GUITARE ELECTRIQUE : instrument de musique crée dans les années 30 aux Etats-Unis.

Les premiers prototypes de l'instrument central du rock furent construits au cours des années 30 et la production en série débuta dans les années 50. Sous sa forme originelle (six cordes) ou sous ses formes dérivées (guitare basse, guitare double-manche, guitare douze cordes, guitare-synthétiseur), elle est devenue le symbole même de cette musique.

La guitare électrique a plusieurs pères. En 1931, George Beauchamp, Paul Barth et Harry Watson construisent pour le compte de la firme californienne Rickenbacker une guitare dotée d'un capteur électromagnétique. Cet instrument, taillé dans une seule pièce de bois et baptisé « Frying Pan » (poêle à frire) en raison de sa forme primitive, nécessitait un amplificateur pour être entendu. En 1932, le capteur de la « Frying Pan », accompagné cette fois d'un contrôle de volume, d'un contrôle de tonalité et d'une prise de sortie au format jack, est installé sur une guitare jazz plus conventionnelle, l'Electro Spanish. Suivant l'exemple de Rickenbacker, des firmes comme Dobro, National, Epiphone et surtout Gibson se lancent à leur tour dans l'électrification des guitares. La Gibson ES-150 , lancée en 1936 et adoptée par le guitariste de jazz Charlie Christian et T-Bone Walker en 1937, s'inspire clairement de l'Electro Spanish. A ce stade, les guitares à caisse pleine sont encore pratiquement inexistantes. Rickenbacker fait exception en proposant la Vibrola Spanish, qui reçoit un système de vibrato motorisé (!) conçu par Clayton Orr Kauffmann, une première pour l'époque.

En 1939, un jeune musicien connu sous le nom de Les Paul présente un prototype appelé « The Log ». Grossièrement fini, l'instrument consiste en une bûche centrale protégée d'un manche de Gibson et complétée par deux moitiés de caisse empruntées à une guitare Epiphone. Selon Les Paul, cette conception permet aux capteurs électromagnétiques (ou micros) de reproduire un son pur, débarrassé des harmoniques indésirables enfantées par une caisse de résonance. Les Paul propose son prototype et ses services à la direction de Gibson, qui lui rit au nez. En 1947, le musicien de country Merle Travis et l'ingénieur Paul Bigsby affinent l'idée de Les Paul. La Bigsby-Travis présente un corps fin, une échancrure pour faciliter l'accès aux notes aiguës, et une crosse dotée de six clés de réglage en ligne, dont le profil semble avoir inspiré Leo Fender. Nous sommes à la fin des années 40, et ledit Leo Fender, aidé de George Fullerton, travaille justement à la construction de la Broadcaster, une guitare à caisse pleine dont la production démarre en 1950. Rebaptisée Telecaster, la première solid body Fender est un modèle de simplicité et d'efficacité. Le manche en érable d'une pièce est fixé au corps en aulne par quatre vis. La vibration des cordes est captée par deux micros simple bobinage. Peu coûteuse, facile à fabriquer et à réparer, la « Tele » connaîtra un grand succès commercial après des débuts difficiles. Sa sonorité claire et tranchante a été admirablement exploitée par Muddy Waters, Steve Cooper, Keith Richards, James Burton, Albert Collins, Clarence White, Danny Gatton, Mick Jones. Encouragés par ce premier succès, Leo Fender et George Fullerton se lancent dans la fabrication d'une basse électrique. La première Precision Bass sort de leurs ateliers en 1951. Remodelée en 1957, elle demeure une référence pour les bassistes, au même titre que la Jazz Bass, plus élégante et raffinée, commercialisée en 1960.

Les années 50 seront fastes pour Fender. Dans le sillage des Telecaster et Precision Bass, l'entreprise californienne dévoile en 1954 celle qui deviendra la plus célèbre et la plus copiée de toutes les guitares électriques : la Stratocaster. Elle est l'œuvre de Leo Fender, de l'ingénieur Freddie Tavares et du musicien de country Bill Carson. Très en avance sur la concurrence avec ses courbes confortables, sa forme futuriste, ses trois micros et son chevalet-vibrato entièrement ajustable (destiné à concurrencer le modèle Bigsby alors très en vogue), la Stratocaster conquiert le monde. Aux Etats-Unis, le meilleur argument de vente pour le « Strat » s'appelle Buddy Holly. De l'autre côté de l'Atlantique, Hank Marvin et ses Shadows provoquent eux aussi une ruée sur cet instrument moderne et très souple. A la fin des années 60, Jimi Hendrix achève d'installer la Stratocaster au panthéon des guitares électriques en exploitant au maximum ses vastes possibilités sonores (l'utilisation extrême qu'il fit du vibrato a inspiré la plupart des guitaristes de rock). Produite à des centaines de milliers d'exemplaires depuis plus de quarante ans, la Stratocaster est étroitement associée à Eric Clapton, Jeff Beck, Rory Gallagher, Stevie Ray Vaughan, Yngwie Malmsteen, Ritvchie Blackmore, Bryan Adams, David Gilmour ou Mark Knopfler. Fender a mis sur le marché bien d'autres instruments (Jaguar, Jazzmaster, Musicmaster…), mais aux yeux du grand public la Stratocaster incarne plus que tout autre modèle l'essence de la guitare électrique.

Gibson ne tardera pas à réagir au succès de Fender Au début des années 50, les modèles électriques à caisse dérivés des luxueuses guitares jazz de la marque trouvent encore facilement preneur, mais le succès de la Telecaster inquiète. En 1951, le jeune Les Paul est finalement engagé par le président Gibson, Ted McCarty, pour prêter son nom à une nouvelle guitare. Conçue par McCarty et son équipe, la première Gibson Les Paul sort en 1952. Elle est plus ronde que la Telecaster, plus raffinée aussi : son corps d'acajou est surmonté d'une table en érable, le manche acajou à touche palissandre est collé au corps plutôt que vissé. Elle reçoit à partir de 1957 des micros à double bobinage au son riche et velouté (appelés « humbuckers », antironflement en français, en raison de leur quasi-insensibilité aux parasites), mais disparaît momentanément du catalogue entre 1961 et 1968, remplacée par le modèle SG, qui deviendra la guitare fétiche de Robbie Krieger (les Doors), Tony Iommi (Black Sabbath) et Angus Young (AC/DC).

Le British Blues Boom ramènera la Les Paul sur le devant de la scène. Maniée par Mike Bloomfield, elle suscite de nombreuses vocations et réapparaît au catalogue pour ne plus en sortir. Branchée dans un ampli Marshall correctement réglé, elle produit une distorsion épaisse très appréciée des guitaristes de rock et de blues-rock. Déclinée en une dizaine de versions, la Les Paul séduira Jimmy Page (Led Zeppelin), Duane Allman (Allman Brothers Band), Joe Perry (Aerosmith), Mick Ronson (David Bowie), Neil Young, Robert Fripp (King Crimson) et Slash (Guns N'Roses). La firme produira ultérieurement des guitares aux formes très audacieuses comme la Flying V (Michael Schenker, Scorpions), l'Explorer ou la Firebird (Johnny Winter).

Parallèlement à ces solid body, Gibson continuait de fabriquer les guitares à caisse qui firent sa réputation, ainsi que des modèles de moindre épaisseur, comme la fameuse 335 demi-caisse apparue en 1958, très populaire chez les guitaristes de blues, de jazz et de fusion. De fait, si les solid body se sont taillé la part du lion dans l'histoire de la guitare électrique, il ne faut pas oublier que les guitares à caisse, qu'elles fussent électrifiées ou non, jouèrent un rôle non négligeable à l'époque des pionniers du rock. Chuck Berry, Bill Haley ou Elvis Presley jouaient tous sur ces instruments et les formations rockabilly qui leur rendirent hommage (Stray Cats) firent de même ; Gibson n'était pas seul sur le créneau des hollow body. Gretsch, Epiphone, Guild et Rickenbacker réussirent de bonnes ventes sur le marché des guitares à caisse ou demi-caisse. Les Beatles et les Byrds, notamment, firent vendre plus d'une « Ricken ».

Rickenbacker, à qui l'on doit l'originelle « Frying Pan », s'illustra également sur le marché de la solid body. En 1956 la Combo 400 est la première guitare à manche traversant produite en série. Sur ce type d'instrument, le manche n'est ni vissé ni collé : il se prolonge jusqu'au bout de la caisse. Les mécaniques, les micros et le chevalet reposent sur une même pièce de bois, sorte de poutre centrale à laquelle sont accolées deux ailes. Cette conception favorise un long maintien, puisque les vibrations, habituellement entravées au niveau de la jonction corps-manche, voyageant librement le long de la poutre. Pour cette raison, et en dépit de son coût élevé, la technique du manche traversant, ou manche conducteur, est encore largement employée de nos jours, principalement sur les basses électriques haut de gamme : Telecaster, Precision Bass, Les Paul, Stratocaster, Rickenbacker, 335, Jazz Bass… Ainsi, en une petite dizaine d'années, la guitare électrique a trouvé ses marques. A l'ère des grandes découvertes succède une diversification de la production. Le phénomène « guitare électrique » fait tache d'huile, et l'Amérique, qui abrite la majorité des grands constructeurs, concède quelques parts de marché aux Européens, puis aux Japonais. Sur le Vieux Continent, chacun suit son chemin. Les Britanniques (Burns, Vox) lancent des guitares et basses extravagantes. Les Italiens (Eko) se spécialisent dans les guitares petit budget. L'Allemagne (Hofner, Framus, Hopf) et la Suède (Hagstrom) s'essaient à la lutherie électrique en copiant les classiques d'outre-atlantique. Quelques instruments novateurs et grande qualité émergent chez Burns mais, dans son ensemble, la production européenne demeure qualitativement inférieure aux instruments made in USA. Au Japon, Guyatone, Teison, Ibanez et Tokai tâtonnent encore. La maison Yamaha, plus expérimentée que ses rivales, propose quelques modèles originaux de bonne tenue. Au cours des années 70, la lutherie nippone fera des progrès considérables, et l'on verra de plus en plus d'Ibanez ou de Yamaha entre les mains de guitaristes prestigieux.

Les années 80 voient l'émergence d'une génération d'instruments adaptée au jeu virtuose des nouveaux guitar heroes. Surnommées « superstrats », ces guitares se distinguent de la Stratocaster classique par un accès total aux notes aiguës, un micro humbucker en position chevalet favorisant une distorsion plus intense, et un système de vibrato très performant, indispensable pour exécuter des effets extrêmes sans désaccorder la guitare. L'américain Floyd Rose, qui choisit de bloquer les cordes au niveau du chevalet et du sille à la fois, donne son nom à la plupart de ces systèmes. Eddie Van Halen, Steve Vai et Joe Satriani en font bon usage. Depuis le début des années 80, tous les constructeurs y vont allés de leur modèle Superstrat, y compris Gibson et Fender mais des firmes comme Hamze, ESP, Kramer et surtout Charvel-Jackson en ont fait leur spécialité.

La basse aussi évolue pendant les années 80. Certains modèles profitent d'une cinquième corde, parfois d'une sixième. Les micros, les réglages de volume et de tonalité gagnent en efficacité grâce à des circuits actifs alimentés par une pile de 9 volts. La forme des corps s'adoucit ou se radicalise. Les matériaux composites font leur apparition. Les basses américaines Steinberger, présentées au public en 1982, intègrent toutes ses évolutions. Appelée « basse bâton », la Steinberger ne possède pas de tête. L'accrochage et la tension des cordes s'effectuent au chevalet. Le corps, de forme presque rectangulaire, est à peine plus large que le manche, et le bois a été remplacé par du graphite (une résine époxy renforcée par des fibres de carbone). Le son très droit de ce type d'instrument se marie bien à celui des synthétiseurs, et bientôt le graphite accompagne le bois sur de nombreuses basses haut de gamme.

Au cours des années 80 encore, l'avènement des synthétiseurs, puis de la norme numérique MIDI (qui leur permet de communiquer entre eux), inspire plus d'un constructeur, mais l'échec commercial des guitares-orgues électroniques ou guitares-boîtes à rythmes construites à la fin des années 60 les dissuade d'embarquer la totalité des circuits à bord d'une guitare. Les guitares-synthés modernes se contentent donc d'accueillir un capteur MIDI et quelques réglages de base, tandis que la partie synthétiseur loge dans un boîtier séparé. La firme japonaise Roland, qui n'a jamais hésité à investir lourdement dans la guitare-synthétiseur, proposait dès 1977 un système complet en version guitare ou basse (série 500). Plus élaborée, la série 700 lance en 1984 connaîtra quelques succès, mais n'atteindra pas ses objectifs de vente en raison de son coût élevé. Roland a aujourd'hui renoncé à imposer ses propres instruments, préférant vendre des capteurs MIDI adaptables sur n'importe quelle guitare. Bien que suffisamment fiable pour être joué sur scène, la guitare-synthé est surtout utilisée au stade de la composition, car elle permet d'extraire toutes sortes de sons depuis un seul instrument. Tout se passes comme si guitaristes et bassistes, refusant de céder aux sirènes de la technologie, se contentaient d'instruments simples et éprouvés. Les progrès de l'amplification et les nombreux effets audio dont ils disposent leur offrent, il est vrai d'énormes possibilités d'expression.