The Coasters COASTERS, THE : groupe vocal de doo-wop et rhythm'n' blues américain, 1949.

- Carl Gardner (ténor et soliste). Né le 29.04.1928 à Tyler (Texas).
- Cornell Gunter (ténor). Né le 14.11.1938 à Los Angeles (Californie). Mort le 27.02.1990 à Las Vegas (Nevada).
- Billy Guy (baryton). Né le 20.06.1936 à Attasca (Texas).
- Leon Hughes (ténor). Né en 1938.
- Bobby Nunn (baryton basse). Né en 1925 à Birmingham (Alabama). Mort le 05.11.1986.
- Will « Dub » Jones (basse). Né en 1939 à Los Angeles.
- Adolph Jacobs (guitariste). Né à Oakland (Californie).
- Earl Speedo Carroll (ténor). Né le 02.11.1937 à New York City (New York).
- Obie Young Jessie (ténor).

Amuseurs publics de plusieurs générations, surnommés « The Clown Princes Of Rock'n' Roll » (les princes-clowns du rock'n' roll) et interprètes de prédilection du plus grand duo auteur-compositeur de l'histoire du rhythm'n' blues et du rock'n' roll (Leiber & Stoller), ce groupe vocal californien, mais établi à New York, fut le premier à être reçu au Rock'n' Roll Hall of Fame en 1987. Et, pour une fois, personne n'y trouva à redire. Ils ont été les créateurs de « Yakety Yak » et « Poison Ivy », parmi leurs succès les plus connus.

Les Coasters sont nés avant le rock'n' roll. En 1949, pour être précis, à Los Angeles, lorsque le chef d'orchestre Johnny Otis, impressionné par le succès commercial des tout premiers groupes de doo-wop, recruta un ensemble nommé The A-Sharp Trio dont le soliste, Carl Gardner, sera la pierre angulaire des Coasters tout au long de leur carrière. Renforcés par le puissant baryton-basse de Bobby Nunn, les Robins (premier nom de la formation) gravèrent une poignée de 78 tours avant leur rencontre providentielle avec deux jeunes auteurs-compositeurs juifs new yorkais, Jerry Leiber et Mike Stoller. Si leur première collaboration ne fut guère d'étincelles, il devait en aller tout autrement lorsque Leiber et Stoller, forts d'une série de succès pour d'autres artistes noirs comme Big Mama Thornton et Little Willie Littlefield, montèrent leur propre label, Spark Records. Début 1954, aux studios Master Recorders de Los Angeles, les Robins enregistraient avec l'appui de Richard Berry, l'auteur de « Louie Louie », un titre qui allait définir leur style en trois minutes d'énergie pure : « Riot In Cell Block N°9 », l'un des plus grands classiques de l'histoire du rock. Encore aujourd'hui, ce titre est de la dynamite, des mitraillettes de l'intro au riff menaçant asséné avec une violence inouïe par Stoller au piano, Gil Bernal au saxophone et Barney Kessel à la guitare électrique. Le sujet de la chanson elle-même avait de quoi surprendre : une révolte dans une prison, mais la surprise serait toujours une arme maîtresse dans la panoplie des futurs Coasters. A preuve, l'un de leurs disques suivants, « Framed » décrit comment un jeune noir est victime d'un coup monté de la police. On est très loin des romances chères aux Penguins ou aux Flamingos.

Malgré le succès de ces classiques, Leiber et Stoller devaient changer de bivouac en 1955, et monter leur campement chez Atlantic en raison de problèmes chroniques de distribution. Trois des Robins (Billy et Roy Richards et Ty Tyrell) quittent alors le groupe pour être remplacés par Leon Hughes (auquel Jessie succède en 1957) et Billy Guy. Les Robins changent d'identité et deviennent les Coasters, mais, si le nom a changé, le son est demeuré et demeurera le même.

Vocalement, Gardner est le point focal du groupe. A un sens rythmique strictement musical hors du commun, il allie un timing de comédien, idéal pour les saynètes humoristiques de Leiber et Stoller. Ce denier, installé au piano, concocte de véritables orchestrations pour combo jazz, qui empruntent la décontraction de leur beat au rhythm'n' blues de La Nouvelle-Orléans et leur sophistication harmonique aux partitions de compositeurs comme Elmer Bernstein ou Darius Milhaud, dont Stoller a été l'élève. En studio, on ne mégote pas sur le temps ou le nombre de prises, le timing doit être parfait. « Nous n'écrivons pas des chansons, nous écrivons des disques », ne cessent de répéter Leiber et Stoller. Et les résultats sont époustouflants : « Down In Mexico » (1956) avec son pont latino digne du meilleur Machito. En 1957, « Searchin » donne au groupe son premier disque d'or, et fait des Coasters des stars de l'envergure de Little Richard ou de Fats Domino, avec les quels ils sillonnent les Etats-Unis.

Le succès ne coupe pas les ailes des Coasters. Pour reprendre la définition de Leiber lui-même, les paroles de leurs chansons reflètent « le point de vue qu'un jeune américain blanc (Leiber lui-même) peut se faire de la conception qu'un Noir a de la société blanche ». Pour chaque « Yakety Yak » ou « Charlie Brown » (gigantesques tubes dans les cours de récréation en 1958 et 1959) on trouve plusieurs « Shoppin' For Clothes » une saynète musicale de trois minutes qui en dit plus long sur la discrimination raciale que n'importe quel sermon : comment un jeune Noir se fait humilier dans un grand magasin lorsqu'il se rend compte qu'il aura jamais assez de dollars pour s'offrir le costume dont il rêve. « Pure Herringbone » rêvasse 1354 e pauvre Billy Gur, promu soliste : « That is a suit you'll never own », lui répond « Dub » Jones. Ou encore « Run, Red, Run » : comment un esclave parvient à rouler son maître avec l'aide d'un mulet.

Désormais fixés à New York, ce qui a causé le départ de Jessie et de Nunn, remplacés par Gunter et l'ex-Cadet « Dub » Jones, Leiber et Stoller sont aspirés dans un tourbillon créatif qui, hélas, mille fois hélas, les éloigne de leurs poulains favoris. Courtisés par Ben E. King, les Drifters, les Isley Brothers, LaVern Baker… sans parler de la création de leur label Red Bird, les deux hommes parviennent encore à offrir des merveilles comme le salace « Little Egypt », « Girls, Girls, Girls » ou « Along Came Jones » mais pas pour longtemps. Les tubes e tarissent en 1961, et les Coasters se séparent de Leiber et Stoller jusqu'en 1967, date de leur ultime embellie discographique. En quelques mois, ils gravent avec le duo « Down Home Girl », « Love Potion N°9 » et « D.W. Washburn », hilarante histoire d'un pochard qui en envoie bouler des volontaires de l'Armée du Salut. Earl Carroll a pris la place de Gunter, qui formera bientôt ses propres Coasters. Mais cette formation est sans lendemain, et les Coasters s'enfoncent dans une bien triste histoire de groupes rivaux et de violence.

En 1971, King Curtis, dont les bégaiements de saxophone ont aidé à définir le son du groupe, est poignardé à New York. En 1980, le cadavre mutilé du baryton-basse Nathaniel « Buster » Wilson, l'un des « nouveaux » Coasters, est retrouvé près du barrage de Hoover, en Californie. Bobby Nunn meurt en 1986. Quatre ans plus tard, Cornell Gunter est abattu à coups de revolver dans sa voiture à Las Vegas. Seul à avoir conservé la foi, Gardner, l'inamovible pilier du groupe, continue de tourner sans relâche. Il est sans doute le seul interprète de l'âge d'or du rhythm'n' blues à avoir posté des réminiscences bien mélancoliques sur l'Internet. « Je fais de mon mieux pour ne pas être amer du fond de mon obscurité », y écrit-il. « J'ai fréquenté la Mafia et brisé la « barrière de couleur » à Las Vegas, j'ai été défié par des racistes venus écouter de la musique de nègres, et j'ai parfois dû monter sur scène avec un revolver. Mais même aux moments les plus sombres, j'ai continué d'aller de l'avant. »

Que reste-t-il des Coasters ? Du début des années 50 à leurs derniers tubes, ils ont, en 50 millions de disques vendus, obligé un public blanc sevré par les bluettes de Bobby Darin à ouvrir ses oreilles à des chansons dont les thèmes allaient de la critique sociale pure aux dangers des maladies dites honteuses et au racisme des films de Hollywood. Le tout avec un sens de l'ironie, une élégance et un professionnalisme dont il serait vain de chercher le moindre équivalent parmi leurs contemporains.