5°) LES ANNEES 40 : LE BLUES URBAIN ET LE BLUES SHOUTERS

Le déplacement des populations noires du Sud s'intensifie pendant la guerre. Chicago devient leur destination privilégiée (Georgia Tom Dorsey, un des fondateurs du gospel, y émigre dès 1928). Mais le style Bluebird du producteur Lester Melrose, trop propre et convenu pour les amateurs du style cru du delta, est en perte de vitesse, comme tous les styles d'avant-guerre. Alors que la plupart des grandes formations de jazz big band disparaissent avec la guerre, les grandes maisons de disques abandonnent à nouveau le blues. Mais à partir de 1947, avec la radio et les changements de mentalité d'après-guerre, une explosion musicale se produit à Chicago. De petites marques locales comme Vee Jay ou Chess prennent le relais. A Memphis, la marque Sun de Sam Phillips va bientôt enregistrer Junior Parker, Howlin' Wolkf ou Little Milton, tout en découvrant des chanteurs blancs au plus fort potentiel de vente. Des formations avec batterie (notamment avec le créatif Fred Below, venu du jazz) et contrebasse apparaissent partout et les guitares souvent venus du delta, très influencés par Robert Johnson, abondent soudain dans les boîtes du South Side, près du lac Michigan.


A Kansas City (Missouri), ville de la fête où subsistent quelques big bands de jazz comme celui de Jay McShann, la mode des blues shouters se développe et durera jusqu'à la fin de la guerre. Ce sont de grosses formations avec cuivres où le chanteur doit avoir une voix particulièrement puissante, comme l'imposant et incontournable Big Joe Turner (« Shake Rattle And Roll ») à Kansas City, Roy Brown (« Good Rockin' Tonight ») à La Nouvelle-Orléans , le new-yorkais Sonny Parker (chanteur de Lionel Hampton), Jimmy Rushing (chanteur de Count Basie), Jimmy Whisterspoon (chanteur de Jay McShann, qui remplace Walter Brown), Wynonie Harris ou l'excentrique Screamin' Jay Hawkins (« I Put A Spell On You » au rythme de valse). Ces musiciens, qui souhaiteraient parfois chanter à l'Opéra où ils n'ont pas accès, font tous carrière dans le rythm'n' blues naissant, ce rockin' blues que l'on appelle aussi le jump blues.