2°) LES ANNEES 1900 : VAUDEVILLE, RAGTIME, JAZZ ET BLUES

La musique des Noirs du sud du Mississippi et de la Louisiane , ragtime, jazz et blues, commence à se répandre à travers les Etats du Sud dans la seconde moitié du XIXe siècle. Elle devient alors pour les Noirs un des rares moyens de changer de statut dans un contexte social écrasant. Elle se mélange plus encore aux influences européennes dominantes dans les grandes villes importantes sur les rives du Mississippi comme Baton Rouge (Louisiane) et La Nouvelle-Orléans (Louisiane). Scott Joplin sera l'un des premiers américains d'origine africaine à enregistrer de la musique en gravant sur un rouleau au début du XXe siècle son fameux ragtime « The Entertainer », qui deviendra bien plus tard le célèbre thème du film L'Arnaque (1973, George Roy Hill). Partout les Noirs américains intègrent leur musique à la culture populaire. Né vers 1874, le texan Henry « Ragtime » Thomas, qui interprète dans un style très archaïque et primitif toutes sortes de chansons, y compris des blues, est l'un des premiers témoins de cette époque à enregistrer. Bob Dylan reprendra son « Honey Don't Allow Me One More Chance » dans son Freewhelin' (1963).


Les formes originelles du blues proprement dit survivront intactes sous forme de tradition folklorique dans le delta du Mississippi. Jusqu'en 1903 où William C. Handy, un Blanc, compositeur professionnel pour les comédies musicales des théâtres de Broadway, s'aventure dans cette région. Alors qu'il attend à la gare de Tutwiler un train qui a du retard, un Noir joue du blues à la guitare sur le quai. Les songsters, ménestrels itinérants, héritiers des griots de l'Ouest africain, sont nombreux dans cette région. Ils forment parfois des string bands, groupes composés d'un violon, d'une guitare, d'un banjo et d'une planche à laver cannelée (le washboard) frottée pour toute percussion. Handy note les mélodies et les rythmes du répertoire de ce chanteur guitariste solitaire et une fois rentré à New York, il compose, très inspiré, des morceaux de blues et en publie plusieurs. Ils sont au début interprétés par des cantatrices blanches.


- Les années 10 : premiers spectacles de blues

En 1912, W.C. Handy dépose notamment son célèbre « Saint Louis Blues ». Peu à peu, ses compositions deviennent incontournables dans les cabarets noirs new yorkais. Mamie Smith y est une vedette dès 1914. Des interprètes féminines noires et raffinées, accompagnées par les premières formations de jazz sur le marché, apparaissent dans les populaires tournées de vaudeville où, entre numéros de cirque, pièces de théâtre et sketches, elles arrachent des larmes au public dans un style qui n'est pas sans présenter des similitudes avec celui des chanteuses réalistes françaises comme Fréhel. Elles participent à des pièces, à des numéros de cabaret et tournent des films muets. Ces comédiennes professionnelles généralement venues de la campagne avaient un large répertoire, bien au-delà du blues. Seule Ma Rainey, auteur du célèbre « C.C. Rider », sans doute la première interprète professionnelle du genre, se présentait comme une chanteuse de blues exclusivement dans sa troupe des Rabbit Foot Minstrels. Mais l'interaction est constante entre les influences spécifiques des communautés noire et blanche, toujours séparées.