Johnny Ace ACE, Johnny : chanteur et pianiste de rhythm'n' blues américain, 1952-1954. Né le 09.06.1929 à Memphis (Tennessee). Mort le 24.12.1954 à Houston (Texas).

La réputation posthume de ce chanteur de Memphis tient plus à sa mort bizarre au cours d'un jeu de roulette russe qu'aux succès qu'il aligna pur Duke, la compagnie de Don Robey, entre 1952 et 1954, suivis d'un ultime tube en 1955, pus d'un an après son décès.

Il fait ses premières années comme pianiste aux côtés d'un bluesman encore méconnu, B.B. King, à l'époque où celui-ci a son propre programme sur WDAI, une radio de Memphis. King devant partir pour une longue tournée américaine, Ace hérite de la place. Don Robey sent aussitôt le parti à tirer du jeune chanteur, et le premier 78 tours de Johnny Ace devient n°1 en septembre 1952 (une place que cette chanson, une ballade lugubre intitulée « My Song » devait occuper neuf semaines (Aretha Franklin donnera une seconde vie à ce titre en 1968). Il est encore accompagné par un groupe jazzy nommé les Beale Streeters, comme dans « Cross My Heart », son succès de l'hiver 1953. Robey a d'autres idées en tête ; la douceur du timbre d'Ace (et son physique de jeune premier) font de lui un candidat parfait pour le crossover dont rêvent tous les artistes noirs de l'époque, furieux de voir leurs chansons reprises par de pâles imitations pour le marché blanc.

Dès le disque suivant (« The Clock », un nouveau n°1 rhythm'n' blues, en juillet 1953), Johnny Ace se produit en solo, accompagné pour la circonstance par le groupe du grand Johnny Otis. 1954 commence comme 1953 s'est achevée : « Swing My Love For You », « Please Forgive Me » et « Never Let Me Go » figurent chaque fois dans les dix premiers du classement. Récompense suprême : Cash Box, le magasine officiel de l'industrie américaine du disque, décrète Johnny Ace l'artiste de rhythm'n' blues le plus diffusé à la radio dans le pays tout entier. Par une ironie tragique, ce n'est qu'après sa mort que la marque de Johnny Ace parvient enfin à s'imprimer sur les classements tous publics grâce à une ballade intitulée « Pledging My Love », suivie d'un ultime succès rhythm'n' blues, « Anymore », n°7 en août 1955. La première de ces chansons est sans doute celle dont on se souvient le mieux dans sa version originale, ayant figuré dans la BO du film d'horreur Christine de John Carpenter. Pour ce qui est de l'interprète (dont les disques, fait presque unique dans les annales du rhythm'n' blues, n'ont jamais cessé d'être distribués), hélas, le romantisme factice qui entoure les « martyrs du rock » a obscurci la qualité remarquable de ses enregistrements par un statut de « première victime du rock'n' roll » dont il se serait bien passé. On ignore encore comment Ace, avant l'un de ses concerts, se laissa entraîner dans un jeu de roulette russe avec l'issue que l'on connaît. Peut-être aurait-il pu devenir un autre Fats Domino, voire un autre Sam Cooke. Cette incertitude a nourri sa légende et en a fait l'une des figures majeures du rhythm'n' blues des années 50.