. C’est le
coup de foudre. Brian Epstein qui ne connaît de la musique que lle classique
et le jazz, a la révélation. Ce jeune homme bien élevé de
vingt-sept ans, fils de commerçants juifs de Liverpool, a longtemps
rêvé de devenir acteur de théâtre. Il accomplira
un autre rêve, et trouvera même un sens à sa vie en devenant,
dès 1962, l’imprésario des Beatles. Avant lui, ces quatre
garçons n’étaient qu’une bande de voyous en blouson
et pantalon de cuir, jurant sur scène, mangeant des cuisses de poulet
entre les morceaux et blaguant avec le public. Avec Epstein, ça ne rigolera
plus : interdit de fumer, de boire, de mâcher du chewing-gum sur scène
et d’adresser la parole au public. Il faut être professionnel et
offrir un spectacle impeccable. Plus de cheveux gominés en arrière,
mais une nouvelle coupe, avec les mèches aplaties en frange sur le front,
comme cela commence à se porter à Paris. Plus d’ensembles
en cuir, mais des vestes sans col en mohair, avec pantalons assortis, dénichés à Paris
aussi, et des cravates. Discipline, application, rigueur : avec Epstein, les
Beatles, pour captiver et séduire, devront être domestiqués.
Et désormais il leur sera interdit de choquer : le succès mondial
sera à ce prix. A Londres, aux studios Decca, en janvier 1962, Epstein
organise une première audition qui se solde par un échec. Il
tient sa revanche en juin, lorsque George Martin, un réalisateur artistique
pour la firme EMI, accorde au groupe un contrat d’enregistrement.
A la fin des années 50, le rock’n’roll entraîne dans
sons sillage bagarres et destructions. En Angleterre comme ailleurs, la presse
et la radio, relais du monde des adultes, tirent à boulets rouges sur
cette « musique de dégénérés ». En
France, De Gaulle suggère à ces jeunes qui cassent tout d’employer
ce trop plein d’énergie pour construire des routes. Avec les Beatles,
tout changera. Dans l’Angleterre de 1963, les frustrations nées
du rationnement se sont estompées. Le plan Marshall a fait ses effets.
Une jeunesse bien nourrie, gonflée d’optimisme, a désormais
envie de crier sa joie de vivre, mais sans violence. Le 13 octobre à Londres,
une foule de jeunes gens, surtout des filles, s’est agglutinée
devant le théâtre où les Beatles, filmés par la
télévision, donnent un concert retransmis dans tout le pays.
On hurle, on piétine, on pleure parce-qu’on arrive pas à les
toucher. Un cordon de policiers à du mal à contenir cette jeune
foule possédée, comme en extase. Une chanson a mis le feu aux
poudres : « From Me To You », avec ses voies suraiguës, à l’unisson,
et son rythme haletant. Et la dernière, « She Loves You »,
avec son « yeah, yeah, yeah… » à la joie explosive
est sur toutes les lèvres. Loin de vouer aux flammes de l’enfer
ceux et celles qui hurlent de surexcitation, le quotidien très populaire
Daily Mirror applaudit avec enthousiasme cette frénésie, inventant
le terme de Beatlemania. Un mois plus tard, les quatre Beatles sont conviés à se
produire à un gala auquel assistent, perchées au balcon, la reine
mère et la princesse Margaret. Lennon, à cette occasion, aura
ce mot légendaire : « Vous qui êtes assis aux places les
moins chères, tapez dans vos mains. Les autres, secouez votre bijouterie. » (« Will
the people in the cheaper seats clap your hands. All the rest of you, rattle
your jewellery. »)
Le 7 février 1964, un bataillon de teenagers en transe vient accueillir
les Beatles à l’aéroport JFK de New york. Spectaculaire
inversion des courants : sept ans auparavant, c’est à Londres
qu’une foule de jeunes Anglais avait assailli Bill Haley à sa
sortie du train. « I Want To Hold Your Hand » est au sommet des
hit-parades américains. C’est le signal de quinze jours d’hystérie
: la Beatlemania, venue de la vieille Angleterre, se propage. Soixante mille
personnes réclament en vain des places pour assister à l’« Ed
Sullivan Show » de la chaîne CBS. Six mille se déplacent,
alors que le studio ne contient que sept cents fauteuils. C’est l’émeute. On parle d'invasion britannique. Le climat du pays a bien changé depuis Elvis : les manifestations en faveur des droits civiques pour les noirs, l'assassinat de Kennedy, l'engagement naissant des militaires au Viet-Nam ont entraîné un climat de confusion et d'interrogations. Avec leur enthousiasme et leur exubérance, les Beatles vont redonner foi à ce pays qui doute. Ces jeunes prolétaires anglais, eux, ne doutent pas de l'Amérique : ils croient aveuglément au rêve américain, et ils le chantent. Ils ont assimilé, en les combinant, le style local des groupes noirs des années 50, la surexcitation du rock'n' roll primitif, le panache d'Elvis et la sophistication des « usines à chansons » de la variété américaine. Bref, le meilleur de l'Amérique. Alors, même si des grincheux trouvent que leurs drôles de cheveux, ça fait quand même désordre, tout le monde veut se ranger sous leur drapeau. Les Beatles, c'est l'équipe qui va faire gagner l'Amérique en l'entraînant à nouveau plus haut, plus loin, plus fort.
« Le spectacle durait vingt minutes, personne n'écoutait, tout le monde hurlait, et les amplis étaient gros comme des cacahouètes. C'étaient plus des exhibitions que des concerts. » : voilà le souvenir, guère nostalgique, que John Lennon conservait des concerts des Beatles. Après sa brève visite de février 1964 aux Etats-Unis, le groupe entame sa première tournée mondiale : il visite d'abord les anciennes colonies britanniques, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, avant de s'attaquer à la fin de l'été, durant un mois, à l'Amérique. La tournée coïncide avec la sortie du film et du disque A Hard Day's Night. Les Beatles sont le premier groupe dans l'histoire du roc qui se produise dans des stades et des amphithéâtres devant des dizaines de milliers de fans. Aucun lieu n'est équipé pour de tels « concerts » : la sono est bricolée par un ingénieur du son qui ne dispose que de trois pistes sonores, les Beatles n'ont pas de retours et ne s'entendent ni jouer ni chanter. De toute façon, les hurlements féminins ininterrompus atteignent un tel niveau sonore que, selon le témoignage de George martin, qui dirigea tous leurs enregistrements, ils couvrent même le bruit des avions à réaction. Pour la première fois dans l'histoire du rock, des policiers sont mobilisés pour assurer la sécurité des musiciens. Lors de leur deuxième tournée américaine, celle du disque et du film Help !, les Beatles établissent un record historique en attirant, le 15 août 1965, cinquante-cinq mille six cents personnes au Shea Stadium de New York. Ces tournées monstres cesseront dès l'année suivante. Ecoeurés par ces concerts où la musique compte si peu, les Beatles décident, après leur dernière tournée, le 30 mai 1966 au Candlestick Park de San Francisco, de ne plus remonter sur une scène. Désormais, ils se consacreront plus que jamais à leur musique, mais seulement entre les quatre murs d'un studio. Leur dernière apparition publique sera le concert impromptu qu'ils donneront, le 30 janvier 1969, sur le toit de l'immeuble Apple pour le documentaire Let It Be. Interrogé en 1976 sur sa vision du paradis, John Lennon répondit sans hésitation : « Ne pas partir en tournée. »
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