Joan Baez BAEZ, Joan (Joan Chandos) : chanteuse de folk américaine, 1960. Née le 09.01.1941 à Staten Island (New York).

Reine du folk, chanteuse engagée des années 60 et 70 à la voix de soprano douloureusement pure, compagne historique de Bob Dylan, elle a incarné le combat en chansons pour les Droits de l'homme.

« Trois décennies d'activisme social à travers le monde en faveur des opprimés (les noirs des cités, les indiens d'Amérique, les ouvriers immigrants mexicains, les prisonniers politiques, les dissidents) m'ont permis d'exorciser mes démons intérieurs. J'ai toujours essayé d'être bonne, pure, honnête envers tout le monde et ça m'a complètement épuisée! »

Fille d'une écossaise et d'un chanteur mexicain travaillant pour l'Unesco, elle débute dans les coffee houses de Boston. Mais c'est à 18 ans, au premier festival de Newport, en août 1959, que triomphe cette jeune bohémienne aux longs cheveux noirs et aux boucles d'oreilles dorées qui chante de plaintives chansons folk traditionnelles, enroulée dans une robe de madras et pieds nus. Le lendemain, Time, qui lui consacrera bientôt sa couverture, la baptise « la Madonne des pauvres » et « la Vierge Marie folk ».Courtisée par Albert Grossman et Columbia, elle préfère signer chez Vanguard, petit label spécialisé dans le classique et le blues. Son premier album, Joan Baez (1960) est n°3. Les autres, au rythme de deux par an, auront le même succès, notamment Joan Baez In Concert Volume 2 (1963) et Farewell Angelina (1965).

Son destin bascule lorsqu'elle rencontre Bob Dylan, à Gerde's Folk City, en 1961. Elle tombe aussitôt amoureuse du poète vagabond. Deux ans plus tard, ils vivent ensemble, à Woodstock puis à Carnel : en août, elle l'emmène en tournée, le présentant chaque soir aux dizaines de milliers de personnes venues l'applaudir. Elle lance ainsi la carrière de celui qu'elle fera couronner « roi du folk » à Newport, chantant en duo avec lui « With God On Our Side » et « Blowin' In The Wind ». Soudé par les chansons qu'il écrit et dont elle fait, elle aussi, des tubes (« Farewell Angelina », « Love Is A Four-Letter Word », « Don't Think Twice, It's Alright », « It's All Over Now Baby Blue ») et des classiques (« A Hard Rain's A-Gonna Fall », « I Shall Be Released »…), le couple est le symbole de la nouvelle gauche américaine. Leur relation se poursuivra bien au-delà de leur rupture, au printemps 1965, involontairement racontée dans le documentaire Don't Look Back, après une dernière tournée.

Avec ou sans Dylan, la carrière de Joan Baez est rythmée par son engagement en faveur des Droits de l'homme. En 1963, elle est aux côtés de Martin Luther King lorsqu'il prononce son discours historique (« I had a dream… »), faisant chanter aux trois cent cinquante mille manifestants présents dans les rues de Washington le fameux « We Shall Overcome ». Elle sera avec lui à Montgomery (Alabama) pour protester contre la ségrégation raciale, face à la police qui charge, puis en 1966 à Grenada (Mississippi), face au Ku Klux Klan, qui prétend interdire aux enfants noirs l'accès aux écoles, malgré l'obtention des droits civiques. Elle renouvellera toute sa vie ces engagements, sous les bombes à Hanoi, en Pologne auprès de Solidarnosc, en ex-URSS avec Sakharov et Elena Bonner, dans les camps de réfugiés au Cambodge, en Thaïlande et en Malaisie, auprès des mères de disparus en Argentine et au Chili, en Palestine dans les territoires dits occupés. Cette quakeresse disciple de Gandhi a refusé de payer ses impôts pour protester contre la guerre au Vietnam. Elle fondera l'institut pour l'étude de la non-violence, puis Humanitas, et présidera la branche Côte Ouest d'Amnesty International. Elle sera emprisonnée à deux reprises, comme son mari David Harris, avocat activiste épousé en 1968, dont elle divorcera en 1972, peu après la naissance de leur fils Gabriel.

Enceinte, elle entonne « Joe Hill » dans la nuit à Woodstock. Ce sera le prélude à sa présence dans la plupart des grands rassemblements à venir, jusqu'à Live Aid et les tournées d'Amnesty International en 1986 et 1988, auprès de Sting, U2 et Peter Gabriel.

Sa carrière souffrira de cet engagement politique. Si, à ses débuts, elle ne chantait que les ballades anglo-irlandaises et leurs versions des Appalaches, la découverte de Dylan la pousse vers les auteurs de la génération folk : Phil Ochs (« There But For Fortune »), Paul Simon (« The Dangling Conversation », « The Boxer »), Tim Hardin (« The Lady Came From Baltimore »), « If I Were A Carpenter »), Donnovan (« Colours »), Leonard Cohen « Suzanne »), John Prine (« Hello In There »), Janis Ian (« Jesse ») et son beau-frère Richard Farina, auxquels s'ajoutent Brel («  La Colombe  »), Léo Ferré (« Pauvre Rutebeuf ») et même Yves Duteil. En 1971, elle enregistre sur le double Blessed Are ce qui restera son plus gros tube aux Etats-Unis, une version de « The Night They Drove Old Dixie Down » de The Band. Elle alternera ces succès avec des albums de genre, chantant Rimbaud, Lorca, Blake, Joyce et Prévert. Son plus grand succès, en Europe, sera « Here's To You », une des chansons qu'Ennio Morricone a composées pour le film Sacco et Vanzetti. Elle chante en espagnol et enregistre un album en pleine guerre à Hanoi (Where Are You Now My Son ?, 1973).

Encouragée par Dylan, à qui elle consacre un double album en 1970, Any Day Now, elle n'a commencé à écrire ses propres chansons qu'à la fin des années 60, au moment de son virage country avec David's Album et One Day At A Time. Chez A & M, elle gravera ses albums les plus musicaux : Come From The Shadows (1972) avec son remarquable « Love Song To A Stranger » ; le magnifique Diamonds And Rust (1975) où elle est somptueusement accompagnée par Larry Carlton, les Crusaders et Joni Mitchell ; From Every Stage, double live soigné et Gulf Winds (1976) dont elle a composé toutes les chansons. Curieusement, elle déclinera aussitôt après la légendaire « Rolling Thunder Revue » où elle retrouve Dylan et au cours de laquelle il réalise le film Renaldo and Clara, dont ils partagent la vedette. Elle traverse difficilement les années 80, sans label, réfugiée en Europe où son succès n'a jamais été aussi grand. Là, transformée en juke-box humanitaire chantant Bob Dylan, John Lennon, les Beatles, Bob Marley, Johnny Clegg, Dire Straits et Peter Gabriel, elle fera les beaux jours du mitterrandisme, déjeunant avec le président et sa femme à l'Elysée, chantant place de la Concorde le 15 juillet 1983 et enfin couronnant avec Bruce Springsteen la fête de SOS Racisme en juin 1988, peu après la parution d'une autobiographie remarquable d'honnêteté, Et une voix pour chanter.

Avec l'aide de Mickey Hart, elle essaiera d'enregistrer un album avec les Grateful Dead dont aucune maison de disques ne voudra. Aussi après un triste Live In Europe 83, elle échoue chez un petit label de Los Angeles, où elle grave le digne Recently (1988) et, pour ses trente ans de carrière, Speaking Of Dreams (1989) où le sublime (des duos avec Paul Simon et Jackson Browne, un « Carrickfergus » digne de ses plus beaux jours) côtoie le médiocre. En 1992, elle signe chez Virgin USA, et après une collaboration avortée avec Lenny Kravitz, publie Play Me Backwards (1992) qui est venu rappeler que Joan Baez, connue pour son engagement sur toute la planète, est peut-être, aux côtés d'Edith Piaf, Bessie Smith, Billie Holiday et Janis Joplin, une des chanteuses les plus marquantes du siècle.