Dans les grandes villes du Nord et à Chicago surtout, le blues urbain moderne connaît son âge d'or au cours des années 50. Des artistes du calibre d'Albert King (guitariste soliste et chanteur qui rencontrera et influencera considérablement Jimi Hendrix, Otis Rush, Son Seals, Eric Clapton…), les pianistes Memphis Slim et Otis Spann (qui accompagne Muddy Waters dès 1953), l'essentiel auteur-compositeur-chanteur-contrebassiste et producteur Willie Dixon (« Little Red Rooster ») et son Big Three (il signe quantité de très grands classiques du blues et du rock), les guitaristes chanteurs Otis Rush, le brillant Buddy Guy, Jimmy Reed (« Bright Lights, Big City », « Big Boss Man », « Shame Shame Shame », « Honets I Do »), qui joue aussi de l'harmonica et vend énormément de disques, son guitariste Eddie Taylor, Lonnie Brooks, Louisiana Red, Luther Allison, le chanteur sophistiqué et jazzy Eddie Boyd (« Five Long Years »), la chanteuse « hurlante » Koko Taylor, les guitaristes Jimmy Dawkins, Mighty Joe Young, Robert Junior Lockwood, John Little-John et Earl Hooker, le pianiste-harmoniciste-chanteur Willie Mabon, les extraordinaires chanteurs-harmonicistes Junior Wells, James Cotton et Big Walter Horton (qui équipent souvent eux aussi leur instrument d'un petit amplificateur, obtenant un son saturé surpuissant), le très soul et influent Magic Sam sont basés ou enregistrent à Chicago. Très populaire, J.B. Lenoir est le premier à écrire
des paroles ouvertement politiques comme « Tax-Paying Blues ».
Jusque-là, les Noirs utilisaient exclusivement des allusions
et un langage à double sens, par crainte légitime d'ennuis
avec la police ou des organisations racistes meurtrières comme
le Ku Klux Klan, pour qui les bluesmen errants sont des proies à lyncher
de premier choix. |
A la case départ en Louisiane, sous l'influence de l'étonnant pianiste Professor Longhair (« Mardi Gras In New Orleans », 1949), le courant blues électrique moderne s'impose aussi dans le bayou avec le délicieux style swamp blues de Lightnin' Slim, Silas Hogan, Lonesone Sundown (tous chez Excello) ou le virtuose aveugle méconnu Snooks Eaglin. Très marqué par Jimmy Reed, le brillant guitariste-harmoniciste et chanteur Slim Harpo (« I'm A King Bee », « Shake Your Hips ») grave d'excellents disques de swamp blues pleins d'humour dont l'harmonica influencera beaucoup les Rolling Stones des débuts et Brian Jones en particulier. Clifton Chenier, francophone comme Antoine « Fats » Domino, joue le blues à l'accordéon dans le style zydeco, la branche noire de la musique cajun, plus bluesy, née après la guerre dans la région de Lafayette. |
A Jackson (Mississippi), un certain Alex « Rice » Miller, grand virtuose de l'harmonica enregistre pour la première fois (avec Elmore James) sous le nom de « Sonny Boy » Williamson. Comme le créateur de l'harmonica blues moderne à Chicago (le célèbre John Lee « Sonny Boy » Williamson du Tennessee), Alex Miller se produisait aussi sous ce nom (« Dont Start Me Talking ») depuis les années 30, pendant lesquelles il a joué avec Robert Johnson et Howlin' Wolf, entre autres. Les deux « Sonny Boy Williamson » joueront bientôt avec Muddy Waters à Chicago mais le nouveau venu restera le plus virtuose. Il enregistre vite de nombreux classiques sous son nom, comme « Help Me » et « Nine Below Zero », et supplante son prédécesseur ancien tenant du titre, qui est pourtant son cadet de treize ans. En Louisiane, l'ancien trompettiste et chez d'orchestre de jazz Dave Bartholomew, devenu producteur, découvre de nombreux talents pour les disques Imperia. Parmi eux, Roy Brown puis le shouter Smiley Lewis (« I Hear You Knocking ») et le très populaire Fats Domino. Tous sont très marqués par le Professor Longhair. |