Otis Blackwell BLACKWELL, Otis : chanteur et compositeur de rock'n' roll et rhythm'n' blues américain, 1956. Né en 1931 à Brooklyn (New York).

Cet auteur-compositeur new-yorkais présente la particularité d'avoir été le seul artiste noir à collaborer avec Elvis Presley. On lui doit des classiques universels comme « Fever », « Great Balls Of Fire » et « Don't Be Cruel ».

A peine sorti de l'adolescence, Blackwell gagne un concours comme chanteur au fameux Appolo Theatre de Harlem, l'un des temples du rhythm'n' blues. Mais lorsqu'il retourne dans son appartement du quartier juif de Brooklyn, ce sont les ballades country de Hank Williams et de Jimmie Rodgers qu'il écoute avec passion. Ce paradoxe a vite fait de se traduire dans ses propres compositions, qu'il enregistre alors pour les labels Joe Davis, RCA et Groove. L'une de ses premières chansons reprise plus tard par nombre de groupes mod anglais, les Who en particulier : « Daddy Rolling Stone », également un tube pour Derek Martin en Jamaïque. En 1956, il trouve enfin sa formule : Little Willie John vend plus d'un million d'exemplaires de son « Fever », dont Peggy Lee fera un succès mondial deux ans plus tard. Deux pincées de rhythm'n' blues, une pincée de country and western : du premier genre, Blackwell, dont l'instrument de prédilection est le piano, retient l'urgence rythmique et les harmonies dérivées du blues ; du second, il embrasse l'immédiateté mélodique et certains « tics » de chant très proches de ceux de son interprète de prédilection, Elvis Presley.

Le 2 juillet 1956, Presley entre en studio avec les Jordanaires aux studios RCA de New York, pour une séance historique : trois titres sont enregistrés, dont le « Hound Dog » de Leiber & Stoller et une toute nouvelle composition d'Otis Blackwell intitulée « Don't Be Cruel ». Le 45 tours qui regroupe ces deux titres sort un mois plu tard, et s'installe au n°1 américain pendant sept semaines : 5 millions d'exemplaires vendus (un record pour Elvis à l'époque), et, pour Blackwell, le début d'une fructueuse collaboration qui débouche sur une série d'énormes succès censément coécrits avec Presley : « All Shook Up » en avril 1957, n°1 deux mois d'affilée, double disque d'or ; « Paralysed » en septembre 1957, un tube en Grande-Bretagne et dans le reste de l'Europe. En novembre 1962 (le service militaire du King explique cette faille dans le temps), « Return To Sender » un autre double disque d'or. Et enfin, en mars 1963, « One Broken Heart For Sale », extrait du film It Happened At The World's Fair.

Blackwell ne s'est pas contenté d'être le « nègre » d'Elvis. Jerry Lee Lewis obtient son plus grand succès avec le légendaire « Great Balls Of Fire » (janvier 1958), dont plus d'un million d'exemplaires sont vendus en une dizaine de jours, et récidive trois mois plus tard avec « Breathless ». La même année (Elvis est alors caporal de l'US Army en Allemagne), Dee Clark est n°18 avec « Just Keep It Up » (1959), suivi de « Hey Little Girl ». E 1960, ce sera au tour de Jimmy Jones (« Handy Man ») et d'un Cliff Richard qui vient fêter ses vingt ans (« Nine Times Out Of Ten ») d'assurer la présence de Blackwell dans les classements.

Comme Leiber & Stoller, Chuck Berry et tous les autres grands auteurs de chansons de l'ère du rock'n' roll, Blackwell sera mis sur la touche dans les années 60. Les jeunes auteurs-compositeurs du Brill Building (Carole King, Neil Sedaka, Mann et Weil, Barry & Greenwich) et, à partir de 1964, les Beatles et leurs imitateurs imposent un son pop qu'il ne peut pas maîtriser. Il cesse alors d'écrire pour les autres et renoue avec sa carrière d'interprète pour des firmes comme MGM et Atlantic, sans plus de succès que la première fois. Riche et désabusé, Blackwell se résout alors à prendre une demi-retraite dont il ne sort qu'en 1978, pour publier un album de ses classiques les plus célèbres, These Are My Songs !, coproduit par Herb Abramson d'Atlantic. Il demeure l'un des très rares géants du rock'n' roll à n'avoir reçu aucune distinction de ces multiples « Académies du Rock » qui ont célébré des talents bien moindres.