Chuck Berry BERRY, Chuck (Charles Edward Anderson) : chanteur, guitariste et auteur-compositeur de rock'n' roll américain, 1955. Né le 18.10.1926 à Saint Louis (Missouri).

"Si vous voulez donner un autre nom au "rock" appelez-le Chuck Berry!!" John Lennon.

"Roll over Beethoven. Tell Tchaïkovski the news. I got a rockin' pneumonia. I need a shot of rythm'n blues." (Retourne-toi dasn ta tombe Beethoven. Passe la nouvelle à Tchaïkovski. J'ai une pneumonie qui me secoue. J'ai besoin d'une injection de rythm'n blues.) Si l'on devait ce qu'est le rock'n roll à un martien, il suffirait de lui faire écouter Chuck Berry, auteur des Tables de la loi du rock et guitariste noir fondamental. Au sommet de son art, entre 1955 et 1964, il a composé une trentaine de classiques, de "Maybellene" à "No Particular Place To Go", en passant par Johnny B Goode" qui ont défini le rock, son esthétique, ses thèmes, ses riffs. A travers lui, le style de vie des adolescents américains a été mythifié, séduisant la jeunesse de la planète pendant au moins deux générations. D'Elvis Presley à Jimi Hendrix, des Beatles aux Rolling Stones, des Beach Boys à Bruce Springteen, tous sont ses héritiers directs, ses débiteurs, ses enfants. Il n'obtiendra jamais le succès commercial d'un Elvis Presley parce qu'il est noir mais sortira la jeunesse américaine de l'après-maccarthysme de son état de frustration.

Il apprend à jouer blues, jazz et swing à la guitare. Il passe trois ans en maison de correction pour vol à main armée. A sa sortie, il compose déjà des chansons qu'il commence à enregistrer lors de l'acquisition en 1951 de son premier magnétophone. Marié et père de deux enfants, il forme en 1952 avec le pianiste blues Johnny Johnson et le batteur Ebby Harding, un trio qui se produit dans le club de Saint Louis devenant rapidement populaire. Il crée aussitôt sa propre concurrence au Crank Club rival, à la tête du Chuck Berry Combo. Début 1955, un pélerinage à Chicago permet à cet excellent bluesman à ses heures de rencontrer Muddy Waters qui lui obtient une audition chez Chess Records. La maquette d'"Ida Mae" qu'il y enregistre lui suffit à décrocher un contrat, rebaptisée après "Maybellene". La chanson, enregistrée avec un beat appuyé caractéristique est proposé au disc jokey Alan Freed. La légende est née et elle devient le 2ème tube de l'histoire officielle du rock'n roll, sur les talons du succès international de "Rock Around The Clock".

"Thirty Days", "No Money Down" suivront puis "Roll Over Beethoven" (tube en 1964 pour les Beatles qui enregistrèrent huit de ses compositions pour la BBC et il deviendra dans la version d'ELO neuf ans plus tard un hit international), "Too Much Monkey Business" et "Brown-Eyed Handsome Man" (dont la version de Buddy Holly sera n°3 en Grande Bretagne en 1963) en 1956. "School Days", "Reelin' And Rockin'" et "Rock n'n Roll Music" en 1957, l'autobiographique "Sweet Little Sixteen" et "Johnny B Goode" (repris par tout le monde au début des années 60) en 1958, "Back In The USA" (l'un des premiers hits de Linda Ronstadt en 1978), "Almost Grown" et "Let It Rock" en 1959 et "Bye Bye Johnny" en 1960. Elevé au contact du blues et du country et du werstern hillibilly, Chuck Berry trouve la recette du "rock'n' roll en créant littéralement certaines de ses bases mélodiques, poétiques et rythmiques : le "backbeat" batterie-contrebasse accentué hérite du rockabilly des Blancs. Au cours de cette période de création intense, ses paroles savoureuses et malicieuses, son jeu de guitare nerveux, son mélange savant de country et de rythm'n blues lui permettent de rivaliser avec les deux rois que le rock'n roll s'est donnés : Elvis Presley et Little Richard. Ses compositions sont carastérisées par un son de guitare plaintif et carillonnant typique, des oli et riffs rapides, incisifs, aigus comme intros ; un style de notes dédoublées d'accords prononcés durant les couplets, de "tirettes", courts soli à contretemps qui retombent à la fin sur le temps, indissociables de ses breaks entre les phrases, formule dont des générations de musiciens ont depuis usé et abusé ; une impression de rapidité intensifiée par la vélocité du rythme des mots et la remarquable clarté de sa diction ; et la fonction essentielle de ses textes plus marquée que chez ses contemporains, souvent incompréhensibles.

Il place 17 titres dans les vings premières places des classements rythm'n blues. En 1959; à l'apogée de sa carrière, Chuck Berry tourne dans quatre films (dont "Go, Johnny, Go" ; "Rock, Rock, Rock" et "Jazz On a Summer's Da"y où on peut voir une démonstration du fameux duckwalk) et tous ses titres passent à la radio. Il ouvre son club à Saint Louis, le Chuck Berry Club Band-Stand, finance lui-même ses nombreuses affaires et peut se vanter d'être l'uns des rares artistes noirs appréciés de la jeune clientèle blanche. Mais la société conservatrice a-t-elle vu chez lui une menace pour sa jeunesse ? Elle avait applaudi au départ de Presley pour le service national et réussit à se débarasser de cet autre roi du rock. A la fin de l'année 1961, il est arrêté à Saint Louis, accusé d'avoir transgressé le Mann Act et détourné une mineure, fille de vestiaire de son club. Il est condamné à vingt mois ferme, enfermé en 1962 au pénitencier fédéral de Terre Haute (Indiana).

Quand il en ressort, il n'a plus ni de famille ni club et le rock'n roll a perdu son énergie et sa spontanéité premières. Considéré comme un has-been dans son pays, légende en Europe, le créateur du "duckwalk" est vénéré par la nouvelle vague rock-pop britannique des années 60. Les Beatles ont présenté à un tout nouveau public deux des hymnes de leur idole "Roll Over Beethoven" et "Rock'n Roll Music". Pourtant il n'arrive pas à retrouver la verve de ses débuts. Mais quelques titres de cette période, sans être des succès commerciaux, sont des réussites : "No Particular Place To Go", "You Never Can Tell", "Promise Land", "It Wasn't Me" et "It's My Own Business". Les Beach Boys ont fait de "Sweet Little Sixteen" "Surfin' USA". Les Rolling Stones choisissent eux son "Come On" comme premier 45 tours. Ils enregistreront aussi "Little Queenie", "Carol", "You Can't Catch Me", Bye Bye Johnny", "Around And Around" et "Let It Rock", tout en s'inspirant des arrangements de "Route 66", "Down The Road Apiece et "Confessin' The Blues" pour leurs propres versions. Keith Richards, comme tant d'autres après lui, modéle son jeu de guitare et nombre de ses compositions, d'après le sien. Les Yardbirds ("Too Much Monkey Business"), les Kinks ("Beautiful Delilah") l'adaptent aussi. Ces hommages se poursuivront sans faiblir jusqu'au milieu des années 70 : Jimi Hendrix, Johnny Winter et le Grateful Dead reprennent "Johnny B Goode", rappel obligé de tous les groupes de blues rock des années 70. De John Lennon à Electric Light Orchestra, en passant par The Band et Ten Years After, on ne compte plus ceux qui l'ont mis à leur répertoire.

En mars 1964, il enregistre un album avec Bo Diddley et grâce à ses tournées, retrouve son audience internationale. En 1966, il délaisse Chess Records pour Mercury, il enregistre cinq albums en trois ans, médiocres dont un en public au Filmore en 1967 avec le Steve Miller Band. Il inaugure les années 70 par un retour bienvenu chez Chess où il publie "San Francisco Dues" et "Bio". Il enregistre à Londres avec Ian McLagan et Kenny Jones (Des Faces) et participe au Festival de Manchester Arts en 1972 où il interprète une comptine bluesy n°1 carrément pornographique "Ding-A-Ling". C'est son dernier exploit avant un nouvel emprisonnement en 1979 pour fraude fiscale.

En 1986, pour son soixantième anniversaire, son fils spirituel Keith Richards réussit à réunir un aéropage de rockers pour un concert exceptionnel à Saint Louis au Fox Theater. Ce concert fait l'objet du film-hommage Hail! Hail! Rock & Roll de Taylor Hackford, l'un des meilleurs de l'histoire du rock au cours duquel Chuck Berry ne peut s'empêcher d'humilier son fan n°1 devant les caméras. Les rock stars (en particulier Eric Clapton) expliquent la place unique du guitariste, dragueur, fraudeur, teigneux et radin auquel le monde entier ou presque a tout piqué en particulier tois accords de guitare légendaires.

"Le roi, c'est lui, c'est le Hank Williams du rock" (Jerry Lee Lewis).