13°) LES ANNES 80 : FUSION, DISSOLUTION ET DECLIN

Le saxophoniste vétéran Eddie Shaw, qui accompagnait surtout Ike Turner, prend la tête du groupe de Howlin' Wolf à sa mort en 1975 et devient le premier saxophoniste-chanteur vedette du blues de Chicago. Le blues est de plus en plus populaire auprès du grand public occidental. Mais la créativité n'est plus de la partie. Il a tendance à se répéter, s'imite, se parodie et perd une partie de son identité avec tous ces mélanges. Il se dissout dans un rock de plus en plus insipide. Le splendide « pub rock » bluesy anglais, très énergique, de Dr ; Feelgood (« She Does It Right ») annonce la nouvelle vague du rock punk qui tourne la page.

Le blues disparaît brusquement du devant de la scène. Les musiciens et le public noirs, en perpétuelle évolution, se tournent vers d'autres horizons, d'autres rythmes, d'autres styles. La soul, le reggae, le dub puis le funk, et bientôt le hip-hop, le rap deviennent les nouvelles tendances, tandis que George Thorogood, avec son boogie énergique à la guitare slide, copie Houng Dog Taylor, mais vend mieux que lui. Un grand nombre de disques de blues originaux sont réédités. L'histoire du blues est archivée, étudiée, des recherches sont entreprises, des revue spécialisées se multiplient, des fondations organisent des événements qui inscrivent de plus en plus cette musique dans le passé.


Comme le rock, après une effervescence exceptionnelle, le blues subit une sorte de déclin artistique au cours des années 80 laissant de plus en plus de place aux sons pop qui ne cessent de gagner du terrain au détriment de musiques plus authentiques. Quelques vétérans comme B.B. King ou John Lee Hooker tirent leur épingle du jeu et parviennent à vendre des disques malgré la concurrence de plus en plus féroce dans l'industrie du disque, tandis que Magic Slim, le compositeur, chanteur et guitariste Son Seals ou Jimmy Johnson ont un certain succès à Chicago. En 1982 ; le W.C. Handy Award consacre Larry Davis, grand chanteur de blues soul de 46 ans, mais encore méconnu. Cette même année Z.Z. Hill, chanteur texan vétéran de la soul, fait son retour avec des disques de blues qui ont beaucoup de succès, comme Down Home. D'autres vétérans comme J.J. Malone sont enfin reconnus par les spécialistes alors que les Rolling Stones enregistrent encore régulièrement et avec succès des blues (« Tattoo You »). Mais le blues manque de talents frais, de renouvellement.


Le film à grand succès Les Blues Brothers (John Landis, 1980), auquel participent nombre de légendes vivantes, dépeint le monde du blues avec humour et en immortalise une vision caricaturale souvent éloignée de la réalité. L'album Let's Dance (1983) de David Bowie lance un texan blanc virtuose, émule de Jimi Hendrix, l'ex-fabulous Thunderbird Stevie Ray Vaughan (Texas Flood) et son groupe Double Trouble. Vaughan devient le grand guitar hero des années 80. De nombreux groupes blancs très influencés par le blues comme Omar & The Howlers ont du succès et le boogie-blues électrique de ZZ Top est devenu un hard rock bluesy à grand spectacle au succès mondial.
L'aveugle virtuose Jeff Haley, qui recrée la technique de la guitare jouée à plat sur les genoux, est typique de l'influence omniprésente du hard rock et d'un son saturé qui a tendance à émousser les mélodies, au détriment du rythme et de l'émotion. Les différents sons de guitare électrique, clairs et saturés, semblent plus uniformes, et les rythmes blues bien usés alors que se développent d'autres formes de musiques riches en sons originaux. En 1986, Robert Cray est salué comme le nouveau grand nom du blues et il collabore avec beaucoup de célébrités après son Strong Pesuader en 1986.

Buddy Guy fait un retour remarqué et Bo Diddley une apparition dans une publicité télévisée qui lui insuffle un regain d'activité. L'arrivée du disque compact multiplie la publication d'enregistrements originaux, peu coûteux à rééditer, qui se vendent très bien et rendent en réalité le blues plus populaire que jamais si l'on se réfère aux ventes. Pourtant avec le développement de la dance music, les concerts et les lieux qui accueillent les groupes reculent progressivement même aux Etats-Unis.