RICKENBACKER : firme de lutherie américaine créée aux Etats-Unis en 1931.
Fondée sous le nom d'Electro-String en 1931 et créatrice de certaines des guitares et basses électriques les plus populaires des années 60, cette firme reste associée à un son carillonnant éternellement identifié à Roger McGuinn et aux Byrds. La difficulté liée au maniement de cet instrument et la finesse du son qui en émane ont fait d'elle un nom mythique. John Lennon avec les Beatles, Pete Townshend avec les Who, John Fogerty avec Creedence Clearwater Revival ont contribué au prestige de cet instrument, relayés plus tard par Paul Weller avec The Jam, Tom Petty et Peter Buck avec REM.
Les Fender ont pour elles la clarté de leur son et l'économie de leur design ; les Gibson leur chaleur, leur puissance et leur sustain ; les Gretsch leur délicieuse distorsion naturelle et leur apparence (les Cadillac de la lutherie électrique) ; les Rickenbacker, elles, ont d'autre qualités, moins aisées à définir. Pour commencer, ce ne sont pas des instruments de guitar heroes ; pas assez de sustain pour faire son Santana ou son Alvin Lee. En revanche, leur supériorité est évidente lorsqu'il s'agit de travailler en accords plaqués (comme Pete Townshend) ou en arpèges (comme Roger McGuinn). La relation de sympathie tonale entre les six ou douze cordes d'une bonne Rickenbacker permet de créer avec un motif sur trois notes une véritable cascade musicale, un carillon idéalement adapté au picking électrique dont le folk-rock des années 60 (et, plus tard, les groupes à guitares du rock dit indépendant des années 80) s'est fait une spécialité. Peu importe que le son soit plus mince que celui, si l'on veut, d'une Gibson et qu'il n'ait pas les ressources de celui d'une Fender Telecaster : avec un rien de réverbération, le riff le plus anodin acquiert une luminosité on ne peut plus flatteuse, dont les guitaristes aux doigts moins fragiles ont su (et savent) tirer parti au maximum.
Au début des années 20, George Beauchamp un spécialiste de guitare hawaiienne, avait de plus en plus de mal à se faire entendre au sein d'ensembles dont la taille n'avait cessé de grossir. Comment lutter contre une section de cuivres, par exemple. Réponse : en amplifiant l'instrument, Beauchamp se mit alors à bricoler toute une gamme de résonateurs coniques fixés ensuite sur la caisse en aluminium de sa guitare hawaiienne. Après plusieurs années de tâtonnements, Beauchamp et Dopyera réussirent à finaliser un prototype qui fut aussitôt mis en production avec le soutien financier d'un cousin millionnaire. Mais l'aventure fut de courte durée. Le cousin fit banqueroute, Dopyera retira son investissement et Beauchamp se retrouva seul, sans un sou. Mais pas sans idées.
Les résonateurs étaient purement acoustiques. Beauchamp, qui s'était livré à des expériences sur le microphones dès 1925, chercha alors à adapter cette nouvelle technologie à sa guitare pour lui donner plus de coffre ; ce qu'il fit en l'électrifiant. La Frying Pan était née. Restait à la fabriquer en série, et à la commercialiser. Beauchamp se tourna vers l'un de ses amis, l'industriel Adolph Rickenbacker, u homme d'affaires d'origine suisse qui donna son nom aux instruments développés par Beauchamp ; Rickenbacker était plus facile à prononcer que Beauchamp pour un palais américain et avait l'avantagé d'être un patronyme déjà bine connu du public, en raison des exploits d'un lointain cousin d'Adolph, Eddie Rickenbacker, l'un des pionniers de l'aviation américaine.
Nous étions alors en 1931, au cœur de la Grande Dépression , ce qui n'empêcha pas la Frying Pan de devenir la guitare hawaiienne la plus populaire sur le marché (elle sera produite jusque dans les années 50 et demeure le modèle préféré de nombreux spécialistes). Rickenbacker eut vite fait de consolider ce succès en lançant ses premières guitares électrique jazz, comme la Ken Roberts Model, la Model S-59 et le Bakelite Model B de 1935, autant d'instruments pour lesquels la firme californienne avait crée une série d'amplificateurs spécifiques. Pour la petite histoire, Rickenbacker construisit également un prototype de harpe électrique pour un client fameux : Harpo Marx.
Mais ce qu'en 1953 que Rickenbacker devint un concurrent sérieux pour Gibson et Fender, lorsque l'entreprise fut acquise par F.C. Hall, un ancien collaborateur de Leo Fender qui comprit tout de suite le profit qu'il pouvait tirer de la demande issue de la naissance du rock'n' roll. C'est ainsi qu'il lança les modèles Combo 600 et 80, puis, en 1956, la grand-mère des Rickenbacker classiques, Combo 400, première ébauche du style papillon ou tulipe qui serait si populaire la décennie suivante. En 1958, la Capri était née, ainsi que les première basses, au son claquant, que ses instrumentistes comme John Enwistle (des Who), Chris Squire (de Yes) et Paul McCartney adopteraient quelques années plus tard.
Rickenbacker doit une reconnaissance éternelle aux Beatles et à John Lennon en particulier, qui ne posséda pas moins de quatre Rickenbacker. Dès 1960, alors que les Beatles n'en étaient encore qu'à chauffer la salle du Red Star à Hambourg, Lennon ne se séparait pas de sa Model 325, la seule guitare dont il se fut servi en studio jusqu'en 1964, après quoi il la remplaça par une autre 325, puis par une 1996 vite surnommée la « Beatlebacker ». Bien qu'il ait toujours privilégié la Grestsch, George Harrison lui aussi avait un faible pour les Rickies et en particulier pour a douze cordes Model 360 (que l'on peut entendre dans l'intro de « A Hard Day's Night », par exemple, ou dans la rythmique d' « Eight Days A Week ».
Roger McGuinn, le guitariste des Byrds, avait jeté son dévolu sur la 360 de Harrison après avoir vu le film A Hard Day's Night et en fit l'instrument fétiche de son groupe et, au-delà, de toute la nébuleuse folk-rock, qui ne faisait alors que s'esquisser. De fait, aucun autre luthier n'arrivait et n'arrive à la cheville de Rickenbacker pour ce qui est des douze cordes ; et la demande se fit si forte qu'on devait alors patienter jusqu'à six mois après commande pour enfin recevoir le précieux instrument. Les Rickenbacker étaient tellement la mode dans les années 60 que la firme produisit même une guitare doublement électrique, la Model 311, dont le corps changeait de couleur en fonction des cordes jouées. Jaune pour les notes aiguës, rouge pour le registre medium et bleu pour les basses…
Les années 70 virent un changement de direction : les Beatles, les Byrds et le psychédélisme avaient vécu, et Rickenbacker dut au succès de ses basses de pouvoir survivre dans un marché déprimé, avant que de nouveaux artistes, des guitaristes comme Tom Petty, XTC, The Jam et Rem ne reprennent la flambeau. De nos jours, Rickenbacker se contente de bien vivre sur ses gloires passées et consacre l'essentiel de ses activités à la réédition de ses modèles classiques, à jamais électrifiés au son des années 60.