Jackie Wilson WILSON, Jackie (Jack Leroy Wilson) : chanteur de gospel, rock, rhythm'n' blues et pop américain, 1956-1975. Né le 09.06.1934 à Detroit (Michigan). Mort le 21.01.1984 à Mount Holly (New Jersey).

Auteur d'un des plus célèbres succès des débuts du rock'n' roll, « Reet Petite », de « Lonely Teardrops » et de « (Your Love Keeps Lifting Me) Higher And Higher », ce chanteur de Detroit avait en lui de quoi être l'égal d'un James Brown. Doté d'une voix extraordinaire, d'une rare puissance dans les aigus, qui lui a valu le surnom de « Presley noir », interprète possédé et théâtral pétri de gospel, appelé « Mr. Excitement », il était capable de donner un lustre, un dynamisme et une puissance, proches d'un chanteur d'opéra, aux quatre cents chansons qu'il a interprétées, couvrant de nombreux genres. Son style annonça la soul des années 60, à égalité avec Sam Cooke. Sous l'emprise d'imprésarios liés à la mafia, éthylique, cocaïnomane, blessé par une fan surexcitée, armée d'un pistolet, il a eu une vie à la conclusion digne d'un mélodrame. Il a eu plus de 50 chansons classées dans le Top 100 américain.

Issu du ghetto de Detroit, il apprend tôt à se défendre avec ses poings. A l'âge de seize ans, il est admis comme boxeur dans la section des Golden Gloves, mentant sur son âge. Sa mère parvient à le dissuader et le convainc de cultiver le chant. Chantant depuis l'enfance, membre de la chorale des Ever Ready Gospel Singers, il rallie les Thrillers dont Hank Ballard et Sonny Woods, des Midnighters, font aussi brièvement partie. Sous le nom de Sonny Wilson, il enregistre avec l'orchestre de Billy Mitchell pour Dee Gee, compagnie de disques du trompettiste de jazz Dizzy Gillepsie (1951). Johnny Otis l'oriente vers Billy Ward qui cherche un chanteur pour remplacer Clyde McPhatter au sein des Dominoes (1953). Avec eux, Wilson apprend à maîtriser tous les tempos, du plus suave au plus musclé, passant avec aisance de la suggestion délicate au double sens le plus osé. Après avoir quitté les Dominoes (fin 1956), il confie ses affaires à Al Green, déjà agent de LaVern Baker et de Johnnie Ray, qui lui procure un contrat avec Brunswick juste avant sa mort en 1957, Jackie Wilson collabore avec Berry Gordy Jr., futur fondateur des disques Tamla Motown, qui compose avec lui le fameux « Reet Petite », un succès immédiat dans le marché rhythm'n' blues, avec les inimitables onomatopées de Wilson et le fameux « oh-oh-oh-oh » du refrain, redoublé par des cuivres swingant à l'unisson. Elvis Presley, qui l'a entendu chanter « Don't Be Cruel » avec les Dominoes, à Las Vegas, en modifie sa propre interprétation. On voit Jackie Wilson dans les spectacles d'Alan Freed et dans le film Go, Johnny, Go. Berry Gordy coécrira avec Wilson et son cousin Billy Davis, alias Tyran Carlo, deux de ses titres les plus célèbres : « To Be Loved », « Lonely Teardrops », qui préfigureront le style de Motown. Cette association se terminera par une brouille, et de nombreux connaisseurs ont spéculé sur ce qu'aurait été la carrière de Jackie Wilson s'il était resté associé à Tamla Motown.

A la fin des années 50, Jackie Wilson connaît, aux Etats-Unis, une popularité comparable à celle d'Elvis Presley, même s'il se produit surtout, guidé par son nouvel imprésario Nat Tarnopol, devant un public blanc et relativement aisé dans des cabarets, comme à la Copacabana de New York. Sur scène, il offre un spectacle inoubliable, pleine d'une énergie folle, avec un jeu de jambes digne du boxeur qu'il faillit être, déchirant sa veste et la faisant tournoyer au-dessus de sa tête, félin à la manière d'un James Brown, avec une voix qui aurait pu faire de lui un spécialiste du bel canto. Il suscite l'hystérie collective auprès d'une partie de son public féminin. Rendue folle par son idole, une admiratrice le poursuivra d'ailleurs, en 1961, jusque dans sa chambre d'hôtel, lui tirant dessus et le blessant. Il connaît alors l'apogée de son succès commercial : « Night », pour un air tiré de l'opéra de Saint-Saëns Samson et Dalida, « Alone At Last », sur une mélodie du concerto pour piano n°1 en si mineur de Tchaïkovski, « My Empty Armes », inspiré par Ruggiero Leoncavallo, ce qui constitue une série ininterrompue de titres classés dans le Top 30 jusqu'à « Baby Workhouse ». Comme beaucoup d'interprètes d'alors, Jackie Wilson sera bousculé par le changement de modes introduit par l'arrivée de l'invasion britannique et mettra quelques temps à trouver un second souffle, enregistrant souvent dans un style daté qui doit beaucoup au music-hall. Sa carrière redémarrera fin 1966 grâce au producteur de Chicago Carl Davis, collaborateur de Jerry Butler, Gene Chandler et Major Lance. Après « Whiskeys », une chanson de Barbara Acklin, il signe un de ses titres les plus fameux, « (Your Love Keeps Lifting Me) Higher And Higher », qui sera repris par Otis Redding et Ike & Tina Turner. Il compose une partie de son répertoire avec Alonzo Tucker (1962-1965). Après avoir chanté de duos avec Linda Hopkins, qu'il a découverte (1962), LaVern Baker, il est accompagné par l'orchestre de Count Basie pour des reprises de « For Your Precious Love » et « Chain Gang » (1968) et l'album Manufacturers Of Soul. Il sera à nouveau victime du changement des modes à partir de 1968, même s'il connaît un succès constant dans le circuit des cabarets et casinos.

Tragiquement, le 29 septembre 1975, alors qu'il âgé de 41, il est victime d'une attaque cardiaque durant un spectacle organisé par Dick Clark sur la scène du Latin Casino de Cherry Hill, New Jersey. Après avoir passé quatre mois dans le coma, il reprendra conscience, mais ne pourra plus ni parler ni marcher. Barry White, les Spinners et quelques autres organisent des concerts pour lui venir en aide financièrement. Ayant appris son accident, Presley enverra un chèque de 30 000 dollars à son épouse. Jackie Wilson mourra en 1984 et sera inhumé à Detroit, de manière pourtant anonyme.