12°) LES ANNES 70 : LE BLUES BLANC ET LE BLUES-ROCK

Compositeur, guitariste et chanteur au style susurré, le sudiste J.J. Cale enregistre un blues teinté de rock d'une très grande qualité. Il crée de nombreux classiques vite repris avec succès par Lynyrd Skynyrd (« Call Me The Breeze ») puis Eric Clapton (« After Midnight », « Cocaine »). Au Texas, le virtuose Johnny Winter (« Mean Town Blues »), « Sweet Papa John »), jusque-là souvent cantonné comme Jimmy Page à des séances d'enregistrement dans l'ombre d'artistes locaux, se lance dans une carrière qui le mènera au sommet d'un blues-rock extrêmement populaire à cette époque. Il deviendra ensuite producteur à succès et guitariste attitré du vieux maître Muddy Waters.
Après le décès accidentel de Jimi Hendrix en 1970, la guitare électrique devient plus que jamais l'instrument roi. Les solistes comme Roy Buchannan sont particulièrement mis en valeur. Jorma Kaukonen (« How Long Blues ») et Jack Casady quittent le célèbre Jefferson Airplane et fondent un groupe de blues, Hot Tuna, avec le violoniste noir Papa John Creach. L'Allman Brother Band, un formidable groupe de sudistes incluant des musiciens noirs, menés par le virtuose de la slide Duane Allman (qui enregistre notamment avec Aretha Franklin et Eric Clapton), vont cristalliser ce style blues-rock au début des années 70. Leur impact sera énorme aux Etats-Unis.


Les musiciens blancs et leurs excès instrumentaux (soli trop longs jusqu'à la perte du « senti », son saturé) font beaucoup d'ombre aux bluesmen noirs, qui continuent malgré tout ça jouer, mais sans réellement obtenir le succès qu'ils méritent. Shuggie Otis (« Cold Shot »), fils de Johnny, fait une grosse impression avec son style élégant influencé par Jimi Hendrix dans l'excellent groupe de son père, mais n'obtient que peu de succès. Le chanteur guitariste Buster Benton, fixé à Chicago depuis 1959, est découvert dans le groupe du grand Willie Dixon, mais le blues est devenu une musique de plus en plus jouée et surtout achetée par des blancs qui ne peuvent prendre que ce qu'on leur propose. Les maisons de disques délaissent en effet de talentueux artistes noirs comme Andrews Brown ou l'excellent chanteur guitariste Albert Collins (« Ice Pickin' »), qui est tout de même apprécié par les amateurs. L'imagerie rock passe souvent avant la musique.

Des talents confirmés comme Fenton Robinson, Johnny « Big Moose » Walker, Philip Walker, R.L. Burnside, au style évoquant le blues primitif, découvert sur le tard, Eddie C. Campbell (« King Of The Jungle »), Lonnie Brooks (« Bayou Lighnin' »), Thomas Shaw (« Richard Nixon's Welfare Blues »), Lafayette Leake ou Magic Slim (« Love Me Baby ») passent presque inaperçus du grand public. Eric Clapton est désormais considéré comme le dieu de la guitare blues. Joe Cocker, qui copie avec un certain talent le style de Ray Charles, vendra désormais plus de disques que son maître. Pinetop Perkins remplace feu Otis Spann au piano dans le groupe de Muddy Waters, qui engage Bob Margolin à la guitare de 1973 à 1980. Mais même ce géant est en perte de vitesse. A Memphis, Ann Peebles enregistre beaucoup de blues mais enrichit son répertoire de morceaux très soul, bine plus populaires auprès du public noir. A New York, le jeune et excellent harmoniciste Sugar Blue n'arrive pas à gagner sa vie malgré de brillants enregistrements, notamment avec Brownie McGhee et Johnny Shines. Il finit par venir jouer dans les rues de Paris et enregistre avec les Rolling Stones.